L'ouvrage, intitulé «Abdelhafid Boussouf le révolutionnaire aux pas de velours», constitué de 308 pages, est le premier du genre puisque rien de tangible n'a été écrit sur ce grand révolutionnaire. L'auteur, journaliste et chroniqueur à La Nouvelle République, a opté pour une approche psycho-historique de la personnalité de Abdelhafid Boussouf. En clair, il a essayé de mettre en lumière cette personnalité, complexe, à travers son parcours révolutionnaire. Plus d'une soixantaine de références bibliographiques, des témoignages de moudjahidine qui ont connu Boussouf, à l'Ouest du pays, ainsi que ceux de certains cadres du Malg, ont constitué la matière fondamentale de cette recherche, qui a duré deux années environ. Concernant l'ouvrage en question, constitué de sept chapitres, il traite en premier lieu d'un aspect de la formation de Boussouf. Ainsi, milieu familial, cursus scolaire, formation politico-militaire, auto-formation, ont constitué l'architectonique personnelle de Boussouf, qui deviendra l'un des plus grands stratèges et organisateurs de la Révolution. Ayant vécu dans une famille où le livre historique ne manquait pas, il avait, dès son jeune âge, manifesté un intérêt précoce à l'égard des événements historiques. Acquis qui furent renforcés par son adhésion au PPA et l'OS. Avec une formation politico-militaire, il avait déjà les compétences requises pour jouer les premiers rôles. Ce qui lui a valu d'être nommé chef de daïra de Skikda, puis, après le démantèlement de l'OS, en 1950, chef de daïra en Oranie (Tlemcen, Nedroma, Ghazaouet, etc). Il sera, également, l'un des 22 membres du CRUA qui ont penché pour la lutte armée et le déclenchement du 1er novembre 1954. Lors du déclenchement de la Révolution, il fut nommé adjoint de Larbi BenM'hidi, en compagnie de Hadj Benalla, Benabdelmalek Ramdane, Ahmed Zabana, Mohamed Farts et d'autres, à la tête de la Zone 5. La période 1956-1958 fut, d'une part, déterminante dans sa carrière révolutionnaire, et propice pour la mise en valeur de ses compétences axiologiques. Pour cela, il faudrait, d'abord, revoir la succession d'un certains nombre d'événements. Dès le début 1956, le Commandement de la Zone 5 avait opté pour la création des bases-arrière au Maroc. Ce fut une occasion pour la mise en place de centres de soutien à la Révolution, en matière d'armement et de logistique, d'instruction, de santé et d'accueil. En mai 1956, il profitera de la grève des étudiants pour utiliser cette sève intellectuelle au service de la Révolution. Ce qui sera entamé par la création de la première école de transmission, en août 1956, avec notamment le concours de Messaoud Zeggar, dit Rachid Casa, qui se débrouillera, à sa manière, en matière d'équipement, et d'une pléiade de cadres, dont Abdelkrim Hassani, Senoussi Seddar, Omar Tlidji, qui seront les premiers formateurs. En septembre, et après le Congrès de la Soummam, il deviendra Chef de la Wilaya 5, en remplacement de Larbi BenM'hidi, parti pour la Zone d'Alger. Au mois d'Octobre de la même année, surviendront deux événements déterminants. D'abord, l'arrestation des 5 chefs historiques, dont Mohamed Boudiaf, et ensuite l'arraisonnement de l'Athos, qui transportait 72 tonnes d'armes en direction de la Wilaya 5. Le départ de BenM'hidi, et l'arrestation de Boudiaf, inciteront Boussouf à faire cavalier seul pour armer sa Wilaya. L'arraisonnement de l'Athos, également, fera changer de stratégie à Boussouf, dans la mesure où il cherchera d'autres voies en matière d'acheminement d'armes. Parallèlement à la lutte armée, la guerre psychologique battait son plein. L'un des moyens de contrecarrer la propagande subversive française était, évidemment, la création de la Radio : «Ici la voix de l'Algérie libre et combattante», dont le coup d'envoi a été donné le 16 décembre 1956. L'année 1957 a été également fructueuse en matière d'innovation, puisque le 1er janvier verra l'ouverture du premier centre d'écoute. Durant le même mois, Boussouf sera le directeur de stage d'une promotion de contrôleurs (Commission de contrôle et d'information). Composée de 8 filles et 9 garçons, cette commission avait d'abord une tâche politique ; car les jeunes moudjahidate ont pour mission de s'enquérir de l'état d'esprit de la femme rurale face aux contraintes de la lutte armée. C'est un travail d'auscultation politique et psychologique des entrailles de la population. Les membres de cette promotion sont, tous, d'un niveau de formation secondaire. Seize d'entre eux seront dépêchés sur le territoire de la Wilaya V, pour le contrôle des zones, une inspection multiforme. Plus explicite, encore, Mme Yamina Abdessamed, l'une des stagiaires, dira : «nos âges étaient entre 16 et 20 ans. Boussouf était le directeur de stage. Il nous inculquait le sens du rendement efficace, et du sacrifice, pour la réalisation des objectifs de la Révolution, quels que soient les dangers, les difficultés et les défis à relever. Ce stage avait duré deux mois et demi, dans le secret total. Boussouf était un instructeur expérimenté, il maîtrisait cet art pédagogique de faire parvenir le plus important des techniques militaires. Il avait fait de nous des cadres politiques et militaires. Parmi les principes qu'il nous inculquait : -L'organisation : il disait souvent : «Là où l'homme échoue, l'organisation triomphe». -Le secret. -La discipline. -Le contrôle : il ne cessait de répéter : «Un minimum de contrôle pour un maximum de sécurité» -La méthode de travail (réunions, rapports, etc) et la création d'une documentation. Sur le plan militaire, l'instruction était axée sur les techniques de la guérilla : embuscades, assaut, encerclement, repli, manipulation de toutes les armes disponibles (Fusil Sten, Mat 49, mitrailleuse, mortier, grenades, etc), en sus des cours de politique (algérienne et internationale) et d'économie. Après ce stage, chaque groupe a été affecté dans l'une des différentes zones. Après notre retour aux bases-arrière, nous avons été utilisés dans les SRL (services de renseignements et liaisons). Nous sommes entrés dans la clandestinité totale. Notre tâche s'articulait autour de l'exploitation des PV d'écoute, les activités psychologiques (propagande), la préparation des bulletins-radio et du tract «l'Avenir», distribué aux unités combattantes afin de contrecarrer l'action ennemie, etc». En juillet, il créera la première école des cadres, qui, par la suite, constituera le tremplin des services secrets. Au cours de la même année, et suite aux promotions consécutives des services de transmissions, il arrivera à doter toutes les wilaya de station radio. Ce qui va contribuer, amplement, en matière de communication et de coordination entre les unités combattantes et les différents commandements. Dans ce contexte, l'activité sera même étendue aux différents réseaux extérieurs. Sur le front Est (Tunisie) il procèdera, en 1958, à la création d'une école de transmission, ainsi qu'une école des cadres. Pour cela, il fera appel à certains cadres formés à l'Ouest, pour devenir, à leur tour, des formateurs. Le 18 septembre, avec la création du premier GPRA, il sera nommé ministre des Liaisons générales et Communications. Suite à cette nouvelle fonction, il quittera la wilaya 5, la laissant sous la coupe de Houari Boumediene, secondé par le colonel Lotfi. Depuis cette nomination, il ne cessera d'œuvrer dans le contexte diplomatique, parallèlement au contrôle du bon déroulement des autres services créés antérieurement. Avec l'avènement du second GPRA, en 1960, Boussouf prendra en charge l'armement, ainsi que les liaisons générales, d'où l'appellation du MALG. A ce propos, dira Aït Ahmed : «Le MALG, qui était la seule institution disposant d'un programme et de moyens de recrutement, avait la rarissime capacité d'anticiper et, déjà, d'exploiter les événements. Il renfermait des centaines de cadres compétents et dévoués, et embrassait des secteurs complexes et variés. Le sérieux, l'esprit méthodique et les traditions de rigueur prévalant dans le travail, le MALG disposait donc de tous les moyens pour être à la hauteur de sa mission, et il l'était remarquablement. Et les résultats de son action ont fait sa force et sa notoriété, par la part prise dans la contribution effective au développement des moyens de lutte directs et indirects contre l'ennemi, et dans l'évolution soutenue de la Révolution vers la victoire finale», rappelle Aït Ahmed. (Hocine Aït Ahmed, L'affaire Mecili, Editions La Découverte, Paris, 1989). Cette nouvelle mission lui permettra de créer 6 fabriques d'armes clandestines au Maroc. Comme il profitera, avec la pléiade de cadres formés depuis 1956, pour créer la base Didouche Mourad, à 80 km de Tripoli Lybie). Cette base deviendra une Centrale du renseignement, le centre nerveux de la Révolution, puisqu'elle renfermera plus de 200 cadres, parmi les meilleurs dans leurs spécialités. C'est là que seront traités les grands dossiers politiques, économiques, sociaux et militaires. Et c'est là, également, que sera traité le grand dossier des négociations d'Evian. En épilogue, l'auteur met en exergue la force des services de renseignements algériens qui, sous la coupe de Boussouf, ont fait preuve d'un grand savoir-faire en matière de renseignements stratégiques, et d'acheminement d'armes. Ainsi, le palmarès de ce grand révolutionnaire demeure constellé de faits d'armes qui font de lui la fierté de tous ceux qui ont lutté vaillamment pour l'indépendance.