Que reste-t-il du «Rancho» qui a vu naître tant de grands footballeurs à Hammam Bou-Hadjar ? Pas grand-chose sans doute, pour cause d'urbanisation. En tout cas, avant sa disparition, cette surface a donné d'excellents joueurs dont la future étoile Bensaoula. Le coach de l'USHBH, Messaoudi Hameto, ne s'est pas posé de questions pour intégrer ce cadet athlétique répondant au nom de Tedj en équipe seniors. C'est le début d'une formidable aventure humaine et sportive qui est dans toutes les mémoires et qui n'est pas prête de se terminer. Tedj, en effet, est toujours dans le circuit du football qui, même avec ses imperfections, le passionne toujours. Après sept saisons à l'USHBH, c'est le grand saut au sein du MCO. «Mon passage au Mouloudia s'est avéré très bénéfique, car c'est là qu'on s'est forgé une mentalité de gagneurs. Chaque semaine, il fallait prouver qu'on méritait sa place, car la concurrence était très rude. Personne n'était enclin à faire de cadeaux», dira Bensaoula. Sous la houlette de Saïd Amara, puis Belayachi, il y passera cinq saisons. Parallèlement, l'EN lui ouvre toutes grandes ses portes. Les matches s'accumulent, et le maillot n°9 lui va fort bien, car il est en même temps efficace et collectif. Il acquiert l'expérience dans les dures rencontres dans le continent africain et doit batailler durant une année contre l'hépatite virale, contractée au Mali. Son courage est récompensé, et il dispute le Mondial 82 en Espagne. Ce sera ensuite l'aventure professionnelle durant cinq ans au Havre et à Dunkerque. Ayant été à bonne école sous la conduite de Messaoudi Hameto, Amara, Belayachi, Khalef, Rajkov, Rogov, Maouche, Saâdane et Zouba, il obtient son diplôme d'entraîneur après un titre avec le MCO en 1993 aux côtés de Hadj Mechri et Abdallah Kechra et on le retrouve tour à tour à l'ASMO, à l'ESM, au CRT et à l'USMBA. A deux reprises, avec Madjer, il sera responsable de l'équipe nationale. Mais l'aventure tourne court. «Si vous vous trompez de bonne foi, ce n'est pas grave. Car, en football comme dans la vie, il faut être loyal et objectif». C'est un résumé du «discours» de Tedj qui, lorsque Madjer a été évincé, a été solidaire, car fidèle à son engagement. Des regrets ? Oui, surtout lors de la période 2000-2002 où une séduisante équipe nationale commençait à s'affirmer. Tout récemment, il était à la tête de l'OMA, car il a été séduit «par les moyens pédagogiques de ce club». Avec un effectif qualitativement limité, au bout de trois mois, il se retire. Mais il est certain qu'on le reverra bientôt sur le terrain, car il n'est pas question de tirer sa révérence sur une fausse note. Insistance Après le décès de son père Hadj Mohamed, Bensaoula était quelque peu traumatisé. Et ce n'est que sur insistance de sa courageuse mère qu'il a consenti à retourner rejoindre l'EN en Suisse. Deux amis fidèles, Bougherra et Bouchareb Boualem, l'ont accompagné à l'aéroport de Tafraoui. Adversaires Bensaoula et Assad ont été coéquipiers mais également adversaires directs. C'était lors des rencontres le Havre-Mulhouse. Tedj évoluait comme milieu droit chargé, entre autres, de contrarier les montées de Assad. Il y a eu des duels mais à la loyale. Ce fut également le même cas contre l'OGC Nice où évoluait Mustapha Dahleb, un autre brillant acteur du Mondial 82. Machination Afin de déstabiliser l'EN d'Algérie, adversaire du Nigeria en CAN 1980, les dirigeants des Aigles verts ont mis au point une véritable machination. Après les 200 km d'Ibadan à Lagos, les Fennecs ont été «promenés» durant plusieurs heures d'un hôtel à un autre de la capitale. Résultat de cette habile fourberie : un manque de récupération qui a usé nos représentants. «Je ne vois pas comment on aurait pu sortir indemnes dans un tel contexte», dira Bensaoula. La relève En fait, Farouk Bensaoula évolue dans la catégorie cadette de l'USHBHB, le premier club de son glorieux père Tedj. Avis de ce denier : «Il a des prédispositions». On en saura plus dans quelques années. Pour ce qui concerne le jeune Sid Ahmed, 9 ans, on attendra un peu plus. Enseignants Avec des diplômes, Bensaoula aurait pu occuper facilement une place d'enseignant. D'ailleurs, en 1975/76, à 21 ans seulement, il était prof de français dans un établissement d'enseignement moyen à Hammam Bou-Hadjar. Culture Ayant hérité des quelques hectares de ses aïeux, Bensaoula a opté pour les cultures céréalières et, lorsque son emploi du temps lui permet, il n'hésite pas à prendre le volant du tracteur. Le maître de Céans à la ferme, c'est lui, et que tout le monde s'en réjouit. Zone interdite Né dans la ferme de ses grands-parents, sur les hauteurs du massif du Tessala, Tedj Bensaoula a grandi à Hammam Bou-Hadjar. Chassée de cette zone interdite durant la Guerre de libération, la famille Bensaoula s'est repliée dans la cité des Thermes, en 1958. Tedj avait quatre ans. Rancho C'est le nom du grand terrain où se sont formés la plupart des footballeurs de l'USHBH, dont El-Amari, Bouchikhi, Allal, Zrainine II, Bougouffa et Bensaoula. C'est là, qu'à longueur de journées, se sont déroulées les rencontres de football où l'on jouait pour le plaisir et sans contrainte. Djaafri Le regretté Djaafri était en même temps un employé modèle de la LOFA et arbitre. Officiant un match à Hammam Bou-Hadjar, il a vite remarqué le jeune Tedj au sein de l'USHBH et en a fait part au staff technique composé de Chibani et Bridji Lahcène. Au mois de juillet 1975, il est sélectionné pour affronter l'équipe polonaise de Gdansk. Entraîneur-joueur Lors de son service national effectué à Touggourt, Tedj, en tant qu'officier de sport, a été l'entraîneur-joueur de l'équipe de la 4e RM qui a raflé tous les titres coupes et championnats de la région. En coupe d'Algérie militaire, elle a été éliminée par les formations de la GN et de l'EMEPS, où il y avait des contingents de grands joueurs. Période Malgré le dépôt d'un dossier de soutien de famille, Tedj a effectué 22 mois et 10 jours de SN. Finalement, libéré après cette période, il n'a bénéficié que de 50 jours. Sans doute en raison de ses qualités de grand footballeur. Gratuité Lorsqu'il évoluait au MCO, Bensaoula était un salarié de la Sonatrach et n'a jamais touché de primes de signature. «Pendant toute cette période, j'ai été le seul à avoir joué gratuitement», précisera-t-il. Bouzadjar Le match Maroc-Algérie du 9 décembre 1979 n'étant pas retransmis par l'ENTV, beaucoup de fans d'Oran se sont déplacés jusqu'à Bouzadjar où la TV marocaine pouvait être captée. C'est ainsi qu'ils ont pu assister en direct à ce match historique où les Verts ont gagné par 5 à 1 dont trois buts de Bensaoula, sans oublier la dernière passe à Assad et le but de Guemri. Rapidité Tous les observateurs et journalistes ont mis en évidence la vitesse et le «coup de reins de Bensaoula. Un de nos confrères a estimé que Tedj, «balle au pied, était le plus rapide du football algérien». Questionné à ce propos, notre interlocuteur nous a appris qu'il avait pratiqué les sprints et les sauts en longueur dans le secteur scolaire, sous la houlette de ses «profs» El-Amari et Bensafi. Belayachi Nejmedine Belayachi, qui a été l'entraîneur du MCO lorsque Tedj y évoluait, a établi un programme spécial après «l'année noire» où il a été victime de l'hépatite. «Il m'a pris en charge et grâce à lui, j'ai retrouvé mes sensations», témoignera Bensaouda. Courage et volonté 1981 et 1982 furent des années marquantes pour Bensaoula. Au mois d'avril 1981, il contracte une hépatite virale au Mali. C'est la galère qui commence, car il doit s'arrêter de jouer pour se soigner. Tedj a appliqué tous les remèdes, scientifiques et traditionnels. Il consulte les meilleurs spécialistes en France, en Suisse et en Belgique. Quatre mois avant le Mondial 82, il est guéri, mais pas opérationnel en tant que footballeur d'élite. Avec une volonté inébranlable et un courage qui forcent l'admiration générale, il se remet au travail, s'imposant un calendrier démentiel pour être au top et convaincre le staff technique de l'équipe nationale, un staff qui, au vu de la liste des «40», n'avait que l'embarras du choix. Avec le précieux concours de Nejmedine Belayachi qui lui a concocté un programme personnalisé spécial, Tedj se remet au travail, souffrant en silence, regard dirigé vers le calendrier, car c'est une course contre la montre. Même ses fans étaient pessimistes quant à sa présence en Espagne. C'était mal connaître ce garçon intelligent et conscient de ce formidable défi. A aucun prix, il ne voulait pas rater cette échéance historique, un rêve pour tout footballeur d'élite. Finalement, il est convoqué parmi les 22 et part en Suisse. A Farges, on lui transmet une funeste nouvelle : son père Hadj Mohamed venait de décéder. Avec le feu vert du staff composé de Khalef, Makhloufi et Soukhane Abderrahmane, il rentre à Hammam Bou-Hadjar et y reste quatre jours. Douloureusement touché au moral, il aurait fait l'impasse du mondial sans l'insistance de sa courageuse maman. Il rentre en Suisse et, le 27 mai 1982, c'est la renaissance avec deux buts contre Lausanne Sports, club de première division Suisse. Khalef passe en revue tous les joueurs. Après les rencontres contre Lyon et Thonon les Bains, Tedj est titulaire face au Servette de Genève et inscrit un but. Il récidive contre le FC Tours. Contre Oviedo (Espagne) il ne marque pas, mais le 16 juin, il fait partie de l'équipe qui a réalisé l'historique exploit, contre l'Allemagne avec les deux buts de Belloumi et Madjer. L'Algérie est en fête, car son équipe avait terrassé les présomptueux Allemands, auteurs de déclarations outrancières qui n'ont fait que motiver les joueurs algériens. Durant cette traversée du désert, Bensaoula a «perdu» 26 capes, mais, en revanche, il a gagné sa place dans cette formidable et inoubliable équipe nationale qui est piégée par l'Autriche. Contre le Chili, il fallait trois buts d'écart pour se qualifier. Ce sera 3 à 2 dont un but de Bensaoula. La parodie du match Allemagne-Autriche devant 30.000 témoins précipitera la sortie de l'E.N. qui rentre au pays presque incognito. En 1983, Tedj «aligne» 17 sélections, autant que son coéquipier Belloumi et inscrit 7 buts. Les années 1984 et 1985 seront moins prolifiques avec 9 capes et 8 buts. En 1986, ce sont les quatre dernières convocations. «J'ai demandé à me reposer», nous dira Bensaoula. Ce qui est le plus important, c'est sa victoire contre la maladie et le chagrin. Et cela, il fallait le faire...