Les musulmans voient en Mohammed celui qui, le jour du Jugement, priera le Seigneur d'accorder sa Clémence aux hommes, seuls êtres de la création qui connaissent et commettent le péché. Ce que l'Islam retient aussi, c'est la révolution morale apportée par Mohammed. Les conquêtes territoriales faites par ceux qui embrassèrent la foi nouvelle furent immenses et fulgurantes. La civilisation qui s'ensuivit fut l'une des plus brillantes qu'ait connues l'humanité. Mais la vraie gloire de l'Islam ne réside ni dans la création de vastes empires, ni dans le progrès des sciences et des arts, ni dans les spéculations de ses légions de penseurs, elle réside dans l'affranchissement moral de I'Homme. Les monarques musulmans aimaient rappeler le Juste, le Libérateur, leurs villes, la Cité de la Paix, dénominations bien significatives. De tout temps, certes, l'idée de charité, de justice, de fraternité, a été défendue et honorée par les hommes.Avant le mystique persan El Kocheiri, les Chinois disaient : «Si les hommes pouvaient s'aimer, ils n'auraient pas besoin de justice». L'Islam est venu renouveler ces valeurs et introduire dans le cœur des hommes cette vertu qui leur permet de se supporter et d'éteindre leurs passions, tout en gardant leurs particularités et qui s'appelle la tolérance. Pendant la longue période de la Djahiliya, les Arabes, à coté de très hautes vertus telles que l'hospitalité, la bravoure, le mépris de la mort, possédaient des mœurs barbares. L'Islam vint. Celui dont le cœur était insensible au point de faire périr sa propre enfant, après sa conversion, ne put, un jour, supporter qu'on égorge un chevreau devant lui. Parallèlement à l'étude du Coran, le musulman doit s'initier à une science appelée «Sira Nabaouia» (l'exemple du Prophète), qui enseigne comment l'Envoyé s'acquittait de ses devoirs envers lui-même, ses proches, ses semblables et envers Dieu, et ce qu'il conseillait «aux compagnons» qui venaient le consulter pour s'affranchir de leurs travers moraux. «Ne mens pas, dit-il à l'un d'eux, et tu vivras en paix avec ta conscience.» Tous nos manquements ont en effet à leur base le mensonge (…)». Le Mouloud, journée des enfants «Si Achoura nous rappelle à nos devoirs envers les déshérités, si l'Aïd-el-seghir clôture le long et sévère jeûne du Ramadhan, si l'Aïd-el-kébir commémore le sacrifice d'Abraham, si toutes ces solennités sont célébrées avec la même ferveur par tous les croyants et croyantes, les traditions veulent que le «Mouloud» (la naissance du Prophète)soit réservé spécialement à l'enfance. Le «Mouloud en Islam, comme le Noël chrétien est la journée des petits. C'est leur fête, leur grande fête. En terre d'Islam, l'enfant, par ses chants, ses cris, ses rites, son exubérance joyeuse, par l'observation attentive de tout un chapelet de petits rites, fêtera cette naissance qui, elle-même,sera l'aube (le Prophète est venu au monde à quatre heures du matin) d'une ère nouvelle : Cette nuit le nabi naîtra Les anges dans le ciel, chanteront des hosannas O Aïcha ne dors pas Cette nuit le Nabi naîtra Le chœur des enfants retentit dans les patios, aux portes des maisons, va se perdre dans les méandres des venelles. Pour les fillettes, on a fait sortir les tenues les plus rutilantes, les bijoux les plus étincelants. On s'ingénie même à ajuster à leurs corps le caftan ruisselant d'or d'une grande sœur et à fixer sur leurs boucles fraîchement teintes de henné, de lourds diadèmes. La veille, furent également carminés doigts, ongles, paumes des mains. Quelle coquetterie ! A la taille près, de vraies jeunes mariées ! Les garçonnets n'ont pas moins fière allure sous leurs «chéchias» écarlates et leurs gandouras de soie rayée et brillante. Eux aussi, à la taille près, de vrais caïds !.. Se tenant par la main, frères et sœurs vont à travers la ville en liesse, rendre visite à leurs parents. Des pièces de monnaie tintent dans leurs poches, en ce jour opulent. Les étalages, dans la rue, sur les places, débordent de makrouts,haressa, z'labiya et de q'taifs. On n'a que l'embarras du choix, et comme l'argent rend le marchand empressé et souriant !... Chez tante Alya, chez cousine Fatiha, chez grand-mère Fafa, on goûtera aussi aux «trid» et à la «assida», qui n'est préparée qu'a l'occasion de la naissance d'un bébé. Leurs parentes les accueilleront avec force exclamations admiratives. Les enfants rougissant de plaisir, tendront leurs joues roses, puis l'on se quittera en souhaitant que le prochain «Mouloud» soit aussi béni. Mais c'est le soir l'heure du grand événement. Il faut s'occuper, en effet de l'arbre du «mouloud». On est allé le chercher chez le menuisier du quartier. L'artisan n'a fourni qu'un squelette composé d'un tronc droit, muni de branches grêles et nues. Patience, tout à l'heure, il sera aussi beau qu'un lustre du paradis. Au sommet, on plante le «méchaâl» - candélabre à six bras - Des bougies de cire multicolore, des fruits, des bonbons, des gâteaux, des fils d'argent et d'or l'habilleront somptueusement. Ah ! Le bel arbre,que de bonnes choses y ont poussé subitement ! On se garde cependant d'y toucher prématurément… Maintenant, la joie va se manifester d'éclatante façon : allumons les pétards, car : Cette nuit le Nabi naîtra Les anges dans le ciel chanteront des hosannas… Celui qui va dissiper la longue «nuit de la Djahilya» vient vivre parmi les humains. Les patriarches,ses prédécesseurs,l'ont annoncé à travers le chapelet des siècles. Ses contemporains, les Hanifs, l'attendent, le cœur inondé d'espoir. Il est venu ! Le Créateur daigne donner à ses créatures leur lanterne. Mais les assistantes, penchées sur le berceau, sentent l'angoisse les étreindre. Le nouveau-né ne veut accepter ni le sein maternel, ni celui des femmes présentes qui nourrissent un bébé.Et voici qu'une bédouine vieille, desséchée, ratatinée, frappe à la porte et entre. On la regarde avec surprise, avec dédain même. L'enfant cependant refuse toujours de desserrer les lèvres.En désespoir de cause, on le tend à cette visiteuse qui, avec douceur et patience, n'a cessé, depuis son arrivée de demander que lui soit confié l'enfant. Et miracle, l'enfant s'alimente aussitôt.C'est Halima la pure, l'immaculée, guidée par une force surnaturelle est venue le prendre des mains de sa mère Lalla Aïcha pour l'élever. Le premier acte du futur guide des hommes est de se nourrir du sein d'une femme immaculée. Voila pourquoi c'est à l'age, innocent que revient le privilège de fêter la naissance de Mohammed Ettahar (le Pur). «…En ce jour où des solennités viennent commémorer la naissance du Messager divin, les croyants se détachent un instant-des vaines et harcelantes préoccupations quotidiennes et élèvent vers Lui une pensée pieusement reconnaissance. L'Envoyé, après ses prédécesseurs, vint doter l'humanité des seules lumières qui peuvent la guider et l'éclairer». Mohamed Zerrouki Extrait de son recueil de textes réunis par son fils