La dorade, la sardine et probablement la crevette à moins de 100 DA par kilogramme, et voilà des produits qui ne tarderaient pas à (re)conquérir le cœur des Algériens, si toutefois le système actuel des poissonneries et l'état des pêcheries venaient à être orientés vers une plus grande discipline du marché local des produits de la mer. C'est, en tout cas, un des objectifs que se sont tracé récemment les ministères du Commerce et de la Pêche, qui cherchent à faire atterrir dans l'assiette des Algériens du poisson pas cher, en substitution aux viandes blanches et rouges. Début juillet 2010, ils ont installé un groupe de travail chargé de la régulation des poissonneries et des pêcheries. L'objectif déclaré de ce groupe de travail sera, dans une première phase, de faire le point de la situation des poissonneries, et, dans une seconde phase, trouver des solutions aux différents goulots d'étranglement qui bloquent le bon fonctionnement du marché du poisson. Ce comité «étudiera les moyens à même d'assurer une bonne gestion des poissonneries et proposera des mécanismes innovants pour la gestion de ces espaces», avait indiqué récemment à l'APS le ministre du Commerce, M. Mustapha Benbada, qui a précisé que le ministère de la Pêche avait «tant investi dans ce domaine au titre de l'ancien programme quinquennal à travers la création d'un réseau de poissonneries et de pêcheries spécialisées dans la vente en gros». «Des propositions concrètes visant l'amélioration des conditions de réception et de commercialisation des produits halieutiques dans le respect des conditions commerciales, notamment celles liées aux prix», seront présentées par ce même groupe de travail, selon le ministre du Commerce. De son côté, le ministre de la Pêche, M. Khanafou, a souligné qu'il s'agissait surtout de mettre un terme à l'anarchie qui prévaut actuellement au niveau des 11 pêcheries réparties à travers le territoire national. «Nous voulons, à travers (un nouveau cadre juridique) réguler la commercialisation des produits halieutiques en vue de conférer davantage de transparence au secteur où les opérateurs activent sans cahier des charges'', poursuit-il. Vaste programme qui nécessite autant de moyens des deux ministères que d'investissements pour rentabiliser la filière à travers un réaménagement des poissonneries actuelles et la construction d'autres. Pêcheries : le filon des mareyeurs Au niveau des poissonneries, pourtant, le marché est aux mains de quelques mareyeurs qui, souvent, font la pluie et le beau temps en matière de prix des poissons. «Ici à Ténès, comme ailleurs, les mareyeurs achètent la plus grosse partie du poisson débarqué chaque jour. Ils le réexpédient immédiatement vers les grandes villes, principalement Alger et Oran, où la demande de poisson est la plus forte, et donc des prix attractifs», relève H'mida, habitué du marché aux poissons de la ville. A la poissonnerie d'Alger, l'ambiance d'antan avec la criée organisée à chaque arrivée de chalutiers, est partie avec le départ de ses enfants. Aujourd'hui, l'endroit est presque lugubre, et les amateurs de crevettes, de fruits de mer et autres crustacés qui aiment flâner entre les étals des mareyeurs pour dénicher quelques rascasses, des doblaths et des fonds de casiers pour faire une bonne bouillabaisse, sont devenus un simple souvenir. Par contre, les prix du poisson défient parfois l'entendement. De la crevette à 1 600 DA, du sar royal à 800 DA ou du «gros yeux» à 400-500 DA. «Là, c'est vraiment de l'arnaque», se lamente un potentiel acheteur, vite refroidi par le niveau des prix à la pêcherie d'Alger. «Tout le monde se fait de l'argent dans cette filière, mais cela ne dure que le temps d'une bonne pêche. Le reste de l'année, c'est la disette pour nombre de revendeurs, et, surtout, ceux à la sauvette qui hantent les abords de la pêcherie», tempère Boualem, qui se demande «qui mange tout ce poisson avec ces prix démentiels ?» Pas de poisson ? La faute aux chaluts La production halieutique nationale reste faible. En moyenne, ce sont 187 000 tonnes pêchées chaque année, la tendance pouvant aller jusqu'à 220 000 tonnes. Pour autant, cela n'est pas suffisant pour répondre aux objectifs tracés par l'Etat, qui veut que l'Algérien consomme en moyenne entre 8 et 10 kg de poisson par an. Certes, un programme devant permettre la production de quelque 274 000 tonnes a été mis en place par le ministère de la Pêche en 2000. Ce programme, intitulé «Plan d'orientation du développement des activités halieutiques et d'aquaculture», veut valoriser les ressources halieutiques maritime et continentale. La production projetée pour 2025 est d'environ 221 000 tonnes pour la pêche maritime et 53 000 tonnes pour la pêche continentale à travers les différents projets d'aquaculture. Pourtant, seulement 25 % des ressources halieutiques maritimes sont exploitées, selon un bilan du Syndicat national des marins-pêcheurs. En fait, la pêche en Algérie reste faible, avec des méthodes encore artisanales. La preuve? «Depuis le départ des colons, il y a près de 50 ans, on laboure toujours les mêmes cales. Forcément, si on pêche chaque jour dans la même cale, il y aura à court terme disparition du poisson», explique à sa manière Ahmed, occupé à rafistoler son filet de pêche. «Oui, il y a une importante biomasse dans nos fonds marins, encore faut-il aller la chercher, là où elle se déplace», lance de son côté Toufik, ingénieur de son état et professionnel de la chasse sous-marine. En attendant, l'Algérien ne consomme que 5,5 kg/an de poisson, loin des minima imposés par la FAO...