Une inflation «stable», selon l'Office national des statistiques, qui indique dans le rythme annuel (janvier 2008-janvier 2009) qu'elle a atteint 4,5 %, soit un taux proche de celui observé pour 2008 (4,4 %). Ceux qui font quotidiennement le marché savent que la ménagère algérienne trouverait beaucoup à redire sur ces statistiques. En allant au marché ces derniers jours, elle rencontre une salade verte à 100 dinars, des pommes de terre à 45 dinars, des oignons à 45 dinars, des tomates à 65 dinars... le chou-fleur à 100 dinars, la viande de mouton à 850 dinars, le boeuf à 1.100 dinars et la très brave sardine à 250 dinars. Ne lui parlez surtout pas, à cette ménagère, de stabilité ou de hausse modérée, voire insignifiante, de l'inflation. Il est vrai que les pourcentages livrés par l'Office des statistiques sont froids. Ils constatent des évolutions. Ils ne font pas le calcul que fait le smicard ou le smicard pas grand-chose, pour essayer de « tenir » avec son salaire jusqu'à la fin du mois. Consommer correctement, sans exagération, est manifestement impossible. Il faut bien se rabattre sur l'essentiel, le pain, le lait, la pomme de terre, la semoule... Sur le fond, les chiffres de l'ONS ne contredisent pas la ménagère. Les produits alimentaires, là où va l'essentiel du budget familial, ont le plus renchéri au cours de l'année et sont, pour l'essentiel, dans la hausse globale de 5,6 % des prix à la consommation. Dans le détail, les biens alimentaires ont augmenté de 8,2 %. Les produits agricoles frais ont connu une hausse de 14,3 %, confirmant ainsi les constats douloureux faits quotidiennement au niveau des marchés. Ces produits frais, on les regarde en général et on passe. «On n'a pas idée d'acheter la salade à 100 dinars », maugréait hier, une dame devant les étals du marché à Kouba, à Alger. Les produits alimentaires industriels connaissent, eux, une progression modérée de 1,6 %. Selon les chiffres de l'ONS, les huiles et graisses ont baissé de 3,3 %, la pomme de terre (-2,3 %), le pain et céréales (-1 %), mais tous les autres produits alimentaires ont connu une hausse substantielle entre janvier 2008 et janvier 2009. La sardine du pauvre, qui s'achetait autour de 100 dinars en 2008, est durablement installée autour de 250 dinars. La sardine et le merlan Les statistiques de l'ONS donnent une hausse du prix du poisson frais de 28,8 %. A l'évidence, cette statistique s'applique aux poissons des « riches » comme le merlan (1.000 à 1.200 dinars) ou le rouget (700 à 900 dinars) qu'à la sardine, dont le prix a plus que doublé. Mais, une statistique est une moyenne, elle ne va pas distinguer entre la sardine et le rouget. L'ONS ne se moque pas forcément de la ménagère mangeuse « occasionnelle » de sardines. Les chiffres renvoient bien à la réalité d'une inflation fortement portée par la hausse sur les produits alimentaires : la viande de poulet (27,9 %), les oeufs (24,7 %), le café, thé et infusion (20,1 %), et la viande de mouton (19,3 %), les légumes (13,7 %), le sucre et produits sucrés (10,5 %), les fruits (9,3 %), viandes et poissons en conserve (4,9 %) et le lait, fromage et dérivés avec 0,6 %. Se nourrir coûte cher. Se nourrir de manière variée coûte très cher. Il reste que la ménagère pour s'interroger sur le retard mis à l'utilisation du nouvel indice des prix à la consommation. L'ONS devait le faire en octobre et elle l'a reporté. L'explication serait que le Conseil national des statistiques (CNS) n'a pas encore finalisé la nouvelle méthode de calcul. Or, l'indice actuel date du siècle dernier, en 1989. Les choses ont pourtant bien changé. Le plus évident est que la grande « famille », où chacun apporte sa contribution, n'est plus la norme. Le profil des ménages a considérablement changé. Ce qui reste est le fait que les familles algériennes continuent à consacrer près de la moitié de leurs revenus pour la nourriture. C'est sans doute la raison de la perplexité de la ménagère devant les chiffres de l'ONS. Même si ces chiffres évoquent une inflation importante, cela ne donne pas une idée de son blues devant les étals. Ni de ce qu'elle peut acheter et surtout de tout ce dont elle se prive.