Le dossier des essais nucléaires français dans le Sud algérien, ouvert depuis 1996, est-il pour autant clos avec la présentation hier, par le ministre français de la Défense, Hervé Morin, du projet de loi relatif à la réparation des conséquences de ces mêmes essais sur les personnels militaires et civils présents sur les sites, au Sahara et en Polynésie française, ayant développé des pathologies liées aux radiations émises lors des tirs. A première vue, les déclarations de M. Morin au quotidien « Le Figaro » scellent définitivement ce problème, qui a empoisonné les relations bilatérales entre les deux pays et suscité l'ire du gouvernement algérien qui, en l'absence de toute indication sur les graves conséquences sanitaires et écologiques de ces tirs, avait même exigé de Paris l'ouverture des archives de l'armée française, en vue de connaître la vérité sur la question. A première vue, seulement, car si on regarde de plus près l'annonce française d'indemniser les quelque 150.000 travailleurs, civils et militaires concernés par les 210 essais nucléaires au Sahara et en Polynésie effectués entre 1960 et 1996, ainsi que les populations en place à l'époque des essais, on se rend compte qu'il n'est nullement dans l'intention du gouvernement français et aucunement d'actualité l'indemnisation de futures générations qui ont souffert des effets des radiations, des années plus tard, à cause de la présence encore aujourd'hui, sur les lieux, des équipements ayant servi aux essais, enfouis après le départ des Français, mais qui ont réapparu, au gré de l'érosion, et constituent des sources de radiation importantes. Une indication de taille pour les Algériens qui réclament toujours la prise en charge totale, sinon en partenariat, du problème de la radioactivité dans la région des tirs. Un chercheur en génie nucléaire avait affirmé en 2007, que contrairement aux idées reçues, les victimes ne sont pas seulement les habitants des zones où les expériences ont eu lieu, mais se trouvent aussi très loin avec des possibilités de contamination à plus de 700 kilomètres des régions des essais. Hervé Morin reconnaît, lui, plusieurs incidents dont quatre lors d'essais conduits dans des galeries au Sahara qui n'ont pas été totalement confinés, en particulier le 1er mai 1962 lorsque des retombées radioactives importantes ont été relevées dans une bande de plus de 150 km. De quoi alimenter la polémique mais aussi de ramener la décision française à sa véritable portée qui a, pour principal objectif, de calmer ses propres troupes. Pour toutes les victimes, qui relevaient jusqu'à présent de régimes divers, les décrets d'application fixeront une liste de 18 maladies (leucémie, cancers du sein, de la thyroïde...) calquée sur celle établie par le Comité scientifique des Nations unies pour l'étude des effets des rayonnements ionisants ( UNSCAER ). Les dossiers d'indemnisation seront confiés à un comité de neuf membres, principalement des médecins , et présidé par un magistrat. Ce comité disposera de six mois pour émettre une proposition d'indemnisation qui devra encore être avalisée par le ministre de la Défense. Il n'appartiendra «plus à la victime de prouver que sa maladie est due aux essais, mais à l'Etat de le contester», le cas échéant, a expliqué Hervé Morin. Question chiffres, ce sont dix millions d'euros qui seront dégagés, la première année, sur les crédits de l'armée pour indemniser les victimes des essais nucléaires. Selon les spécialistes algériens, le nombre de victimes de ces essais augmente inexorablement, souvent dans l'anonymat. Ils dénoncent l'absence de dépistage et d'archives sanitaires qui contribuent à occulter les innombrables maladies comme le cancer et les décès, entraînés par les radiations. Pour rappel, la France a effectué son premier test en Algérie le 13 février 1960 à Reggane sous le nom de code «La Gerboise bleue». L'explosion de la bombe atomique - elle était trois fois plus puissante que celle larguée par les Américains sur Hiroshima - a entraîné ce jour-là des pluies noires au Portugal et au Japon. En tout, l'armée française a procédé à 4 essais aériens et 13 autres souterrains dont le dernier en février 1966. Mais, selon d'autres versions, des expériences ont eu lieu clandestinement. On parle d'au moins une quarantaine sur le site de Hamoudia près de Reggane. Officiellement, la France reconnaît 210 essais nucléaires français - dont une cinquantaine en atmosphère - réalisés dans le Sahara algérien entre 1960 et 1966 puis en Polynésie française, sur les atolls de Mururoa et Fangataufa, entre 1966 et 1996.