Smaïn Hebbar, ce virtuose musicien et chanteur populaire, a souvent attiré l'attention du spectateur avec sa voix rauque et son jeu de l'instrument qui est la mandole. De ses doigts et ses tripes, il chante avec sensation tous les textes de Kateb Yacine. Souvent, il est accompagné par un autre personnage sur scène, en la personne de Boudiaf Tahar alias «El hikma, le flûtiste». Ce dernier, Yacine l'avait rencontré en 1975 à Constantine, lors d'une représentation théâtrale de la pièce Mohamed ,prends ta valise. Smaïn Hebbar, puisque c'est de lui qu'il s'agit, chante les textes de toutes les pièces de l'auteur à commencer par ceux de Mohamed prends ta valise, Palestine trahie, la Guerre de 2000 ans, le Roi de l'ouest et la Poudre d'intelligence. Il lui arrive de chanter d'autres textes dans les deux langues maternelles, à savoir le tamazight et l'arabe dialectal, et même des textes de chanteurs «engagés» tels que cheikh Imam, du poète Fouad Negm et d'autres. En réalité, aucune autre personne ne pourra interpréter les textes du regrette Yacine quel que soit le talent de l'artiste, car sans connaître Yacine, et le côtoyer, il est impossible de vivre et de ressentir l'impact et la valeur du texte. Smaïn a vite noué des liens d'intimité avec Yacine. D'ailleurs, il a effectué un très bon voyage en URSS, à d'Agra (Caucase), en 1977 avec son fils Amazigh, qui n'avait que 5 ans, à cette époque. Pour revenir sur le parcours de Smaïn Hebbar, il est né le 27 mai 1949 à la Casbah d'Alger, à l'ex- rue des chameaux, actuelle rue des frères Racim que la plus part des Ouled la casbah appelaient «Zenquet labeir» à Bab Jdid. Mais, il est originaire du village Chorfa, dans la commune d'Azazga, dans la wilaya de Tizi-Ouzou. Il a passé son enfance à la Casbah, puis sa famille a déménagé après l'indépendance pour s'installer dans le quartier de Leveilley (actuelle Maqaria). C'est en 1973 qu'il a fait connaissance avec Kateb Yacine par l'intermédiaire d'un ouvrier de l'ONAMO, un organisme qui dépendait à l'époque du ministre du Travail, d'où la troupe théâtrale (Action culturelle travailleurs) que dirige Yacine, travaille sous sa tutelle. Avant que Smain ne rejoigne la troupe, comme chaque artiste, il a travaillé au port, au sein de la CNAN (Compagnie nationale algérienne de navigation) en qualité d'agent dans l'import-export (quai d'Antibes) et il lui arrivait des fois de chanter pour les dockers. Lorsqu'il a rejoint l'Action culturelle des travailleurs en 1973 et jusqu'en1978, date de son départ de la troupe d'Alger vers Sidi Bel-Abbès, Smain est resté toujours fidèle à Yacine, et ce dernier l'admirait beaucoup car il est pétri de qualités. De cette date jusqu'à sa retraite, Smain a continué à apporter sa contribution au sein de la troupe, non seulement dans les pièces de Yacine, mais également dans d'autres pièces signées par d'autres auteurs auquels le théâtre a ouvert ses portes du vivant de Kateb pour promouvoir les jeunes auteurs, tels que Mohamed Bakhti avec ses trois pièces : Anti oua ana, Ya ben aami win, El djelssa marfouaa, ainsi que pour son cousin Malek Kateb dans son monologue Allal danger interprété par le regretté Mustapha Nedjar. D'ailleurs, à titre d'information, il lui arrivait en plus, de camper des personnages en cas de défection d'un comédien. A titre d'information, Smaïn a effectué plusieurs tournées à travers le territoire national, et même à l'étranger, à savoir en France, et dans la République démocratique d'Allemagne. Et en dernier lieu, en 1979, une tournée au Sahara occidental avec la pièce le Roi de l'ouest a été vue par quelques 70 000 Sahraouis dans les camps de réfugiés. Depuis quelques années, surtout avec la disparition du regretté Kateb, le théâtre n'est plus géré comme du temps du défunt, et l'ambiance n'est plus la même, donc la plus part des anciens ont été indirectement poussés à partir en retraite, et Smaïn y compris. Il demeure l'homme le plus dévoué à Kateb Yacine.