Au début du XIXe siècle, alors que Napoléon Bonaparte dévastait tout sur son chemin, remportant des victoires mémorables contre ses adversaires, l'empire de le famille des Habsourg essayait tant bien que mal de lui faire face, mais en vain tant la supériorité du génial chef militaire français était évidente. Une grande dynastie régnante L'entité politique fondée par cette illustre famille européenne des Habsbourg — l'Autriche – était l'une des plus grandes puissances dans le Vieux Continent aux côtés de la Russie tsariste, de l'Angleterre, de la Prusse et, bien sûr, de la France napoléonienne. Evidemment, le continent européen, à cette époque, était secoué sans cesse par les révolutions des peuples qui revendiquaient les libertés que les régimes autocratiques leur refusaient aveuglément. L'Autriche n'a pas échappé à cette profonde vague contestatrice et devait beaucoup faire avec son opposition formée des nationalistes (Hongrois, Slaves) qui se conjuguait à celle des éléments libéraux, absolument hostiles à l'autocratie et au centralisme suivis jusque-là. Sur le plan extérieur, le gouvernement autrichien devait faire face aux visées du petit royaume italien du Piémont (nord-ouest de l'Italie) et aux grandes ambitions de la Prusse voisine (au nord-est). Ces deux pays menaçaient la position dominante autrichienne dans la péninsule italienne et en Allemagne, influence obtenue lors du congrès de Vienne (1815) qui a suivi la chute de l'empereur Napoléon Bonaparte. Pendant près d'un demi-siècle, les Habsbourg parviennent à contenir ces menaces en s'appuyant sur l'armée, l'église et la bureaucratie, mais aussi grâce à la bienveillance (voire au soutien militaire) de ses anciens alliés contre Napoléon : l'Angleterre, la Russie et la Prusse. L'empire est parvenu à surmonter le désordre provoqué par les guerres et les révolutions de 1848 qui secouèrent l'Europe centrale. Le pouvoir absolu du nouvel empereur François-Joseph Ier, qui a régné de 1848 à 1916, est apparemment restauré. En 1859, néanmoins — ayant perdu le soutien russe en raison de sa neutralité lors de la guerre de Crimée (1853-1856) —, la monarchie est défaite militairement lors de la campagne militaire d'Italie de Napoléon III, et doit céder au Piémont la Lombardie (suivie de la Vénétie en 1866). En outre, la Prusse menaçait son autorité à la tête de la Confédération germanique. Les difficultés internes exacerbèrent ces problèmes : lors de la guerre de 1859, la monarchie doit conserver des forces armées en Hongrie pour contenir le mécontentement latent. Enfin, la situation financière s'était dégradée en raison des réticences de la bourgeoisie libérale allemande à prêter de l'argent à un régime absolu tel que celui de l'Autriche-Hongrie. La défaite de 1859 avait provoqué un profond remous au sein des populations allemandes de l'empire. Le début des années 1860 est marqué par des expériences constitutionnelles visant à apporter une certaine harmonie intérieure et à donner les moyens à la monarchie de défendre ses intérêts en Europe centrale. L'empereur tente d'abord d'introduire une sorte de fédéralisme aristocratique reposant sur des diètes locales élues sur une base étroitement censitaire et placées sous la direction de la cour de Vienne. Devant l'opposition hongroise, il publie, en février 1861, la lettre patente établissant un centralisme plus libéral. Ce régime constitutionnel est bien accueilli par les sujets allemands, mais il est boycotté par les Hongrois et mécontenta une grande partie des Slaves. En 1866, la rivalité avec la Prusse provoque la guerre austro-prussienne dont le tournant est la défaite cuisante de Sadowa (3 juillet 1866), aboutissant à l'expulsion de l'Autriche de la Confédération germanique. En effet, ce grand empire s'était endormi sur ses lauriers et n'avait pas accordé beaucoup d'importance à la montée du nationalisme allemand. Cela, en vérité lui coûta très cher, car l'empire des Habsbourg entra peu à peu dans une période très difficile, même s'il parvint, longtemps, à retarder l'échéance. Une solution éphémère : le compromis de 1867 La défaite a entraîné vite l'adoption du compromis de décembre 1867, signé entre les Habsbourg et leurs sujets du pays magyare. Une monarchie bicéphale est mise en place. François-Joseph était en même temps empereur d'Autriche et roi de Hongrie, à titre personnel. Pour faire comprendre que son règne ne commence qu'à cette date, il se fait couronner roi de Hongrie à Budapest, en juin 1867. La Cisleithanie (grande province située à l'ouest et peuplée de 19 millions d'habitants comprenant divers peuples : Allemands, Tchèques, Polonais et Slaves du Sud) comprend, outre l'Autriche, la Bohême-Moravie, la Styrie, la Bucovine, l'Istrie, la Dalmatie ainsi que d'autres petites régions. A l'est, on trouve la Transleithanie (14 millions d'habitants, principalement des Magyars, Roumains, Serbo-Croates, Allemands, Slovaques) et englobe outre la Hongrie, la Transylvanie, la Croatie et la Slovaquie. Les deux Etats avaient toute la compétence pour régler à l'intérieur de leurs frontières les questions touchant aux nationalités qui s'y trouvent. Les domaines des Affaires étrangères, de l'Armée et des Finances se trouvent sous la coupe de départements ministériels communs et restent rattachés directement à l'empereur qui nomme les ministres. En revanche, la «garde intérieure» est placée sous le contrôle des Parlements de Vienne et de Budapest. Les affaires économiques d'intérêt commun, les Douanes, la Banque austro-hongroise et la participation financière des deux pays aux caisses communes sont gérées suivant un compromis passible d'être révisé révisable toutes les décennies. Importance de la Hongrie dans l'échiquier de l'empire On accorda à la Hongrie, qui englobe le vieil Etat de Saint-Etienne, une considérable autonomie interne, permettant à la majorité magyare de dominer les minorités roumaines et slovaques au Parlement de Budapest. Grâce au compromis de l'année 1868, la Croatie seule a bénéficié d'une autonomie à l'intérieur du royaume de Hongrie. Ces dispositions sont appliquées, principalement, jusqu'à la chute totale de la monarchie, à la fin de la Première Guerre mondiale (1918). Ainsi, après beaucoup de tentatives vaines durant la période 1848-1865, et pour un accord satisfaisant les onze nationalités de ce grand empire, on arriva à la conclusion que l'adhésion des Magyars était indispensable. Cela permit à l'Autriche-Hongrie de garder son statut de grande puissance européenne. Néanmoins, les problèmes politiques et les conflits demeuraient toujours et refaisaient souvent surface. Les Hongrois manifestaient encore une méfiance constante et certaine à l'égard des institutions et refusèrent longtemps (1888-1912), de donner leur accord au renforcement de l'armée commune. D'ailleurs, Budapest entreprit d'affaiblir les alliances serbes et roumaines de la monarchie à l'intérieur même de l'empire, se mêlant dans les affaires de la Croatie et imposant une politique de «magyarisation» des minorités roumaines et slaves du Sud. Pour cela, la puissance de la monarchie austro-hongroise paraissait menacée et, dans les années précédant le premier conflit mondial, l'héritier du trône, l'archiduc François-Ferdinand pensait casser le pouvoir de l'élite magyare en instituant un fédéralisme qui permettrait aux Slaves du Sud d'avoir davantage de pouvoirs. L'empereur François-Joseph, malgré un âge avancé, n'avait pas peur de la confrontation quand il s'agissait de défendre ses prérogatives de politique étrangère ou militaires. Il s'opposa fermement à la remise en cause de l'accord de 1867 et du pouvoir des Magyars en Hongrie. Il ira, pour cela, même jusqu'à abandonner ses plans de réforme constitutionnelle projetée en Cisleithanie. En 1871, il renonça à accorder l'autonomie au royaume de Bohême, car les Magyars, eux-mêmes confrontés à des revendications nationalistes, y voient un dangereux précédent. Ainsi, même si le fameux compromis s'avéra être une solution efficace et durable aux problèmes de la décennie 1860, il enfermait la monarchie des Habsbourg dans un véritable carcan, en l'empêchant de mettre en place des réformes efficaces et solides. (A suivre)