Si, l'Algérie est mieux dotée en gaz, représentant actuellement selon les statistiques internationales 3 % des réserves mondiales contre 1 % pour le pétrole (4.500 milliards de mètres cubes gazeux, estimation de la revue BP pour 2006/2007), il y a lieu de tenir compte de la forte consommation intérieure : 85 milliards de mètres cubes gazeux d'exportation et 70/75 milliards de mètres cubes gazeux de consommation intérieure à l'horizon 2015/2016, selon les estimations du Creg si tous les unités programmées sont réalisées, le bas prix de cession favorisant également la forte consommation (entreprises et ménages), expliquant le déficit structurel de Sonelgaz et posant donc le problème du prix de cession intérieur largement inférieur au vecteur prix international. Il faudra donc produire annuellement 160 milliards de mètres cubes gazeux à l'horizon 2015/2016 donnant donc moins de 25 années de réserve en cas de non-découvertes substantielles car, selon les experts en énergie, devant soustraire 10 % des gisements marginaux non rentables financièrement. C'est dans ce cadre que l'Algérie a programmé d'importants investissements tant à travers les canalisations Medgaz et Galsi que la construction de deux GNL (Skikda et Arzew), les exportations devant tourner autour de 60 % de GN et 40 % de GNL à l'horizon 2014/2015. Pour ces investissements, au départ, il était prévu que Sonatrach approvisionne la cote est des Etats-Unis d'Amérique. Alors se posent deux questions stratégiques liées : quelle sera la rentabilité financière tant des canalisations GN que celles de GNL et que de la réalisation d‘une OPEP gaz permettant de stabiliser les prix face à la concurrence du gaz non conventionnel et qu'il était prévu horizon 2020 qu'il puisse prendre la relève du pétrole ? Pour répondre à ces questions Enjeux pour la sécurité nationale de l'Algérie, problématique du management stratégique de la société des hydrocarbures Sonatrach, il me semble qu'il est impossible, du moins à court terme, de parler d'une OPEP de gaz à l'image d'une OPEP de pétrole, ce qui ne signifie nullement qu'il ne faille pas favoriser les ententes entre les pays producteurs sans négliger un dialogue permanent avec les pays consommateurs et ce pour trois raisons. La première raison est que, selon les statistiques internationales de 2008/2010, le commerce mondial de gaz naturel est essentiellement transporté par le biais du réseau de gazoducs, 72 % contre 28 % pour le transport par tankers de GNL (gaz naturel liquéfié). En raison de la faible proportion de gaz naturel échangée par rapport à la quantité produite, il n'existe pas véritablement de marché global, mais des marchés régionaux qui possèdent des organisations, une maturité et des filières différentes. Certes, contrairement au gaz naturel, le GNL permet le développement de la concurrence sur des marchés traditionnellement tenus par des opérateurs historiques, de s'affranchir des tensions géopolitiques, source de volatilité des prix, de diversifier ses sources d'approvisionnement en atténuant la contrainte physique en faveur d'une liberté de choix commercial, de sécuriser ses approvisionnements en répartissant le risque sur un plus grand nombre de producteurs, mais la production et le transport du GNL exigent d'importants investissements. La deuxième raison est que les contrats tant du gaz naturel que du GNL sont dominés par les contrats à moyen et long terme, y compris sur des périodes allant de 20 à 25 ans de façon à offrir un approvisionnement garanti de base, auquel peut s'ajouter un approvisionnement couvert par des contrats à court terme pour les périodes de forte demande. En effet, bien que des contrats à moyen et à court terme (ou transaction au comptant) sont en train d'apparaître, leur part du marché du GNL est passée de 1 % en 1992 à 8 % en 2002 et ont tendance à aller vers plus de 12/15 % entre 2007 et 2010, encore que la crise mondiale d'octobre 2008 a freiné cette tendance. D'où l'impossibilité d'abaisser l'offre car les pays producteurs sont tenus de respecter les contrats qui, en principe, sont non révisables au risque de pousser les pays producteurs à aller vers le marché libre. La troisième raison est la nouvelle donne depuis janvier 2009, la crise économique ayant provoqué des bouleversements sur l'évolution des prix avec, comme conséquence principale, une déconnexion prononcée entre les prix du gaz et ceux du pétrole liée à la progression de production de gaz non conventionnel aux Etats-Unis et à la surabondance de l'offre de GNL. Le repositionnement qui s'opère aux Etats-Unis vers le gaz non conventionnel au détriment du GNL (le pays risquant à l'horizon 2020 de devenir exportateur net de gaz, le département de l'Energie ayant revu à la baisse sa prévision de demande de GNL de plus de 60 % à l'horizon 2020, d'où le gel, voire l'abandon de plusieurs projets de regazéification) va modifier la donne au plan mondial expliquant la baisse vertigineuse du prix du gaz sur le marché libre spot d'environ 40 % depuis janvier 2009 (fluctuant entre 4 et 5 dollars le MBU). Les Etats-Unis risquent d‘être rejoints par de nombreux pays comme la Chine, la Russie comme en témoigne l'initiative récente depuis janvier 2010 de la Russie de procéder au recyclage du gaz à partir du charbon en Sibérie (idem pour la Chine). La mise sur le marché de capacités additionnelles de liquéfaction (57 Gm3) et de regazéification (260 Gm3) entre 2009 et 2013, ces surcapacités ne conduiront-ils pas à des taux d'utilisation très faibles des terminaux d'importation GNL avec comme résultat dans les prochaines années l'offre de GNL surpassant fortement la demande gazière globale, avec pour conséquence une pression accrue sur les prix, qui, selon Cedigaz, dans son rapport de décembre 2009, devrait reculer, la mise sur le marché d'une offre disponible supérieure de 100 Gm3 ces deux dernières années, Enjeux pour la sécurité nationale de l'Algérie, problématique du management stratégique de la société des hydrocarbures Sonatrach née à une forte réduction de la demande, rallongeant jusqu'à 2015/2016 la période actuelle de bulle gazière. Mais un élément de taille, seuls les pays possédant beaucoup de réserves d'eau peuvent utiliser ces nouvelles techniques, ce qui préfigure d'un bouleversement stratégique aux dépens des pays arides et semi-arides comme l'Algérie et les pays du Moyen-Orient. Comme cette nouvelle donne affaiblit les négociations des pays producteurs qui ont réalisé des contrats à moyen et long terme pour le gaz conventionnel. Face à cette situation, en plus par la prise en compte de l'entrée croissante dans le marché du gaz de nombreux pays en Afrique et en Amérique latine concernant le gaz conventionnel, des accords récents entre le géant russe Gazprom et l'Espagne et la France sans compter les nombreux projets de canalisation à travers le monde notamment vers l'Asie et les Balkans, se pose alors tant pour les canalisations (gaz naturel GN) que pour le gaz naturel liquéfié (GNL) la question de la place de Sonatrach dans cet échiquier stratégique mondial, de la rentabilité financière pour l'Algérie de la construction de deux GNL et des méthaniers, sans compter celles existantes qui nécessitent un renouvellement pour asseoir leur rentabilité financière sachant que l'amortissement de l'investissement durant une conjoncture normale est de dix ans au minimum. Avec le prix actuel du gaz et certaines prévisions entre 2010/2015, il sera impossible de rentabiliser ces installations de GNL dans des délais raisonnables. Qu'en sera-t-il du projet gazoduc Trans-Saharan Gas Pipeline (TSGP), surtout sa rentabilité, devant relier le Nigeria à l'Europe via l'Algérie, d'une longueur de 4.128 km, dont 1.037 km en territoire nigérian, 841 km au Niger et 2.310 km en Algérie, d'une capacité de 20 à 30 milliards de m3/an destinés en majorité au marché européen où, selon l'étude de faisabilité confiée à la société britannique Penspen/IPA, le projet pour se matérialiser coûtera plus 13 milliards de dollars contre une prévision au départ de 7 milliards de dollars ramenée par la suite à 10 milliards de dollars qui, au départ, sous réserve de la résolution de certains conflits frontaliers, devait permettre à l'Algérie de concurrencer Gazprom et la Norvège pour passer à l'horizon 2015 à 15 % de l'approvisionnement de l'Europe et surtout de la rentabilité des installations algériennes tant du gaz naturel (par canalisations) que du gaz naturel liquéfié (GNL) alors que la rentabilité du GN doit être environ de 8/9 dollars et celle du GNL entre 11 et 14 dollars assistant à une déconnection du prix du gaz par rapport à celui du pétrole ? Et ce d'autant plus que les perspectives du prix de cession du marché du gaz restent incertains. En effet, lors de la conférence internationale tenue à Berlin le 21 mai 2010 ayant pour thème «Dialogue énergétique : Russie-UE, aspect gazier», le président de GDF Suez, Jean-François Cirelli, l'allemand E.ON Ruhrgas et le président de l'Union européenne de l'industrie du gaz naturel (Eurogas) Domenico Dispenza ont estimé que les accords à long terme sur la livraison de gaz à l'Europe doivent pouvoir subir des modifications compte tenu de la conjoncture économique et ont demandé à Gazprom de baisser le prix du gaz prévu par leur contrat à long terme ou de changer certaines clauses dans les contrats. (A suivre)