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L'Algérie sera-t-elle contrainte de renégocier à la baisse le prix de cession du gaz ? Quelles perspectives sur la capacité future de financement de l'économie ?
Les perspectives du prix de cession du gaz restent incertaines au vu de deux informations de taille parues entre le 22 et le 27 mai 2010, l'une lors de la conférence à Berlin entre le géant russe Gazprom et l'Union européenne et l'autre dans le quotidien financier espagnol l'Expansión, sur une éventuelle baisse du prix du gaz, ce qui ne vas pas sans avoir des conséquences sur les recettes de Sonatrach dont la majorité des contrats à moyen et à long terme arriveront entre 2012 et 2015 à expiration, devant mettre forcément en oeuvre une stratégie qui ne peut se comprendre sans la replacer à la fois dans la nouvelle configuration de la stratégie énergétique mondiale en tenant compte des coûts, pouvant découvrir des milliers de gisements mais non rentables financièrement, du nouveau défi écologique avec un changement du modèle de consommation énergétique qui se dessine entre 2015 et 2020 dont les énergies renouvelables, la généralisation de ces nouvelles technologies pouvant les rendre rentables par rapport aux énergies fossiles. 1) En effet, lors de la conférence internationale tenue à Berlin le 21 mai 2010 ayant pour thème «Dialogue énergétique : Russie-UE, aspect gazier», le président de GDF Suez Jean-François Cirelli, l'allemand E.ON Ruhrgas et le président de l'Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas), Domenico Dispenza, ont estimé que les accords à long terme sur la livraison de gaz à l 'Europe doivent pouvoir subir des modifications compte tenu de la conjoncture économique et demandé à Gazprom de baisser le prix du gaz prévu par leur contrat à long terme ou de changer certaines clauses dans les contrats. Or, Gazprom, qui indexait jusque-là ses prix sur ceux du pétrole, a accepté de vendre une partie du gaz aux prix spot (à court terme) qui sont environ 25 % inférieurs aux prix des contrats à long terme, l'écart pouvant être plus important si le cours du pétrole est élevé et le prix du gaz reste au niveau de 4 dollars le MBTU. Selon l'influent quotidien économique espagnol, l'Expansión en date du 24 mai 2010, l'Espagne demanderait à l'Algérie une révision à la baisse du prix du gaz et, paradoxe, c'est l'Algérie qui demandait dans un récent passé un relèvement des prix de cession du gaz à l'Espagne et à Gaz de France, remettant en cause le prix de cession du gazoduc Medgaz, exploité par un consortium composé des groupes espagnols Endesa (12 %), Iberdola (20 %) et Cepsa (20 %), du français GDF Suez (12 %) et de Sonatrach (36 %). Cela peut, par ricochet, se répercuter également sur le prix du gazoduc Galsi (Europe via Italie) puisque le projet Nigal dans ces conditions ne sera plus rentable. Pour rappel, ce dernier devra devant relier le Nigeria à l'Europe via l'Algérie et est d' une capacité de 20 à 30 milliards de mètres cubes par an destinés en majorité au marché européen. Selon l'étude de faisabilité confiée à la société britannique Penspen/IPA, ce projet pour se matérialiser coûtera plus de 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars, ramenée par la suite à 10 milliards, sans compter la résolution de certains conflits frontaliers. Ce projet devait permettre à l'Algérie de concurrencer Gazprom et la Norvège pour passer à l'horizon 2015 de 10 % actuellement à 15 % pour l'approvisionnement de l'Europe. Et les contrats de l'Algérie avec la Turquie sont encore plus problématiques car, dans les affaires, il n'y a pas de sentiments Le groupe Sonatrach a annoncé qu'il négociait actuellement des contrats de livraison à long terme de GNL avec quelques pays asiatiques. Or, pour le cas de l'Asie, il s'agit de prendre en compte la concurrence des pays d'Afrique et surtout de l'Iran qui, vu les tensions géopolitiques, a besoin de financement (plus de 15 % des réserves mondiales) et surtout pour le GNL du Qatar qui, avec des complexes d'une capacité presque du double à ceux de l'Algérie avec des entités privées, d'où d'ailleurs sa réticence à la réunion à Oran du 19 au 21 avril 2010 avec la Russie de refuser de réduire l'offre, donc d'importantes économies d'échelle et surtout le coût du transport, l'Algérie devant contourner toute la corniche d'Afrique pour arriver à l'Asie. 2) Pour le gaz, nous savons qu'en moyenne, le prix de cession, en tenant compte bien entendu des fluctuations du dollar, monnaie de référence, est d'environ 1/10e du prix du pétrole malgré de lourds investissements encore qu'existent des différences de prix mais avec un écart faible, en fonction des zones géographiques et des modalités de contrats, le prix de cession étant indexé sur celui du pétrole avec des contrats à moyen et long terme tant pour le gaz naturel (GN) que pour le gaz naturel liquéfié (GNL), ce qui rend impossible une OPEP du gaz à l'image de celle du pétrole en raison de la forte segmentation des marchés. Pourtant, l'expérience historique a montré que cette formule d'indexation pose problème car n'ayant pas toujours eu une proportionnalité. Cela est important pour l'Algérie puisque le gaz (GN et GNL) représente environ un tiers de la valeur en devises de ses exportations et beaucoup plus à l'avenir puisque, pour le pétrole, ayant moins de 1 % des réserves mondiales allant, à moins d'un miracle, vers l'épuisement dans moins de 18 ans. Si l'Algérie est mieux dotée en gaz représentant actuellement, selon les statistiques internationales, 3 % des réserves mondiales contre 1 % pour le pétrole (4.500 milliards de mètres cubes gazeux d'après la revue BP pour 2006/2007), il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure , 85 milliards de mètres cubes gazeux d'exportation et 70/75 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieure à l'horizon 2015/2016, selon les estimations du Creg si toutes les unités programmées sont réalisées, le bas prix de cession favorisant également la forte consommation intérieure. Il faudra donc produire annuellement 160 milliards de mètres cubes gazeux à l'horizon 2015/2016 donnant donc moins de 25 années de réserves en cas de non-découvertes rentables en fonction du couple vecteur coût/prix. 3) L'Algérie a programmé d'importants investissements tant à travers les canalisations (Medgaz et Galsi) que la construction de deux GNL (Skikda et Arzew), les exportations devant tourner autour de 60 % de GN et 40 % de GNL à l'horizon 2014/2015.Pour ces investissements, au départ, il était prévu que Sonatrach approvisionne la cote est des Etats-Unis d'Amérique. Or, le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL — les USA risquent à l'horizon 2020 de devenir exportateur net de gaz, le Department of Energy ayant revu à la baisse sa prévisions de demande de GNL de plus de 60 % à l'horizon 2020, d'où le gel, voire l'abandon de plusieurs projets de regazéification — va modifier la donne au plan mondial. La mise sur le marché de capacités additionnelles de liquéfaction (57 Gm3) et de regazéification (260 Gm3) entre 2009 et 2013, ces surcapacités ne conduiront-elles pas à des taux d'utilisation très faibles des terminaux d'importation GNL avec, comme résultat dans les prochaines années, une offre de GNL surpassant fortement la demande gazière globale, avec pour conséquence une pression accrue sur les prix, qui, selon Cedigaz dans son rapport de décembre 2009, devrait reculer, la mise sur le marché d'une offre disponible supérieure de 100 Gm3 ces deux dernières années, combinée à une forte réduction de la demande, rallongeant jusqu'à 2015-2016 la période actuelle de bulle gazière. Face à cette situation, en plus par la prise en compte de l'entrée croissante dans le marché du gaz de nombreux pays en Afrique et en Amérique latine concernant le gaz conventionnel, sans compter les nombreux projets de canalisation à travers le monde, notamment vers l'Asie et les Balkans. Se pose alors la question de la place de Sonatrach sur cet échiquier stratégique mondial et de la rentabilité des installations tant par canalisation que du gaz naturel liquéfié alors que la rentabilité du GN doit être environ de 8/9 dollars et celle du GNL entre 11 et 14 dollars. Va-t-on donc vers des renégociations à la baisse du prix de cession du gaz algérien ? 4) Cela a des répercussions sur la capacité de financement future de l'Algérie où tout est irrigué par la dépense publique via les hydrocarbures, dont notamment celle de 200 milliards de dollars entre 2004 et 2009 et le programme d'investissements publics de 2010 à 2014 de 286 milliards de dollars qui n'est que le prolongement de l'ancien, étant faux d'affirmer que 40 % vont à l'éducation puisque plus de 85 % de ce montant sont destinés aux infrastrucrures (le global dépassant 70 M comme entre 2004 et 2009) et non à la valorisation de la connaissance. Ce programme concerne deux volets, à savoir les restes à réaliser des grands projets déjà entamés de 130 milliards de dollars (montant faramineux de 45 % de réévaluation démontrant une non-maîtrise de la gestion des projets) et l'engagement de projets nouveaux pour 156 milliards de dollars qui, avec le montant de l'autofinancement de Sonatrach et les importations de biens de consommation, devra inéluctablement, si les cours du gaz et du pétrole se maintiennent au niveau actuel et sans afflux substantiel de l'investissement étranger, conduire à puiser dans les réserves de changes. D'où l'importance d'un large débat national sans exclusive sur le futur modèle de consommation énergétique et surtout, la sécurité nationale étant posée, sur l'urgence d'une nouvelle gouvernance, la revalorisation du savoir et l'entreprise loin de la logique rentière et de l'unique dépense monétaire, le problème essentiel n'étant pas un changement de ministres ou des replâtrages organisationnels, car l'actuelle politique socio-économique risque de mener l'Algérie droit au mur.