Les magnifiques vergers existaient déjà bien avant la présence française dans la région, à partir de 1837. Le beylicat de l'Est accordait un intérêt tout particulier à ces plantations aussi luxuriantes que généreuses, qui constituaient incontestablement les verdoyants jardins du bey. Déjà dans les années quarante, les grandes familles qui se partageaient ces terres s'employaient à gérer de manière experte les nombreuses sources et points d'eau pour fertiliser davantage les parcelles de terres fécondes qui s'étalaient au loin, de part et d'autre de cette localité distante d'une dizaine de km à peine de la métropole de Constantine. Les sources naturellement fraîches qui subsistent jusqu'à nos jours, prenant naissance aux lieux dits AïnTouta et Aïn Bensbaâ et, surtout, la grande source d'eau chaude de Hammam Zouaoui dont les origines remontent, selon les archives, à l'époque romaine, étaient entourées de plusieurs variétés d'arbres fruitiers. Si la réputation de la saveur et de la qualité des fruits dépassait les frontières pour trouver écho en Europe, il en était de même pour les légumes puisque des asperges, courgettes, blettes, radis, carottes et autres cultures maraîchères s'ajoutaient aux beaux fruits «Hammis» qui garnissaient les étals en Occident et s'arrachaient par une clientèle fidélisée autant par la qualité que par la beauté des produits. Un des descendants de ces familles qui exploitaient ces richesses, aujourd'hui ternies par l'invasion du béton et l'inconscience des hommes, exprime sa «détermination» à relever le défi de contribuer à la résurrection et la régénération des vastes prairies de ce «paradis perdu». Un responsable à la Coopérative agricole spécialisée en irrigation et drainage (CASSID) de Hamma Bouziane, M. Noureddine Guedri, se montre, en effet, confiant quant à l'avenir de l'important périmètre soumis à la gestion de son office. Cet optimisme, confie-t-il à l'APS, «ne provient pas d'une vue de l'esprit car il est fondé sur un constat logique dont les prémices sont d'ores et déjà perceptibles'. Un constat partagé par de nombreux agriculteurs de l'ancienne Hamma-Plaisance et qui repose surtout sur le retour graduel de l'eau de la nappe souterraine qui a «étanché, plus de trois décennies durant, la soif des habitants de la grande métropole voisine, nonobstant l'appel de détresse d'une terre prioritaire et propriétaire en quête de cet élément de vie pour ne pas perdre la sienne», comme le soutient M. Guedri d'une voix où la colère est celée par une pointe de poésie. Encouragé par des hochements de tête approbateurs, il poursuit avec autant de cérémonie : «Autrement, les vergers de Constantine glisseront silencieusement et inéluctablement dans les dédales incertains avec, au bout, la désolation et l'inévitable menace de l'invasion du béton.» Fruits, fleurs et légendes Les eaux du grand barrage de Béni Haroun qui approvisionnent, depuis peu, les Constantinois ont été salutaires et viennent à point nommé pour la récupération de ce liquide combien vital pour les cultures maraîchères et fruitiers de la plaine de Hamma, affirme cet héritier des anciens «paysans» qui exportaient, jadis, les plus belles variétés de légumes et de fruits de saison vers la France et de là, vers plusieurs autres lointaines contrées. Les belles cerises, les plaquemines (variété de tomate sucrée), les fraises, les pommes, les prunes, les pêches et, surtout, la juteuse variété d'abricots connue localement sous la nom de «Bouchaour», envoûtaient la clientèle et ne laissaient pas indifférents même les plus regardants d'entre eux, souligne le jeune cadre de la CASSID. Ce type d'abricots, «propre à la région et qui n'existait nulle part ailleurs», avait été introduit à Hamma Bouziane, selon la légende, par un oiseau migrateur venu de loin, avant d'être greffé sur une variété locale par un agriculteur qui lui avait, depuis, légué son nom. Hamma Bouziane, également célèbre pour la distillation de l'extrait d'eau de rose et de fleurs d'oranger, a, par ailleurs, souffert de la proximité de la cimenterie et de ses émanations nocives autant pour l'homme que pour la terre arable. «Aujourd'hui, par chance, la pose d'un filtre à manche au niveau de cette unité a considérablement réduit ce problème de pollution et ce verger, qui a perdu plus de la moitié de sa superficie cultivable, verra l'extension prochaine, de cette zone fertile sur 400 autres hectares par la mise en valeur de nouvelles parcelles», indique M. Guedri. Cette initiative, rendue possible par la récupération de la quasi-totalité du débit de la nappe phréatique, estimé à 400 litres par seconde, et par l'apport des eaux traitées de la station d'épuration du Rhumel, permettra l'irrigation de nombreuses variétés de cultures adaptées. Le projet qui permettra de transférer l'eau récoltée des forages de la station Boutamina cernant les sources de Hammam Zouaoui vers l'ouest de la vallée du Rhumel consiste, notamment, en l'aménagement de deux bassins limitrophes, la réalisation de deux stations de pompage et la pose, actuellement en cours, des conduites d'eaux de forage, de récupération ou pluviales vers les exploitations voisines. Cela suffira-t-il, néanmoins, pour faire revivre, un jour, les jardins luxuriants de Hamma Bouziane ? M. Guedri en est convaincu, conforté par la récente implication des autorités locales dans une opération de régénération des espaces maraîchers, et par la détermination des jeunes agriculteurs de la région à «ressusciter» leurs vergers.