Expliquons-nous ! L'Islam qui se définit par les cinq piliers suivants : double attestation, prescription de la prière ou action de grâce unitive (salât), de l'impôt purificateur (zakat), du jeûne de Ramadhan (siyâm), du pèlerinage (hadj), concerne la pratique extérieure des rites qui implique ou non sincérité et adhésion, sans exclure une possible hypocrisie. L'acte de foi, quant à lui, exige une adhésion de l'intelligence et une conviction plus ou moins grande au sujet des vérités essentielles présentées dans la Révélation : ajouter foi au Dieu unique, en Ses Anges, en Ses Ecritures révélées, en Ses Messagers, à la prédestination du bien comme du mal. Le verset suivant fait bien ressortir cette distinction : les Bédouins ont dit «nous portons la foi ! » Dis ! «Vous ne portez pas la Foi mais dîtes plutôt : «nous avons fait acte d'Islam ! » La foi n'est pas entrée dans nos cœurs… (Coran 49-14). Nous n'avons pas l'intention d'approfondir la différence existant entre soumission (Islam) et foi, (imam). Ghazâlî en a traité magistralement dans le premier tome de sa grande somme intitulée la Vivification des sciences religieuses – Lhyâ ‘Ulûm ad-Dîn. Précisons simplement quelques données sur ce sujet. Ces deux façons de considérer Dieu sont évidemment liées à la distinction que l'on peut faire, d'une manière générale, entre soumission à la Volonté divine et certitude dans la foi en Dieu. La soumission à la Volonté divine implique la totale dépendance du serviteur vis-à-vis de Dieu et de Sa Création, la foi demande du croyant une aptitude à comprendre les données révélées et à y adhérer. L'Islam fait appel à la volonté et à l'amour du serviteur, l'acte de foi à son intelligence et à sa connaissance. Or, il est impossible de dissocier volonté et intelligence dans l'être agissant. L'être humain, sain d'esprit et normalement constitué, ne peut agir sans faire intervenir le mobile qui l'incite à faire ou à s'abstenir et sans avoir une certaine connaissance du but qu'il se propose en agissant. Ces deux attitudes qui fondent l'activité humaine relèvent d'une démarche unique car, en définitive, tous les êtres humains se déterminent en vue d'un but dont ils ont une certaine évidence. L'attrait du but ultime est l'amour que le serviteur a pour son Enseigneur et Maître et son obéissance à l'Envoyé d'Allah, car Allah précise : «Si vous aimez Allah, conformez-vous à moi [l'Envoyé de Dieu], Allah vous aime… (Coran 3, 31). La révélation contient la formule de l'unicité divine, sous des formes voisines, trente six fois. Prenons quelques exemples : «Votre Dieu adoré (ilâh) est un Dieu adoré unique. Nul Dieu adoré (ilâh) sinon Lui, le Tout et Très Miséricordieux » (Coran 2-16). « Allah ! Nul dieu adoré (ilâh) autre que Lui, le Vivant, l'Immuable» (Coran 2-255). «Allah ainsi que les anges et les détenteurs de la science témoignent qu'il n'y a nul Dieu adoré autre que Lui.» (Coran 3-18). «Allah fait descendre sur qui II veut d'entre Ses serviteurs, les Anges avec l'Esprit, procédant de Son Ordre : Avertissez donc qu'en vérité, il n'y a nul dieu adoré autre que Moi. Gardez-vous donc de Moi ! » (Coran 16, 2). «Jonas appela ainsi dans les ténèbres : Nul dieu adoré autre que Toi. Certes, je me suis trouvé parmi les injustes.» (Coran 21-87). «Sache donc qu'il n'y a nul Dieu adoré sinon Allâh… » (Coran 47-19). Dans les Traditions prophétiques, nous trouvons les paroles suivantes : «Celui qui meurt en sachant qu'il n'y a nul dieu adoré autre que Dieu, entre au Paradis.». Le Prophète (QSSSL) a dit à Mu'âdh ibn Jabal : «O Mu'âdh ! Il n'y a pas de serviteur témoignant qu'il n'y a nul dieu adoré autre qu'Allâh et que Mohamed est le Messager d'Allâh sans qu'Allâh ne le préserve du feu.» «La parole la plus excellente dite par moi et les prophètes antérieurs est «Lâ ilâha illâ Lilâh», nul Dieu adoré sinon Allah, Lui seul et sans associé.» Le Prophète (QSSSL) a dit à Abû Hurayra : «Annonce le Paradis à celui que tu rencontres et qui témoigne avec la sincérité du cœur qu'il n'y a nul Dieu adoré sinon Allah ! » Ces quelques versets et ces nouvelles prophétiques permettent une première remarque. Allâh témoigne, mais aussi les anges et ceux qui possèdent la science, qu'il n'y a nul Dieu adoré sinon Allah. D'autre part, ceux qui témoignent connaissent Celui pour qui ils témoignent, et c'est Allah, puisque Lui-même dit dans un des versets précités : sache qu'il n'y a nul Dieu adoré sinon Allah et puisque aussi le Prophète (QSSSL) a dit : «Celui qui meurt en sachant qu'il n'y a nul Dieu adoré autre qu'Allâh entre au Jardin». Quel est, donc, ce témoignage que Dieu fait sur Lui-même et celui que les porteurs de la foi font sur Dieu ? Ayant recours à la langue arabe pour mieux comprendre le sens à donner à cette attestation. Le verbe «témoigner» (shahida) signifie dans la langue usuelle : être présent à quelque chose, rendre témoignage de quelque chose, attester. Le témoignage est, d'abord, un acte de présence, donc un acte de connaissance immédiate ou une prise de conscience évidente. Ce témoignage est, ensuite, toujours d'après la langue, une information que donne, en toute connaissance de cause, celui qui est présent. Du double aspect de cette définition : l'acte de présence et l'information, il résulte que Dieu, en témoignant de Son Unicité, est prèsent Lui-même et conscient de la science qu'Il garde à l'égard de Sa propre Réalité unique et singulière. Allah ne peut alors témoigner de Lui-même qu'à Lui même, puisqu'Il est seul et sans associé, selon une formule coranique et prophétique. Les anges et les détenteurs de la science qui, selon le verset plus haut cité, témoignent aussi de l'Unicité divine, sont conscients, par un acte de présence, de cette Unicité, l'être ne pouvant témoigner en toute sincérité que de ce qu'il connaît, jamais d'une chose absente à sa con science ou inexistante. Une autre question se pose alors : Quelle est, donc, la nature de ce témoignage que l'être humain fait au sujet de l'Unicité divine dont il garde une certaine connaissance ? Ce témoignage n'est possible que parce que le serviteur a connu cette vérité de toute éternité quand il témoigna au sujet de son Enseigneur dans les reins d'Adam ou encore, quand présent devant son Enseigneur, il Le connaissait. Car Dieu, ne dit-Il pas, en cet instant éternel : Et lorsque ton Enseigneur tira une descendance des reins des fils d'Adam et qu'Il les fit témoigner sous leur responsabilité : «Ne suis-Je pas votre Enseigneur ? » ils répondirent : « Si ! »… (Coran 7-172). Cette reconnaissance que l'être humain, encore non manifesté sur Terre, a eu de son Enseigneur de toute éternité, ne pourra jamais être niée sincèrement et intimement. Au fond de lui-même, il lui reste la marque indélébile de l'Unicité et de l'Existence de Dieu, puisqu'il s'agit, dès lors, d'une vérité à tout jamais gravée en son être intime et qui constitue le principe même de sa réalité permanente en Dieu. La même shahâda peut alors se traduire et s'interpréter : «J'ai présent dans la conscience et je le reconnais qu'il n'y a nul Dieu présent et digne d'adoration qu'Allah.» La chute d'Adam hors du Jardin paradisiaque et celle de sa descendance qu'il entraîne avec lui irrémédiablement, viennent amoindrir plus ou moins cette prise de conscience de l'Unicité divine. Rappelons l'épisode coranique, où il est question de cette chute d'Adam, relaté à plusieurs endroits du Coran : «Nous dîmes : «O Adam ! habite en paix, toi et ton épouse (zawj ou élément couplé), le Jardin paradisiaque et tous deux mangez de ce qui s'y trouve, librement, où vous voulez mais n'approchez point tous deux de cet Arbre [de la distinction] que voici car vous serez alors tous deux d'entre les injustes.» «Satan les déséquilibra tous deux (Adam et sa conjointe) hors du Jardin et les fit sortir tous deux d'où ils se trouvaient. Et Nous dîmes : «Chutez – [verbe au pluriel et non plus au duel] – ennemis les uns des autres. Vous aurez sur la terre un lieu de séjour et une jouissance (un usufruit) temporaire.» «Adam reçut des paroles de la part de son Enseigneur qui se reprit à son égard car, en vérité, Lui est Celui qui ne cesse de revenir et le Très Miséricordieux» (Coran 2-35 à 37). C'est alors qu'intervient la seconde shahâda, celle qui concerne la Mission sacrée et divine de l'Envoyé de Dieu (QSSSL) , mentionnée dans le premier pilier de l'Islam : «Je témoigne que Mohamed est le Messager de Dieu», que l'on peut encore traduire : «J'ai bien présent à la conscience et je le reconnais que Mohamed est le Messager de Dieu.» (Suivra)