La tradition rapporte que les cinq prières canoniques journalières furent définitivement fixées lors de l'Ascension nocturne du Prophète – sur lui la Grâce et la Paix – qu'il fit corporellement et spirituellement la dixième année de Sa Mission. Alors qu'il se trouvait auprès de son Seigneur à «la distance de la portée de deux arcs de cercle ou plus près» (Coran 53-9), Dieu lui enjoignit pour lui et sa Communauté les prières gestuelles canoniques. Selon une nouvelle remontant au Prophète – sur lui la Grâce et la Paix – «la prière ou acte de Grâce unifiante est l'Ascension du Fidèle.» Il existe donc deux types de prière : - La première, dite canonique, pratiquée cinq fois par jour, est un moyen de grâce d'approche de Dieu. «Prosterne-toi et laisse-toi approcher» (Coran 96-19). Elle n'est pas seulement un dialogue d'intimité avec le Seigneur mais aussi un acte divin et humain en un endroit sacralisé dans lequel se récapitule et se développe le plan divin d'ensemble réservé à celui qui prie. Il en est ainsi car l'être humain est le lieutenant (khalîfa) de Dieu sur terre, à qui a été confié le Dépôt (amâna) de toute chose (cf. Coran 33-72). Celui qui prie ainsi, tourné vers le centre spirituel de l'Islam, La Mecque, évolue dans les trois dimensions en fonction des différentes positions qu'il observe dans sa prière. Dans la position verticale, il est tel l'axe ou le pivot du monde correspondant à la hiérarchie céleste et à l'élévation spirituelle ; dans la position inclinée, il évolue dans l'immensité des possibilités que comporte chacun de ces mondes hiérarchisés ; dans la position prosternée, il s'efface dans la proximité divine ; et enfin dans la position assise, il témoigne de la permanence de cette proximité qui affecte tout son être. Quand la prière ou acte rituel de Grâce unifiante est accomplie avec la conscience intuitive de ces différentes significations, elle porte ses effets de telle sorte qu'elle entraîne un état de grâce permanent ainsi décrit par Dieu : « … Ceux qui demeurent continuellement en prière ou Grâce unifiante et ceux dans les biens desquels (est) un droit désigné pour le mendiant et le démuni » (Coran 70-23 & 24). De plus, Dieu souligne que la prière Lui appartient dans ce verset : «Dis : Certes ma prière, mes rites propitiatoires, ma vie, ma mort sont à Allah (li-Llahi), l'Enseigneur des êtres de l'Univers. A Lui nul associé. Voilà ce qui m'a été ordonné et je suis le premier de ceux qui se soumettent (muslimûn) » (Coran 6-162 & 163). La prière en tant que telle ou action rituelle de Grâce unifiante est à Dieu mais son accomplissement est le fait du fidèle qui n'est que le lieu où apparaît l'acte de Dieu de «prier» et ce lieu est ce qui est appelé mussallâ, l'endroit où s'opère la prière ou la Grâce unifiante. Cette action de Grâce unifiante, avant d'être une prière rituelle canonique comportant des formes et des gestes précis et inaltérables, reste ce qu'elle est pour Dieu : une pure action de Grâce unifiante qu'Il fait sur Ses Créatures qui en sont le support, et la forme intérieure qu'elle prendra sera fonction des réceptacles, c'est-à-dire les êtres humains, providentiellement disposés. - La seconde qui n'est pas canonique, n'entrant pas dans le cadre des cinq prières gestuelles obligatoires, s'exerce sur Mohamed (QSSSL) le serviteur le plus disponible, donc le plus parfait. Il la reçoit de Dieu et des Anges – ainsi que nous l'avons vu plus haut au verset 33-56 – lui, Mohamed sur lequel les Fidèles vont exercer l'action de Grâce, qui n'appartient, en réalité, qu'à Dieu. Il est intéressant de remarquer que le mot Mohamed est un participe passif de forme dérivée – la deuxième – qui s'applique aussi aux noms de lieu et de temps. Mohamed en tant que nom dérivé, signifie alors : «Celui qui est le support dans lequel la louange, ou proclamation des perfections, se manifeste pendant un cycle imparti. Cette interprétation sémantique propre à l'arabe révélé permet de comprendre d'une autre manière la fonction universelle du Messager divin et son aptitude à recevoir toutes les Louanges divines depuis le début du cycle humain jusqu'à la fin. Le nom Mohamed concerne essentiellement le Prophète de l'Islam (QSSSL) dans sa réalité propre. Mais quand ce nom Mohamed est envisagé comme un nom dérivé, il concerne chaque être en particulier qui est nanti d'un ensemble d'attributs divins auxquels il participe plus ou moins parfaitement. Quand Dieu et les anges prient ou effectuent la liaison de grâce sur le Prophète Mohamed (QSSSL), c'est en considération aussi de sa perfection totale qui inclut celle de tous les humains, perfection à laquelle ils ne font que participer et qu'ils développent en priant sur lui. Et quand les êtres humains, porteurs de la foi, prient sur Mohamed (QSSSL), leurs prières viennent actualiser certaines possibilités du Prophète (QSSSL) qui pourra ainsi espérer obtenir la Station louangée, celle que Dieu a mentionnée dans ce verset : «Il se peut que ton Seigneur te suscite une Station louangée (maqâm mahmûd)» (Coran 17-81). La prière considérée comme action de Grâce unifiante vient accroître l'entretien intime avec le Seigneur et Son Prophète – sur lui la Grâce et la Paix – et augmenter la proximité qu'on peut avoir avec eux. Ce moyen de grâce n'agit donc pas de la même manière que la zakât qui est instituée divinement pour distribuer et répartir les biens de toute sorte dont Dieu pourvoit Ses Serviteurs. La zakat Ce terme prend dans la langue les sens de croître, être pur et purifier, prélever. Elle a été instituée divinement pour faire circuler les biens et les richesses excédentaires que l'individu possède et les répartir le plus équitablement possible. Ces biens excédentaires sont distribués et rendus purs, et ceux qui restent la propriété du fidèle se trouvent aussi purifiés de cet excédent qui resterait, sans ce prélèvement, une source de profits illégitimes et impurs. Dieu précise : «Ils te questionneront au sujet de ce qu'ils doivent distribuer ? Réponds : le superflu (afw) » (Coran 2-219). Ce superflux ou excédent une fois mis en circulation et réparti est béni et purifié par cette donation.» La zakât répond, de ce fait, à la nécessité d'enlever, par prélèvement, l'excédent de biens improductifs et stériles qui n'a pas de raison d'être nécessaire pour celui qui les possède et qui devient ainsi destiné aux indigents d'une manière générale. L'Islam, religion d'équilibre et de juste milieu, institue cette règle d'équité et de compensation. Cette sorte d'impôt sur la fortune, complexe dans sa législation et sa jurisprudence, s'est très vite étendu tant à l'argent dormant (monnaie fiduciaire) qu'aux revenus économisés des biens de toutes sortes alors que, dans les premiers temps de l'Islam, la zakât ne s'appliquait qu'à certaines espèces de biens, telles que l'or et l'argent, les céréales, le bétail, qui pouvaient servir d'étalons d'échange dans une société basée en grande partie sur le troc. La monnaie dite fiduciaire n'est devenue qu'un moyen intermédiaire d'échange pratique mais conventionnel qui ne correspond pas nécessairement à la valeur intrinsèque des produits échangés et de plus peut donner lieu à des spéculations purement financières. En tant que moyen financier intermédiaire, l'Islam interdit que la monnaie engendre la monnaie et réprouve, de ce fait, l'intérêt et l'usure, sauf en cas d'inflation car, alors, il peut exister un intérêt compensatoire de même valeur que cette inflation. La zakât purifie les biens comme l'ablution purifie le fidèle avant la prière. Dans le Coran, salât et zakât sont très souvent associées en tant que complémentaires. La prière ou action intérieure de grâce est d'abord une acquisition personnelle et procure la proximité de Dieu, tandis que l'impôt purificateur est donné par certains pour le profit d'autres. Il est constitué d'abord par le don de l'argent excédentaire de ceux qui en ont été gratifiés par Dieu, mais aussi, par extension de la notion de zakât, par le don de toutes sortes de biens matériels autres que l'argent ainsi que des capacités intellectuelles, médicales, etc. qui pourront donner à ceux qui en ont besoin : enseignement, générosité et toutes aides charitables. Le verset suivant s'applique à cette signification de la zakât : «Ceux qui ajoutent foi dans l'Inattesté, élèvent la prière (salât) et font circuler de ce dont nous les avons pourvu.» (Coran 2-3). «Par une âme et ce qui l'a façonnée harmonieusement, Il lui a inspiré sa dissipation et sa préservation. Prospère celui qui la fait croître en la purifiant (zakkâhâ). Se lève celui qui l'amoindrit» (Coran 91-7 à 10). La racine S L W se présente quatre-vingt-dix-neuf fois, seule, dans le Coran, la racine Z K W, cinquante-neuf fois et vingt-trois fois conjointement avec la première. (A suivre)