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L?Europe ?bahie voit na?tre un nouveau monde !
Publié dans La Nouvelle République le 29 - 10 - 2008

Aucun commentateur ne l'aura relevé mais la première clé du conflit russo-géorgien est, entièrement, inscrite dans la déclaration faite par le Président Dimitri Medvedev devant son Conseil de Sécurité, le 8 août, le jour, même, de l'assaut militaire géorgien contre l' Ossétie du Sud : "La Russie a toujours été, et restera toujours, le garant de la sécurité du Caucase".
La Russie est, en effet, l'acteur majeur du Caucase, depuis Pierre le Grand, et la domination russe a dessiné la configuration générale de la région, privilégiant l'axe nord-sud, via l'Arménie et l'Iran.
Mais, depuis la chute de l'empire soviétique, l'occident veut imposer un axe est-ouest, par lequel transiteraient, via le Caucase et la mer Noire, les richesses énergétiques et minérales, en provenance de l'Asie Centrale et de la Caspienne, et destinées à l'Europe et, potentiellement, aux Etats-Unis, richesses qui transitaient, jusqu'alors, via le territoire russe.
Washington veut, notamment, accroître ses sources d'approvisionnement en hydrocarbures grâce au désenclavement des productions de la Caspienne et privilégie, officiellement, des routes multiples pour les pipelines à partir de l'Azerbaïdjan, du Kazakhstan et du Turkménistan, favorisant, surtout, les projets de désenclavement suivant l'axe est-ouest c'est à dire évitant, à la fois, le territoire russe et celui de l'Iran.
La politique américaine en Caspienne est d'abord stratégique. Elle vise à assurer l'influence prépondérante des Etats-Unis dans la zone et à prévenir l'émergence d'un nouvel empire russe en Eurasie. Washington veut, donc, promouvoir le développement d'une Asie centrale détachée de l'influence exclusive de la Russie et aussi de celle, potentielle, de l'Iran.
Washington veut, de plus, s'offrir la possibilité de positionner des moyens politiques et militaires propres à fermer l'axe russe vers le Sud et le Moyen-Orient (d'où la volonté américaine d'intégrer la Géorgie dans l'OTAN) et la stratégie américaine heurte donc, de plein fouet, la stratégie de la Russie qui veut, quant à elle, conserver un contrôle sur les flux énergétiques eurasiatiques, garder un accès vers le Sud et établir, en mer Noire, en Caspienne et en Asie Centrale, une ceinture de protection d'états amis autour de la Russie.
Medvedev, encore, délivre une autre clé le 31 août dans une interview à trois chaînes de télévision russes : "La Russie ne peut accepter un système mondial où les décisions sont prises par les seuls Etats-Unis".
En d'autres termes, l'ordre unipolaire a vécu et la Russie est, aujourd'hui, déterminée à s'affirmer comme puissance première d'un ordre multipolaire nouveau. Et il ne s'agit plus, là, d'un discours, comme celui délivré par Vladimir Poutine à la Conférence de Munich sur la sécurité, en février 2007, accusant les États-Unis et leurs alliés de vouloir imposer une vision unipolaire du monde, qui ne ferait qu'attiser les conflits. Aujourd'hui, la Russie montre, de facto, et par la force, qu'elle n'accepte pas, qu'elle n'acceptera plus une expansion de l'OTAN toujours plus à l'Est et qu'elle s'opposera donc, par la force, au diktat américain (et à la présence de l'Otan) en Géorgie.
La détermination moscovite, tranquillement préparée, affirmée et poursuivie chaque jour de la crise sur le terrain et dans l'espace de communication, nous délivre une dernière clé, qui éclaire la stratégie russe et illumine, un peu plus, l'échec et la décadence américaine :
- Moscou a, minutieusement, anticipé, voire un peu provoqué, la folie de Tbilissi lançant l'assaut contre sa province infidèle, avec l'assentiment imbécile de ses parrains occidentaux, et les chars russes se sont immédiatement précipités dans l'opportunité, ainsi ouverte, pour prétendre garantir la paix et montrer le risque d'une Géorgie déstabilisante au sein de l'espace occidental.
- Moscou a exploité, jusqu'à la limite extrême de la rupture, le flou de l'accord de paix signé sous l'égide de Nicolas Sarkozy, pour bien signifier sa détermination et montrer que le point de non-retour était bien dépassé. N'intervenez pas, car nous ne cèderons pas !
- Moscou a bloqué toutes possibilités de condamnation par le Conseil de Sécurité des Nations Unies (droit de véto) et porté, très vite, des menaces de ruptures contre l'Europe (flux énergétiques) et contre l'OTAN (facilité de transit vers l'Afghanistan), pour bien marquer quels pourraient être les prix de la résistance occidentale.
- Moscou a, clairement, signifié que tous les pipelines construits dans la région en dehors de l'espace russe étaient, maintenant, à portée de ses armes accroissant ainsi, drastiquement, le risque des investisseurs (Tbilissi accuse Moscou d'avoir bombardé, durant le conflit, deux principaux oléoducs en Géorgie : Bakou-Tbilissi-Ceyhan et Bakou-Soupsa, ainsi que le gazoduc du Caucase Sud, qui transporte du gaz vers la Turquie).
Le choc géostratégique est majeur pour l'environnement sécuritaire de tous les investissements internationaux dans la région et les Etats-Unis craignent, déjà, que l'Azerbaïdjan ne commence à transporter ses ressources énergétiques à travers la Russie au lieu de la Géorgie (début juin, le géant gazier russe, Gazprom, a proposé d'acheter à l'Azerbaïdjan des volumes de gaz importants "aux prix du marché" et, lors de sa visite à Bakou, en juillet, le président russe Dimitri Medvedev a estimé qu'il y avait "des perspectives" de coopération entre Moscou et Bakou dans le domaine des hydrocarbures).
- Moscou a reconnu les indépendances ossète et abkhase, au risque de provoquer une déstabilisation accrue du Nord-Caucase, déjà sous son contrôle mais marqué par de graves tensions ethnico-politiques. La Russie a, ainsi, montré qu'elle exclut tout recul, que la crise géorgienne ne peut plus être soldée par un retour aux équilibres précédents, et que Moscou entend rester dans l'avenir, quel qu'en soit le prix, la puissance régionale déterminante pour le contrôle de l'ensemble du Caucase et de la Caspienne.
- Washington, affaibli par sa campagne présidentielle en cours, toujours drogué par ses illusions d'hégémonie absolue, incapable de tirer les leçons de ses échecs et irrémédiablement discrédité par les spectres de l'Irak, de Guantanamo, d'Abou Ghraib et des prisons secrètes de la CIA, peine à porter ses accusations contre "l'immoralité"de l'ours" soviétique et sa condamnation de l'oukase russe rencontre peu d'écho dans le vaste monde.
- Washington, à bout de forces économiques, englué militairement en Irak, en Afghanistan, peut-être d'ici, peu, en Iran, et sans doute, inéluctablement, au Pakistan, ne peut supporter une guerre de plus. Le syndrome d'échec a, en outre, divisé, profondément, pouvoir politique et encadrement militaire, et il suffit d'entendre le silence étourdissant du Pentagone dans la crise actuelle pour mesurer le ko américain.
Pour mesurer l'extraordinaire de cette situation nouvelle, il faut se souvenir qu'une des premières destinations de Donald Rumsfeld, après le 11 Septembre 2001, fut la Géorgie et que ce voyage fut suivi, début 2002, d'un déploiement significatif de forces spéciales. La stratégie américaine était alors, clairement, d'utiliser la "guerre contre la terreur", pour bâtir les infrastructures militaires du "Nouveau siècle américain" en mer Noire, en Caspienne et en Asie Centrale. Les protestations russes d'alors, pliant sous le joug et la supériorité américaine conquérante, avaient été totalement inaudibles.
Il faut entendre, aujourd'hui, Dimitri Rogozine, ambassadeur russe à l'OTAN, qualifier le rôle de George W. Bush dans l'affaire du BMDE (Bouclier anti-missile américain, installé en Pologne et en république Tchèque) : "Je pense que le président américain, George W. Bush, ne comprend même pas ce qu'on lui a "refilé". Il ne s'agit, en fait, que des ambitions du complexe militaro-industriel, convoitant de grosses commandes."
Il faut entendre, aujourd'hui, Nurusultan Nazarbayev, le Président du Kazakhstan, croulant pendant des années sous les millions de dollars de Washington et qui était reçu, en grande pompe, à la Maison Blanche en Septembre 2006, assurer Vladimir Poutine de son soutien dans la crise géorgienne lors du sommet de l'Organisation de Coopération de Changhaï (SCO), qui vient de se tenir à Douchanbé, capitale du Tadjikistan, le communiqué final du sommet assurant en outre Moscou du soutien de l'ensemble des membres du SCO (Chine, Russie, Kazakhstan, Kyrgyzstan, Tajikistan et Uzbekistan) quant au " rôle actif de la Russie pour la paix et la coopération dans la région" (curieusement, la plupart des médias occidentaux ont relevé un échec russe à Douchanbé parce que les membres du SCO n'ont pas reconnu les indépendances ossète et abkhase).
Il faut voir, enfin, pour mesurer la rupture totale du rapport de force, l'aisance et la décontraction de Vladimir Poutine, interviewé le 27 août sur CNN, accusant les américains d'être derrière l'attaque géorgienne contre l'Ossétie du Sud, pour favoriser la candidature McCain, tout en appelant l'intervieweur de CNN par son prénom, et en rappelant sa rencontre avec George W. Bush, aussi désigné par son prénom, aux JO de Pékin. Deux jours plus tard, Vladimir Poutine confirmait sa version sur une chaîne de télévision allemande, ajoutant que des conseillers US avaient participé à l'attaque géorgienne. Aujourd'hui, ce sont les dénégations américaines qui restent complètement inaudibles dans les médias.
Et l'Europe ? Plus que jamais divisée, et en pleine crise de schizophrénie elle a, encore une fois démontré que, géant économique, elle n'en demeure pas moins nain politique et militaire, incapable de répondre aux défis des guerres proactives pour l'énergie (hier l'Irak, aujourd'hui la Géorgie, demain l'Iran ?) ! Porteuse (trop vite ?) d'un accord de paix qui oublie la garantie des frontières géorgiennes et accorde à la Russie des arrangements de sécurité qui ne dépendent que de son bon vouloir, elle se réfugie, tremblante, dans les bras américains dès que Vladimir Poutine hausse le ton et ordonne à ses chars de parader à quarante kilomètres de Tbilissi pour saluer la visite de Condoleeza Rice.
La question posée est pourtant maintenant la suivante : l'Europe doit-elle poursuivre l'utopie purement atlantiste, dans les bras d'un ami américain aujourd'hui épuisé et discrédité pour constater, demain, que ses livraisons énergétiques sont toutes entières à la merci du bon vouloir russe ou l'Europe doit-elle, enfin, considérer et affirmer avec force, y compris en moyens militaires communs et en politique de défense intégrée, ses intérêts propres et son propre équilibre géostratégique entre Ouest et Est ? Dans le Caucase, intérêts russes et européens mériteraient peut-être, alors, d'être pris en compte à égalité dans le partenariat stratégique en suspension, au risque de primer sur l'intérêt de l'imperium américain.
Il ne s'agit pas de rompre avec nos amis de Washington mais, comme vient de le déclarer Dominique de Villepin, "il y a quelque chose à inventer entre l'Union Européenne et la Russie".


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