, Les ménagères n'ont pas été surprises en se rendant hier matin, premier jour du Ramadhan, au marché. Les hausses ont déjà commencé bien longtemps avant la nuit du doute. Les spécialistes des augmentations et les spéculateurs sont certainement bien conseillés par des consultants avertis et connaissant bien la société algérienne. La pilule passe sans douleur. Les augmentations des prix se font à petites doses. De ce fait, les prix ne sont pas négociés et, surtout, pas discutés du tout. Devant les étals, il y a ceux qui demandent tous les prix et qui finissent par acheter le produit le plus cher, il y a ceux qui ne demandent pas de prix et qui sont connus par leur marchand, ils le laissent peser, et dans le dialogue qui s'établit entre l'acheteur et le vendeur on parle de tout. Devant les boucheries, plusieurs personnes font la chaîne, attendant leur tour. Penchant la tête vers les présentoirs-congélateurs éclairés par un tube fluorescent, généralement teinté en rose pour mettre en valeur la couleur de la viande, dans les quartiers populaires on évite de passer le premier pour cacher la quantité de viande achetée, mais dans les endroits huppés comme à la Bourse, les clients montrent la partie qu'ils désirent acheter et font signe avec les doigts de la main ouverte ou fermée pour désigner la quantité en kilogramme ou le nombre de pièces. Dans les quartiers chics, c'est entre 1 000 et 1 200 DA que sont vendues la viandes ovine et bovine du terroir. Avant-hier, c'est-à-dire la veille du mois sacré, aux abattoirs d'Alger l'agneau a été négocié entre 795 et 800 DA le kilo. Chez les bouchers de Bachdjarrah et ceux de Bab El- Oued la même viande a été revendue 880 DA. Le marché le plus fréquenté est celui de Bachdjarrah. Donc, ce sont les chevillards qui font et défont les prix. A l'intérieur du pays où habite l'écrasante majorité du peuple, la viande est moins chère et parfois beaucoup moins chère atteignant la moitié du prix imposé aux Algérois. Dans tous les villages et hameaux qu'ils soient sur la côte ou à l'intérieur du pays, les citoyens consomment tous de la viande blanche ou rouge et il y a même ceux qui ont l'avantage de consommer le poisson comme à Zemmouri El-Bahri, Ténès ou Jijel à des prix (ceux des viandes comprises) défiant toute concurrence. Dans ces villes et villages, on consomme à longueur d'année de la viande issue de bêtes qui élevées sur place et qui engraissées à l'ancienne. Dans ces contrées, il n'y a pas d'abattoir ou de tuerie pour animaux, ainsi il n'y a pas de chevillard et de spéculation. L'abattage des bêtes fait partie d'un rite que les habitants des grandes villes ont perdu. Certes, les vétérinaires consomment la même viande parce que ce sont eux qui vaccinent les bêtes. La viande occupe une grande place dans nos coutumes culinaires mais n'oublions pas les légumes. A l'ouverture des marchés, les prix affichés ne ressemblent jamais à ceux de la veille même si la marchandise est restée la même. Les dattes, principal fruit «obligatoire» durant le mois sacré pour son goût sucré fait défaut. Les marchands spécifiques offrent du ghars (pâté de dattes) et espérons que cette découverte surprendra les bons jeûneurs et boostera la production des palmiers nourriciers. Dans trois jours, quand les cuisinières en auront marre des marmites, elles se rendront compte que le gaspillage n'a servi que ceux qui donnent des leçons de morale religieuse. La tension baissera, les bouchers continueront de vendre de la kefta (viande hachée) mais en petites quantités. Au quatrième jour, on commencera à penser aux vêtements de l'Aïd el-Fitr et à la rentrée scolaire. Ce que nous avons remarqué, c'est la sérénité dans les marchés que nous avons visité.