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Justice : Des affaires économiques en général et des marchés publics en particulier
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 13 - 01 - 2009

La chronique judiciaire est parsemée ici et là d'affaires de détournements de deniers publics, de corruption, de dilapidation, de dissipations.. etc., autant de qualifications de dossiers et d'affaires qui jettent l'opprobre et la suspicion sur tous les projets et chantiers ainsi que sur les cadres et agents de l'Etat qui, honnêtes ou malhonnêtes, justement poursuivis ou injustement brimés, continuent à gérer le dinar public.
Pour le profane et le lecteur non avisé, la multitude des affaires constitue une tumeur honteuse et un indice d'intégrité ou de malhonnêteté des agents de l'Etat, il y a peut-être du vrai dans cela.
Il y avait jadis le délit de mauvaise gestion, un délit et une notion fourre tout qui permettait aux magistrats de condamner tout gestionnaire, pour peu que, selon son appréciation, la conduite des affaires de son entreprise ne soit pas conforme aux intérêts de celle-ci. Ce délit disparaîtra balayé par les vents de réformes tout azimuts qui ont modifié et bouleversé la législature de ce pays.
Ce délit a été abrogé, pour sécuriser les gestionnaires dont la nature des décisions à prendre nécessite une latitude et une sécurité qui les mettraient à l'abri des vicissitudes des poursuites judiciaires.
Ce délit a disparu, mais d'autres délits semblables ont été maintenus, notamment le délit de dissipation, tandis que d'autres seront introduits, tel le délit de passation irrégulière de marchés publics prévu par la loi sur la lutte contre la corruption.
Un journal arabophone (Echourouk) a fait ses choux gras et meuble régulièrement la chronique judiciaire locale de la wilaya de Jijel, par des affaires liées aux projets de marchés publics assez consistants, du reste, et qui, de l'aveu de tout un chacun, ont bouleversé considérablement et positivement l'image de la région. On peut dire, avec une approximation de simple prudence, que chaque projet a son pendant et son pendentif judiciaire.
Ces dossiers impliquent tous les intervenants dans les marchés publics :
Les agents de l'administration, membres des commissions de marchés publics, commissions d'évaluation des offres qui, pourtant, ne donnent que des évaluations subjectives, des membres de l'exécutif, des chefs de service ainsi que de simples techniciens chargés des fonctions de suivi et d'exécution ; ajoutons à ceux-là, les opérateurs économiques, les entrepreneurs privés, les bureaux d'études, les architectes ..etc.
Rien ni personne ne trouve grâce et n'échappe aux citations et convocations. Cette ambiance et cette pratique à l'emporte-pièce est de nature à créer une psychose démobilisatrice. Lorsqu'un dossier est ouvert sur un projet, tous les intervenants et personnes impliquées de près ou de loin défilent devant la police, chez le procureur, le juge d'instruction puis le juge du fond.
Les décantations ne commenceront que plus tard après l'enquête préliminaire ou les premières séances d'instruction où certains seront évacués par un non-lieu, tandis que d'autres resteront dans le calvaire jusqu'à une phase ultérieure.
Les personnes impliquées dans un projet seront toutes interpellées, selon la logique et le principe : « Jetez-les tous en prison et Dieu reconnaîtra les siens ».
- Outre l'angoisse et l'incertitude générée par les procédures judiciaires, les personnes impliquées passent et consomment plus de temps à gérer leurs affaires judiciaires que les affaires de leur bureau et leurs véritables fonctions.
- Leur temps et leur énergie sont détournés de leur fonctions naturelles, que sont la réalisation et le suivi des projets, vers la préparation de leur défense, l'établissement de rapports aux autorités et instructeurs judiciaires (police, procureurs, juges d'instruction, juge du fond) et aussi à leur tutelle qui revendique, elle aussi, le droit de comprendre, de savoir et se réserve le droit de décider.
Ce temps passé et consommé dans des salles d'attente des procureurs, des policiers, des juges d'instruction, des avocats, dans les salles d'audience, est volé au temps qu'ils devraient consacrer à leurs véritables tâches, leurs activités et leurs obligations.
Nous ne disons pas qu'il ne faut pas poursuivre ou qu'il faille leur octroyer une véritable immunité de fonctionnaires, mais des balises sérieuses doivent limiter et cerner le déclenchement des poursuites et des enquêtes en raison de leurs effets néfastes sur la vie des personnes, la réalisation des projets et objectifs économiques.
Il faut par ailleurs, et c'est très important, accorder une attention particulière et sérieuse à l'origine des poursuites des enquêtes et des affaires qui naissent et se déclenchent ici et là et ce, afin d'être édifié sur les conditions et les véritables motifs de leur déclenchement.
Car, il est quand même curieux que dans une wilaya déterminée, d'innombrables dossiers s'ouvrent et des poursuites se déclenchent quasi automatiquement à chaque fois qu'un projet s'annonce ou un marché s'ouvre.
La composante et l'encadrement de cette wilaya sont-ils à ce point compromis ou y a-t-il une autre explication à ces chasses aux sorcières. La réflexion est d'autant plus importantes que ces affaires judiciaires ternissent l'image de l'Etat et de l'administration si elles sont opportunes ou justifiées ou entachent l'image et le rôle de l'appareil judiciaire si, par contre, elles sont intempestives, car la justice pourrait être, dans ces cas, instrumentalisée, à son insu, pour des desseins obscurs et perturbateurs.
Une enquête sur les enquêtes
Il est impératif et salvateur qu'une enquête soit déclenchée sur ces enquêtes pour savoir qui les a provoquées et comment elles se sont déclenchées.
Nous disons cela, car la totalité des affaires ont été engagées, instruites et jugées en l'absence de toute partie civile.
La poursuite et les procédures judiciaires sont un calvaire quelle que soit leur issue. On trouvera que beaucoup de procédures et faux procès trouvent leur déclenchement dans des lettres anonymes, écrites par des soumissionnaires évincés par des concurrents malheureux ou par d'autres lobbies agissant dans le sillage des règlements ou de dérèglements de comptes.
Que peut ressentir un cadre qui se voit malmené pendant neuf mois et dépenser chez les avocats bon nombre de ses salaires et se voir, par la suite, acquitté sans excuses ni dédommagement ? Et quel dédommagement peut être équitable pour un cadre qui se voit contraint de démissionner et voir sa santé nerveuse et mentale compromise par les angoisses judiciaires des tribunaux.
Le code des marchés publics est une matière extrêmement technique dont les détails et la technicité échappent à un magistrat, un juge d'instruction, un procureur de formation exclusivement pénaliste.
Il est quand même paradoxal qu'un marché traverse tous les organes de contrôle institué par le code des marchés publics qui le certifient régulier, mais qui ne trouve pas grâce aux yeux d'un magistrat de formation exclusivement pénaliste.
Ces jugements versent malheureusement dans l'approximation.
Les affaires économiques d'une façon générale et celles liées aux marchés publics, en particulier, requièrent une spécialisation non seulement des magistrats mais aussi des structures qui interviennent en amont de la décision judiciaire, notamment la police et les experts qui sont souvent requis pour assister les juges.
Il faut dire que l'incompréhension qui peut naître entre un policier enquêteur, un magistrat instructeur, ou un juge du fond et les cadres poursuivis, engendre un désarroi chez ces derniers et engendrent énormément de dérives qui entachent et compromettent la manifestation de la vérité.
Enfin une dernière mais non la moindre remarque
Quel est l'impact économique de ces enquêtes policières et judiciaires et de ce climat délétère, sur les projets économiques en cours ou en voie de lancement, ralentis ou bloqués par le moral et la démoralisation des troupes et la peur que peut ressentir un cadre, un entrepreneur ou autre intervenant, devant toute action ou décision à prendre ou entreprendre.
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*Avocat


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