Après une longue absence, le groupe Debza refait surface sur la scène artistique algérienne. Plus déterminée à ne pas se laisser marcher sur les pieds, cette formation serre les poings pour cogner plus fort que jamais. Dans son nouvel album, le groupe Debza, à sa manière, s'autoproclame héros des temps modernes et défenseur des opprimés en chantant, haut et fort, ce que le commun des mortels ne peut divulguer. Ainsi, tantôt en arabe dialectal, tantôt en langue amazighe, la troupe, dans un sagace jeu de mots et une céleste litanie poétique, essaye de soigner le mal des Algériens à la racine et ce, en dénonçant cette terrible maladie qui n'a cessé de les ronger depuis les événements d'octobre 1988. Dans ce tourbillon de musique engagé, la chanson Khersat le goual, attire en particulier l'attention. Elle est une parfaite reproduction caricaturiste du malaise de la société algérienne. En effet, accompagné d'une mélodie enivrante, le poète Mahmoud Rachedi, armé de la force du verbe, dresse une image apocalyptique de la société algérienne. Dans son monde, «les paroles se sont tues, les montagnes se sont effondrées et le soleil s'est caché derrière un tamis». Ne pouvant supporter cette vie, le poète s'enivre en fumant du kif. Une fois, l'ivresse passée, une question pertinente frappe l'esprit de cet artiste : «Qui est vraiment le responsable ?». «Lui, simple citoyen, qui n'a jamais raté l'occasion de voter, qui n'a jamais acheté du gaz ni vendu du pétrole, est sûr d'une chose, il n'est pas le responsable de cette situation». C'est à ce moment-là qu'une voix mystérieuse nous interpelle pour répondre à la question du poète. Une question qui n'aura, sans doute, jamais de réponse. Elle dit : «Moi, je suis un orateur dont la voix parle en silence ! Mon mal, à force de le prendre en patience, est devenu mon fidèle compagnon (…)». Cet album comporte également plusieurs autres titres, notamment, Amarazg'na, L'école», Amxix, Octobre, Salima, El-khobza, Ma andna ma ghanina et, enfin, Ghedoua. Le groupe Debza, qui a par le passé fait ses preuves sur les planches du théâtre, est «regroupé autour d'un grand intellectuel de gauche et militant de toutes les causes justes, Kateb Yacine, en l'occurrence, la troupe Debza a investi par ses activités les préoccupations tant culturelles que syndicales des masses populaires. Alliant la pratique théâtrale et la chanson dans les deux langues (le tamazight et l'arabe algérien), elle est devenue le porte-voix de tous les opprimés qu'ils soient en Algérie ou ailleurs (poètes, artistes, intellectuels, femmes, jeunes, étudiants, syndicalistes, ouvriers, paysans, chômeurs, etc.). Ses éléments étaient des membres fondateurs de diverses associations à caractère revendicatif, et étaient également les premiers militants pour une université ouverte aux débats et à la contradiction, pour les droits de l'homme, pour la reconnaissance de l'identité berbère et qui ont revendiqué le vrai socialisme…», écrit la troupe Debza à ses fans sur l'album. «Cet album, ont-ils signifié, est dédié à tous les sacrifiés pour les causes justes de par le monde et tient à citer particulièrement ceux qu'elle a eu l'occasion de côtoyer directement ou à travers la richesse de leurs histoires». Ainsi, en se proclamant défenseur des opprimés, le groupe Debza s'est encore démarqué de la scène musicale algérienne et internationale.