Pour Celestin Tiendrebeogo, le directeur général de la Sofitex, la compagnie cotonnière burkinabé, le niveau record des cours du coton est une excellente nouvelle. « Nous allons pouvoir remettre à flots nos société cotonnières » Jamais, les professionnels du coton n'avaient en effet assisté à une telle flambée des cours. En un mois, ceux-ci ont progressé de 30%. Sur les douze derniers mois, la progression est de 75%. Une spirale haussière généralisée Cette envolée s'explique par la diminution des stocks mondiaux, elle-même conséquence d'une forte demande chinoise. La Chine, premier producteur mondial de coton, a enregistré de mauvaises récoltes, tout comme l'Inde et le Pakistan. Même l'Ouzbekistan, troisième exportateur mondial, a été obligé de plafonner ses ventes à l'étranger pour pouvoir alimenter ses propres filatures. Ipso facto, le niveau élevé des besoins chinois, 200 000 tonnes d'importations ont propulsé les cours de la fibre de coton à des niveaux sans précédents. L'explosion des cours du coton s'inscrit dans la spirale ascendante du cours des matières premières agricoles. Depuis le début de l'année 2O1O, le blé, le maïs, le caoutchouc ont atteint des pics. La spéculation n'explique pas tout. La reprise des économies asiatiques qui ont des besoins croissants, les phénomènes météorologiques comme le courant « la Nina » qui réduisent les niveaux de récolte font évoluer demande et offre dans des directions opposées. Le coton est dans la même situation. L'Afrique francophone espère donc bien tirer son épingle du jeu. Alors qu'il y a six ans, les cotonculteurs du Mali, du Burkina-Faso, du Bénin, de Côte d'Ivoire, du Sénégal et du Tchad produisaient globalement 1,1 million de tonnes de fibres, la chute des cours mondiaux a réduit de moitié leur récolte annuelle. Les sociétés cotonnières chargées de distribuer les intrants, de récolter et de payer le coton fibre aux petits paysans ont vu leurs comptes plonger dans le rouge et accumuler les déficits. Malgré les subventions dont elles bénéficiaient, elles ont été obligées de réduire les prix payés aux paysans qui ont donc été contraints de délaisser cette culture qui contribuait à les ruiner. Les petits paysans devront attendre A l'instar de Celestin Tiendrebeogo, le Directeur Général de la Sofitex, on peut donc tabler sur un rétablissement des sociétés cotonnières ouest-africaines. Mais le consultant spécialisé Gérald Estur met un bémol : « Il faudra quand même plusieurs années avant de renflouer ces comptabilités » affirme-t-il. Pour la plupart, les sociétés cotonnières ont en effet vendu leurs récoltes à l'avance, avant que ces plus hauts niveaux historiques ne soient atteints. Les cours étaient déjà élevés, mais pas autant que le vendredi 15 octobre dernier. Pour les paysans aussi, il faudra attendre quelques mois avant d'empocher les bénéfices de la hausse. Au Burkina-Faso, le prix d'achat aux paysans est en effet fixé à l'avance par l'interprofession sur la base d'une moyenne annuelle. Ce n'est donc qu'au mois de mai prochain qu'une ristourne rétroactive leur sera distribuée. Impossible de savoir pour l'instant s'ils auront d'ici là décidé d'augmenter leurs semis en conséquence.