Une pièce montée connote l'union par le mariage dans la pure tradition. L'innovation réside dans la manière de narrer ce genre d'événement heureux. Parmi les couples passés devant le curé pour une union sacrée, celui de Vincent-Bérengère occupe le devant de la scène pour servir de modèle de mariage réussi, bien que cela soit discutable, et d'image de non-respect de la chronologie. Un couple se marie et c'est une page qui est tournée pour un homme et une femme qui font le serment de rester unis pour le meilleur et pour le pire. Mais au lieu du processus habituel : mariage, enfants, conflits, scènes de ménage, c'est le concept du mariage qui revient de manière récurrente jusqu'à la fin comme si le couple devait être un symbole ou une référence d'un temps et de tous les temps parce qu'il a fait le bonheur de nos aïeux. Un nom de personnage pour chaque chapitre Un choix très significatif qui valorise tous les protagonistes dans leurs rôles d'acteurs dans un univers romanesque qui nous fait vivre des situations s'inspirant largement du réel. Nous sommes au 21e siècle et l'auteur semble avoir adapté son écriture au nouveau millénaire. Cela commence par une dispute entre les parents de Pauline, éponyme de cette première partie dont le début se passe dans une voiture, symbole de la vie. Puis, cela continue par l'église, la peinture des jeunes femmes et jeunes hommes appelés à s'unir ou à se séparer comme dans la réalité. Madeleine vit à l'image d'une légende découverte sur une table où il s'agit de «deux corps soudés dans une parfaite harmonie. Mais ils se sont un jour séparés. Depuis, chaque être passe sa vie à la recherche de son double exact, sa moitié perdue, et lorsqu'il la retrouve, ils s'unissent d'un amour parfait et inaltérable. Mais la plupart des être humains errent par toute la Terre sans jamais découvrir la moitié dont ils ont été séparés. Ou alors, ils se trompent en croyant la trouver, et l'on voit se former des attelages bancals et douloureux». Marques de non-chronologie dans le couple Bérengère-Vincent, représentatif d'un ensemble On ne parle pas d'absence totale de chronologie comme dans le roman de Robbe-Grillet, mais de couple qui se retrouve au fils des pages sous le signe du mariage. Il en est de même des autres couples constitués ou dont l'union s'est officialisée devant le curé. Ainsi, à la page 80, on dit : «Ils sont dans la voiture avec les enfants, ils vont au mariage de Bérengère.» A la page 266, la même «Bérengère qui voit briller les étoffes somptueuses, en compagnie de ses parents, a huit ans». Comme dans le roman moderne ou nouveau roman, l'œuvre de Blandine Le Callet se déroule en suivant le rythme des pensées, souvenirs, rêves, pensées des personnages. C'est intéressant à lire mais on a du mal à se retrouver dans ces couples qui se constituent et dont les noms reviennent non pas pour donner des nouvelles de chacun après des années de vie, mais pour apporter un plus d'informations sur leurs traits de caractère. On parle, par exemple, d'Alexandre, cadre supérieur qui abandonne l'option «couple radieux» dan les mariages. Plus loin, on le cite en disant : «A présent, on dit d'eux (Alexandre et sa compagne) qu'ils forment un couple solide, harmonieux, qui s'entend bien;» Puis, «Alexandre est de retour». Le mariage est devenu, du moins cela se ressent, comme un thème obsessionnel, pour ne pas dire dominant. Lorsqu'à une page on aborde l'âge du mariage comme probablement une condition importante, on dit alors : «Bérengère se marie à vingt-six ans, Marie en a vingt- huit. Quelqu'un a dit qu'on faisait la course ? C'est le jeu de «celle des trois sœurs qui se marie la plus jeune ? On doit obligatoirement passer par la case «mariage», sinon, on est éliminée ?» A propos de Bérengère, le verbe «se marier» est présent, bien qu'elle ait été mariée. Des écarts aux normes de la vie conjugale Il y a des hauts et des bas dans chaque couple. Vincent, mari de Bérengère ne peut imaginer que Nathalie soit sortie de sa vie, celle-ci est l'amie de Benoît. Ainsi, que de comportements hors normes de personnages masculins ou féminins faisant partie de leurs couples officialisés à l'église, et qui, par les souvenirs ou l'imagination, se voient parties de couples désirés intérieurement. Au fur et à mesure de notre lecture jusqu'à la fin du roman, nous retrouvons au détour d'une page Bérengère (pp. 189-190) : «Le soir, au moment des au revoir (peut-être à la sortie de l'église), dans le grand hall, Lucie accepte enfin d'embrasser Bérengère. Deux baisers spontanés et affectueux. Sophie prend Bérengère à part, et murmure avec beaucoup d'émotion : ‘Je ne voulais pas vous le dire devant tout le monde, mais je trouve que c'est très généreux de votre part d'avoir accepté Lucie comme enfant d'honneur.» Puis, ça et là, on découvre des don juan qui osent, moyennant des danses, tenter des aventures. On peut parler de roman psychologique dans la mesure où, par le biais d'un comportement, on retrouve l'état d'âme de tel ou tel personnage atypique. C'est le cas de cette fille courant vers l'église, suivie de près par un jeune homme qui cherche à la retrouver sans réussir à la rattraper. A la sortie, c'est un couple marié qui attire tous les regards, comme l'image d'un départ pour une vie normale et un avenir sûr. Apparemment, c'est le respect de la morale sociale qui domine dans l'allégresse générale «Quand les mariés apparaissent sur le seuil, le parvis est déjà encombré de photographes.» Une pièce montée symbolise bien le mariage d'antan compris comme une union sacrée d'un homme et d'une femme qui s'engagent devant Dieu à fonder un foyer avec des enfants. Les deux partenaires s'unissent en faisant abstraction des aléas de la vie, dans un monde libertaire où tout se fragilise. Mais c'est tout de même un roman bien écrit et qu'on lit agréablement avec beaucoup de concentration. Boumediene Abed Blandine Le Callet, Une pièce montée, éd. Sedia, Alger 2008, 285 pages