Israël semble s'apprêter à virer à droite lors des élections de mardi, les derniers sondages donnant l'avantage au «faucon» du Likoud Benjamin Nétanyahou, partisan d'une ligne dure sur la paix au Proche-Orient qui risque de mettre l'Etat hébreu en collision avec le nouveau gouvernement américain. Mais en raison d'un nombre important d'indécis et des complexités inhérentes au système politique israélien – proportionnelle intégrale et nécessité de bâtir des gouvernements de coalition, la cheffe de la diplomatie actuelle Tzipi Livni pourrait tout de même se faufiler vers la victoire. C'est d'ailleurs à la suite de son incapacité à constituer une nouvelle coalition autour de Kadima pour succéder au Premier ministre Ehoud Olmert, démissionnaire en raison de ses démêlés judiciaires, que ce scrutin anticipé a été convoqué. «Comment est-ce que j'explique le virage à droite ?», demande l'analyste Reuven Hazan. «En trois mots: Hezbollah, Hamas, Iran». Car les 23 jours de guerre dans la bande de Ghaza, s'ils ont suscité la réprobation d'une bonne partie de la communauté internationale, semblent avoir en Israël alimenté le sentiment récurrent de «forteresse assiégée», de petit pays entouré d'ennemis. Viennent s'y ajouter la récession économique et ce sentiment de plus en plus répandu que renoncer à la terre (en vertu de l'adage longtemps affiché de «la terre contre la paix»), ne fait en fait qu'augmenter les attaques. Même si Livni et le ministre de la Défense Ehoud Barak, le troisième aspirant au poste de chef de gouvernement, ont gagné des points en menant cette guerre populaire, c'est Nétanyahou qui incarne le mieux le sentiment dominant du jour. Sa priorité, c'est de lutter contre ceux qui attaquent Israël, et pas de courir après cette fuyante et compliquée paix israélo-palestinienne. «La dernière fois, j'ai voté Barak, nous avons essayé d'être sympa avec les Arabes, et regardez le résultat», grogne Elan Benaroush, 37 ans, habitant de Jérusalem, évoquant les attaques à la roquette et la prise du pouvoir par le Hamas à Ghaza, après le retrait unilatéral israélien en 2005 et les élections dans les territoires palestiniens. «Nous devons être forts. C'est un vote de sécurité». Selon les derniers sondages, les partis de droite réunis pourraient récolter une majorité d'environ 65 sièges sur 120 dans la prochaine Knesset. Mais l'avantage du Likoud de Nétanyahou sur le Kadima de Livni s'est réduit : il n'aurait plus que deux ou trois sièges d'avance. En outre, les indécis seraient encore un quart des 5,3 millions d'électeurs israéliens. Mais même si Kadima double le Likoud au poteau et que le président Shimon Pérès confie à Tzipi Livni le soin de former un gouvernement, elle se retrouvera dans la même situation qu'il y a trois mois, contrainte à s'allier avec les partis les plus à droite, dont elle avait refusé les exigences la dernière fois. Ce qui fait d'Avigdor Lieberman le faiseur de rois de cette élection : son parti Yisraël Beitenou, parti ultranationaliste représentant au départ les immigrés venus d'ex-URSS, semble en bonne position pour ravir la troisième place au parti travailliste (Avoda) de Barak. Le charismatique, extrémiste et populiste Lieberman a fait campagne pour que la citoyenneté israélienne soit retirée aux Arabes considérés comme déloyaux envers l'Etat hébreu. Une position qui a donné naissance à l'un des spots télévisés les plus hauts en couleur de la campagne, réalisé par le parti «colombe» Meretz : «Vous avez aimé Mussolini, vous regrettiez Staline, vous allez adorer Lieberman.» S'il semble impossible pour Livni de s'allier avec Yisraël Beitenou, M. Nétanyahou ne l'exclut pas. Pas plus qu'avec les partis religieux ultra-orthodoxes opposés à toute concession territoriale aux Palestiniens. Ce qui porterait un nouveau coup au processus de paix. L'ancien Premier ministre a d'ailleurs récemment dit qu'il autoriserait de nouvelles constructions dans les implantations de Cisjordanie. Et jugé que tout territoire cédé par Israël serait «raflé par les extrémistes». Le virage qu'Israël prendrait en élisant Nétanyahou est à l'opposé de celui que les Etats-Unis ont pris avec Barack Obama : «c'est malheureux», soupire Mohammed Shtayyeh, directeur du Conseil palestinien pour le développement économique. «Quand il y a une atmosphère positive aux Etats-Unis, Israël s'engage sur une voie négative». Les frictions s'annoncent nombreuses. Sur la question du Hamas, Benjamin Nétanyahou est le plus dur des Premiers ministres israéliens potentiels, appelant au renversement d'un régime soutenu par l'Iran. Il semble aussi le plus susceptible de frapper militairement l'Iran, à l'heure du changement de ton à Washington. Pourtant, s'il y a bien une chose que les électeurs israéliens ont toujours détestée, c'est d'être en porte-à-faux avec les Etats-Unis, leur principal allié et soutien financier.