Un de mes amis m'a déjà dit que l'élection aux Etats-Unis était tellement importante pour les autres pays du monde que tous les citoyens de la planète devraient y participer. Il n'a pas si tort, si l'on considère l'impact de la politique américaine sur le reste du monde et en particulier au Moyen-Orient. Le récent massacre perpétré contre les citoyens de Gaza en est certainement une des multiples facettes. Obama est-il noir ? Considérée comme l'événement médiatique le plus important depuis le début du siècle, l'élection du président Obama a suscité beaucoup d'engouement, d'espoir et de rêves. Un noir à la Maison-Blanche ! Quel pied de nez à l'Histoire. Celle-là même qui nous raconte que la demeure du président des Etats-Unis tient son nom de la couleur blanche de la peinture qui a été utilisée pour masquer la noirceur des pierres après l'incendie de 1814, ou celle qui nous fait remarquer que ses fondations ont été édifiées par des esclaves noirs. Mais Obama est-il vraiment noir au sens américain du terme ? Pourquoi le fils d'un Kenyan noir et d'une Américaine blanche serait-il noir ? A cause de la quantité de mélanine qui lui donne un teint basané, me dira-t-on. Mais Obama n'est pas un descendant du célèbre Kounta Kinté. Plus que ça, du côté de sa mère, il aurait du sang cherokee, français, néerlandais, allemand, belge et irlandais. Néanmoins, la pigmentation de sa peau lui a valu d'être le sauveur de tous les Noirs d'Amérique, voire de la planète entière. Les résultats de son élection sont éloquents à ce sujet. En effet, Obama n'a pas été élu par les Blancs : seuls 43% ont voté pour lui contre 55% pour McCain. Par contre, pour ce qui est des Noirs, 95% d'entre eux lui ont donné leurs voix. Personne n'a parlé de vote ethnique. Imaginez-vous ce qui se serait passé si 95% des Blancs avaient voté pour McCain ? Obama est-il musulman ? Durant la (trop) longue campagne électorale présidentielle, Obama s'est défendu bec et ongles d'avoir une quelconque relation avec l'Islam. Son second prénom, Hussein, a donné des armes à ses adversaires qui ont essayé de faire le parallèle avec feu l'ancien président d'Irak, as de pique du jeu de cartes bushien. Certains l'ont même surnommé «Barack Mohammed Hussein Obama», accentuant la consonance musulmane de son nom en y ajoutant un prénom fictif. Jamais quelqu'un ne s'est soucié de faire un quelconque lien entre son premier prénom et le nom du boucher de Gaza, Ehud Barak, ancien Premier ministre et ministre actuel de la Défense (ou plutôt du génocide palestinien) de l'Etat hébreu. La consonance hébraïque est beaucoup moins dérangeante que la musulmane pour un politicien américain. Elle peut même être un atout. La preuve est sur son site (http://www.barackobama.com): aucune mention de son prénom «problématique» n'y est faite alors que Barack figure même dans l'URL de son site. Le nouveau locataire de la Maison-Blanche est né à Honolulu (Hawaï) de l'union d'un Kenyan musulman (mais non pratiquant, paraît-il) et d'une Américaine agnostique. Si on s'en tenait uniquement à l'héritage religieux, cela ne fait pas de Barack un enfant musulman, ni chrétien d'ailleurs. Mais après le divorce de ses parents, sa mère épousa en secondes noces un autre musulman, indonésien cette fois-ci. Barack Obama vécut avec sa famille reconstituée à Djakarta pendant 4 années. Contrairement à ce qu'on peut lire en gras sur son site officiel : «Obama has never been a muslim, and is a committed christian» (Obama n'a jamais été un musulman et est un chrétien dévoué) (1), certains journalistes prétendent le contraire (2). En effet, à Djakarta, il fut inscrit comme musulman dans une école catholique où chaque élève avait le choix des cours de religion : musulmane, hindoue, bouddhiste, catholique ou protestante. Dans son cas, il choisit la religion musulmane qui était celle de son beau-père et il suivit des cours sur cette religion lorsqu'il avait entre 6 et 10 ans d'âge. Ses amis de jeunesse affirment même qu'ils allaient souvent ensemble à la mosquée pour la prière du vendredi (3). Mais pourquoi vouloir à tout prix effacer toute trace d'islamité pour atteindre la magistrature suprême ? Surtout qu'il est clair que, maintenant, Obama est un chrétien pratiquant (et probablement dévoué). Ce mépris envers l'Islam n'est pas nouveau dans l'histoire des présidents, comme l'illustre si bien celle de Carlos Menem, président de l'Argentine dans les années 90. Fils d'immigrants syriens musulmans sunnites, et lui-même de la confession de ses parents, il se convertit au catholicisme pour arriver à la présidence, conformément à la constitution argentine de l'époque. Sa première épouse, Zulema Fatima Yoma, aussi d'origine syrienne musulmane mais qui a toujours gardé sa religion, l'a accusé de ne s'être converti que par «opportunisme politique» (4). Selon de nombreux analystes, les différentes «intrusions» islamiques dans la vie politique du président Obama lui ont causé de multiples soucis lors de la campagne présidentielle. Si ce n'était la dextérité de ses stratèges en matière de communication, la situation aurait été tout autre. Son site «Fight the smears» (5), littéralement «Combattre les diffamations», en est un bon exemple. Obama est-il un «ami» de l'Etat hébreu ? Dans le chapitre de la politique étrangère du président Obama consacré à l'Etat hébreu (6), le titre est éloquent, voire racoleur : «Barack Obama et Joe Biden : un solide dossier de support à la sécurité, la paix et la prospérité d'Israël». Parmi les actions de la nouvelle présidence, on peut lire : assurer un solide partenariat USA-Israël, soutenir le droit à l'autodéfense d'Israël et soutenir une assistance étrangère à Israël. Dans les détails du dernier point, on peut lire que le président Obama et son adjoint s'engagent à toujours fournir l'aide annuelle dans le domaine militaire et l'assistance économique à Israël. Ils recommandent fortement l'augmentation des budgets et appellent à poursuivre la coopération avec Israël dans le développement des missiles de défense. Dans une contre-attaque aux insinuations sur ses relations avec Rashid Khalidi, un historien d'origine palestinienne, le président Obama déclare sans ambages qu'«il appuie fortement les relations USA-Israël et qu'il croit que le premier et indéniable engagement dans le Moyen-Orient doit être la sécurité d'Israël, le plus grand allié des USA» (7). Parmi les quelques pays visités par le successeur de G.W. Bush figurait, bien sûr, l'Etat hébreu où il affirma que Jérusalem restera la capitale indivisible d'Israël. Cette déclaration est étonnante dans la mesure où elle fait fi de la résolution 478 du Conseil de sécurité des Nations Unies qui condamne la décision d'Israël de proclamer Jérusalem «une et indivisible» comme la capitale de l'Etat d'Israël. Elle implique aussi que l'Etat sioniste n'est pas tenu de revenir aux frontières de 1967 (8). D'autre part, la nomination d'Hillary Clinton au poste de Secrétaire d'Etat plaide aussi en faveur de cet appui inconditionnel pour Israël. Cette dernière avait déclaré en février 2008, lors d'une réunion de l'AIPAC (Lobby américain pro-Israël) : «Israël est le phare de ce qui est juste dans la région, dans un voisinage assombri par le mal du radicalisme, de l'extrémisme, du despotisme et du terrorisme» (9). Obama est-il un super héros ? Ce n'est pas une blague : les éditions Marvel, qui publient les aventures de Spiderman, ont décidé de téléporter Barack Obama dans le monde des bandes dessinées où il partage les aventures de son héros arachnéen. Mais trêve de plaisanteries : Obama sera-t-il capable de régler les problèmes de ses concitoyens ? Crise financière sans précédent, faillites à répétitions, chômage grandissant, et j'en passe. Ses électeurs de couleur qui ont vu en lui un sauveur pourront-il toujours croire à ses dons supranaturels pour les sortir de la condition désastreuse dans laquelle ils se trouvent ? Car l'élection de Barack Obama ne doit pas masquer les chiffres alarmants de la condition des Noirs aux USA. Sur le plan sanitaire, les récentes statistiques sur le sujet montrent que la situation des Noirs est préoccupante comparativement à celle des Blancs : 3 fois plus de mortalité infantile, 9 fois plus de mortalité liée au sida, 7 fois plus de mortalité liée aux homicides (10). Sur le plan de l'emploi, le taux de chômage est en général le double de celui des Blancs. Sur le plan carcéral, les chiffres sont éloquents : en 2005, le nombre des hommes noirs emprisonnés était 6 fois plus élevé que celui des hommes blancs et la population carcérale des USA était constituée à 40% de Noirs (11). Même pour Spiderman, le contrat serait difficile à remplir. En guise de conclusion, il faut croire que le président Barack Obama, même s'il est considéré comme Noir, ne l'est pas tout à fait; même s'il est considéré comme chrétien, il ne l'est pas tout à fait; même s'il est considéré comme un super héros, l'avenir nous dira s'il l'est au moins un peu. La seule certitude vient de sa position dans le dossier du Moyen-Orient. Elle ressemble à celle de tous les présidents qui l'ont précédé : un allié historique et indéfectible d'Israël. En ce qui me concerne, «I have a dream». Celui de voir un jour à la Maison-Blanche un président, quelle que soit sa couleur, plaider en faveur de la justesse de la cause palestinienne. À la prochaine élection alors. * Docteur en physique Montréal (Canada) ------------------------------------------------------------------------ Références : 1. Obama-Biden (Page consultée le 17 janvier 2009). Obama has never been a muslim, and is a committed christian, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.barackobama.com/factcheck/2007/11/12/obama_has_never_been_a_muslim_1.php 2. Paul Watson (Page consultée le 18 janvier 2009). Islam an unknown factor in Obama bid. Campaign downplays his connection during boyhood in Indonesia, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.baltimoresun.com/news/nation/bal-te.obama16mar16,0,1634059,print.story?coll=bal_news_nation_promo 3. Daniel Pipes (Page consultée le 18 janvier 2009). Was Barack Obama a muslim ?, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.danielpipes.org/article/5286 4. Shirley Christian (Page consultée le 16 janvier 2009). Argentine, aiming to please, runs as a Peron for the 90's, [En Ligne]. Adresse URL: http://query.nytimes.com/gst/fullpage.html?res=950DE4D9113FF93BA35752C0A96F948260&sec=&spon=&pagewanted=2 5. Fight the smears (Page consultée le 16 janvier 2009). Learn the truth about Barack Obama, [En Ligne]. Adresse URL: http://fightthesmears.com/ 6. Document téléchargeable à partir de l'adresse URL: http://origin.barackobama.com/issues/foreign_policy/#onisrael 7. Fight the smears (Page consultée le 16 janvier 2009). The truth about Barack Obama and Rashid Khalidi, [En Ligne]. Adresse URL: http://fightthesmears.com/articles/24/KhalidiSmear 8. France 24 (Page consultée le 18 janvier 2009). Obama réaffirme que Jérusalem sera la capitale d'Israël, [En Ligne]. Adresse URL: http://www.france24.com/fr/20080723-barack-obama-a-sderot-etats-unis-israel-livni 9. Pepe Escobar (Page consultée le 17 janvier 2009). And the winner is... the Israel lobby, [En Ligne]. Adresse URL: http://atimes.com/atimes/Middle_East/JF03Ak01.html 10. Document téléchargeable à partir de l'adresse URL: http://ambafrance-us.org/spip.php?article860 11. Aloys Evina (Page consultée le 18 janvier 2009). Etats-Unis : les Noirs courent toujours après le rêve américain, [En Ligne]. Adresse URL: http://journalchretien.net/article15801.html