En Cisleithanie, la réforme électorale s'avère un échec. Les conflits nationaux deviennent bientôt un enjeu majeur au sein des nouveaux partis, malgré l'intensité des conflits sociaux, et le Parlement retombe dans l'impasse en 1914. La menace extérieure : 1906-1914 Le mouvement Jeune Tchèque, déçu par le refus autrichien d'accorder à la Bohême une certaine autonomie politique, se rapproche de la Russie et des Slovaques sous domination magyare, avec lesquels il n'a aucune histoire politique commune. Les rapprochements serbo-croate et tchéco-slovaque, fondés sur le dépit plutôt que sur l'affinité, donnent plus tard naissance à des Etats. Le Morave Masaryk, qui s'impose peu à peu comme le chef des nationalistes tchèques, n'exige cependant pas l'indépendance, mais un fédéralisme prenant en compte également les Allemands et les Slovaques. La situation dans les Balkans En Hongrie, le système parlementaire fonctionne mieux sous la poigne d'Istvan Tisza et des «libéraux de 1867», mais la politique de magyarisation forcée des minorités provoque de vives tensions dans le royaume. Ces mécontentements sont néanmoins traditionnels et aucun d'entre eux ne menace véritablement l'Empire comme l'a fait la grande crise hongroise de 1903-1906. En revanche, la menace extérieure se précise à la fin de la décennie. La crise provoquée par l'annexion de la Bosnie par l'Autriche, le 8 octobre 1908, met fin à l'entente avec l'empereur russe, tandis que la perspective d'une alliance avec les Britanniques s'est évanouie avec l'accord anglo-russe de 1907. En outre, l'Allemagne refuse toujours de s'engager à entrer en guerre contre la Russie aux côtés de l'Autriche, sur la question des Balkans. A Belgrade, le régime nationaliste de plus en plus vociférant convoite ouvertement les territoires slaves du sud de l'Empire. Isolement accru Vienne se retrouve complètement isolée et, en 1912-1913, doit se contenter d'observer sans pouvoir intervenir le démantèlement des territoires balkaniques de l'Empire ottoman. Les projets d'une seconde ligue balkanique sous les auspices de la Russie, qui constituent une menace directe pour la pérennité de l'Empire, commencent à se préciser. Ce péril devient une véritable obsession chez les responsables politiques autrichiens au cours de l'été 1914. Le 28 juin 1914, l'assassinat à Sarajevo, par le nationaliste serbe Princip, de l'archiduc héritier de François-Ferdinand, est ressenti comme une provocation de la part de Belgrade qui bénéficie de l'appui russe. L'Empire est assuré cette fois-ci du plein soutien de l'Allemagne et estime, pour la première fois en quarante ans, que seule la guerre peut résoudre la question du nationalisme des Slaves du Sud. La Première Guerre mondiale et la chute La guerre, qui a été déclenchée par l'Empire austro-hongrois pour préserver sa capacité de grande puissance, va ruiner la monarchie avant même la défaite de 1918. Sans possibilité de recours à l'option britannique ou russe, Vienne se trouve totalement sous la dépendance de Berlin dont les projets de domination de l'Europe ne laissent guère de place à l'Autriche-Hongrie. Les revers militaires de la monarchie ne font qu'accroître son assujettissement économique et militaire. Les succès en Pologne, puis dans les Balkans suscitent de vifs débats entre les deux alliés sur le partage du butin dont la monarchie sortie humiliée. La tentative du nouvel empereur Charles (1916-1918) de conclure un accord de paix séparée en 1917 échoue en raison des revendications territoriales de l'Italie. La fureur que cette tentative provoque au sein de l'opinion allemande, place l'empereur dans une position de subordonné vis-à-vis de l'Allemagne dans presque tous les domaines (traité de Spa, mai 1918). Pourtant, la défaite militaire qui se profile ne semble pas devoir entraîner automatiquement la dissolution de l'Empire. À l'intérieur du pays, les minorités opposées au Compromis de 1867 se contentent de réclamer une autonomie accrue et non l'indépendance. Les Etats qui ont émis des revendications territoriales vis-à-vis de la monarchie ont été battus en 1917 et, en Occident, nombreux sont ceux qui voient dans l'Autriche-Hongrie un utile contrepoids à l'Allemagne au centre de l'Europe. Ces voix se contentent d'exiger une réforme fédérale qui mettra fin à la suprématie des élites allemandes et magyares. C'est le refus de ces élites d'envisager une telle réforme et leur pari d'une victoire allemande, qui décident les puissances de l'Entente à suivre les nationalistes exilés qui demandent la dissolution de l'Autriche-Hongrie. A la veille de la défaite de novembre 1918, ces groupes bénéficient également d'un soutien grandissant dans l'Empire et le processus de désintégration commence. Une dernière offre de Charles pour sauver la monarchie par une réforme constitutionnelle fédéraliste est rejetée fermement par Budapest : le Compromis de 1867 a tenu jusqu'au bout, mais pour rien. La partition… Le 7 octobre 1918, la République tchécoslovaque est proclamée à Prague et, dans les semaines qui suivent, la Hongrie se comporte comme un Etat indépendant, alors même qu'elle a déjà perdu le contrôle de la moitié de ses territoires au profit de ses voisins. Le 21 octobre, les Allemands d'Autriche proclament leur rattachement à l'Allemagne et le 29 octobre, les Serbes, les Croates et les Slovènes forment un Etat des Slaves du Sud. Le 11 novembre, jour de l'armistice, l'empereur Charles, dernier des Habsbourg à avoir régné, renonce au trône. Ces bouleversements sont consacrés par le traité de Saint-Germain-en-Laye, signé le 10 septembre 1919, à l'exception du rattachement de l'Autriche à l'Allemagne, pourtant souhaité par toute la population de cet ex-empire qui a eu ses heures de gloire. (Suite et fin)