Réalisateurs, comédiens et autres techniciens du cinéma venus, nombreux, rendre hommage au réalisateur Youcef Bouchouchi à l'occasion d'une cérémonie, organisée jeudi en fin d'après-midi par l'établissement Arts et Culture, ont exprimé leur inquiétude face à la situation de «délitement» dans laquelle se trouvent, selon eux, les métiers du cinéma. Youcef Bouchouchi, 70 ans, a débuté sa carrière en tant que cameraman à la RTA avant l'indépendance. Dans les années 1970-80 il est surtout réalisateur de téléfilms et d'émissions dont la mythique télé ciné-club animé par Ahmed Bédjaoui. Au début des années 1990, le réalisateur quitte l'ENTV, héritière de la RTA, pour fonder sa propre entreprise de production cinématographique. Le parcours de Bouchouchi, salué par ses collègues, a donné lieu à un état des lieux du cinéma algérien, tant la carrière du réalisateur se confond avec l'âge de ce dernier, depuis les premières images envoyées du maquis pour rendre compte de la lutte pour l'indépendance. Des professionnels, à l'instar du réalisateur Amar Laskri, ont tenu une fois de plus à «tirer la sonnette d'alarme» sur la réalité du cinéma algérien, évoquant, entre autres, la situation des salles de cinéma, disparues ou fermées depuis des années maintenant (de 500 à l'indépendance, il n'en subsiste qu'une vingtaine dans tout le pays). Le réalisateur a estimé également difficile de parler de production cinématographique qui «ne doit pas être confondue avec les téléfilms». A. Laskri, mettra en garde, par ailleurs, contre le «leurre» consistant à attribuer la nationalité algérienne aux films produits grâce à des «moyens majoritairement ou totalement internationaux», au seul motif que le réalisateur en est algérien. Belkacem Hadjadj veut dépasser ce sujet qui partage la profession pour rebondir sur un aspect, selon lui, «très grave» qui touche à la question de l'image : «Il n'est pas interdit de faire un film sur un thème algérien, indépendamment de la nationalité de son auteur ou de son lieu de résidence», dira-t-il, soulignant, en revanche, la rareté du regard «autochtone», pour refléter une image réelle de la société algérienne telle que vécue de l'intérieur. Mais pour rendre cette image «authentique», il faut toute une chaîne, allant de l'écriture de la fiction, à la projection en salle en passant par la réalisation et la production. Toute une industrie et un savoir-faire, qui étaient, certes, à leur balbutiements dans les années 1970-80, mais «déstructurée» pour l'une et «disparu» pour l'autre, déplorent ces professionnels, nostalgiques de l'époque de l'ONCIC (Organisme national du cinéma et des industries cinématographiques et du CAIC (Centre algérien des industries cinématographiques). La disparition, début 1990, de ces deux entités dont les équipements sont tombés en déshérence et les locaux détournés au profit d'activités éloignées de la sphère culturelle, a signé le début de la tourmente dans laquelle se débattent cinéma et professionnels du secteur, ont-ils affirmé. Parmi ces professionnels, quelques-uns ne veulent pas céder à la fatalité, à l'exemple de Hadjadj qui invitent ses collègues à «cesser de se lamenter» et à «retrousser les manches». S'il reconnaît que la tâche est difficile, le réalisateur n'estime pas pas moins qu'elle est réalisable, en commençant par «concilier l'Algérien avec l'image dès l'école». Le réalisateur appelle, à cet effet, les pouvoirs publics, à réintroduire la projection de films dans les écoles, en dotant celles-ci d'équipements modernes, légers et peu coûteux. Pour la relance proprement dite du cinéma, le réalisateur préconise une mise à niveau des techniciens (son, montage, direction photos...), la formation au métier de l'écriture de scénario et même à la gestion des salles de cinéma. Sur cette même lancée, d'autres intervenant appellent à la création des ciné clubs et à la reconstitution du réseau des cinémathèques algériennes pour qu'elles recouvrent leur véritable vocation. Au-delà du constat des uns et des attentes des autres, c'est une synergie des compétences «disponibles», que les professionnels appellent de leurs vœux, mais qui «reste tributaire, selon eux, d'une politique résolument tournée vers la renaissance du cinéma algérien» et appuyée par des fonds publics conséquents.