Hugo Chavez, président du Venezuela, veut-il faire un pied de nez aux Etats-Unis, dans sa guerre permanente au Satan américain, en allant chercher des alliances dans le front politique le plus opposé à l'hégémonisme US en Amérique latine ? La tournée qu'il effectue actuellement, et qui l'a déjà conduit en Libye, en Algérie, puis à Damas, Téhéran et Moscou est de celles qui ne trompent pas. Chavez a bel et bien déclaré une guerre particulière aux Etats-Unis, un voisin assez encombrant pour la révolution bolivarienne que Chavez entend exporter au sein de plusieurs régions du monde. Les indices ne trompent pas : juste après la conclusion d'un accord militaire, dénoncé avec force par Caracas, entre Washington et Bogota, portant sur la constitution de bases militaires US dans ce pays d'Amérique du Sud, le président du Venezuela prend son bâton de pèlerin et va pique-niquer dans certains pays connus pour ne pas être vraiment amis de Washington. Avec l'Algérie, Chavez veut surtout développer le créneau énergétique, et lance l'idée d'une grande coopération entre Sonatarch et le groupe pétrolier Venezuelien PDVSA, au sein duquel travaillent des ingénieurs algériens d'ailleurs. Et, là dessus, 'Chavi'', comme l'appellent ses partisans et le 'petit peuple'' des favelas de Caracas, affirme lors de sa visite mercredi à Alger, 'la volonté de l'Algérie et du Venezuela de renforcer leurs relations bilatérales dans tous les domaines. «Nous voulons renforcer les liens économiques, commerciaux, énergétiques et technologiques et les élever au niveau de nos excellentes relations politiques», a-t-il dit. Il poursuit : 'J'ai proposé au président Bouteflika de faire en sorte que la société algérienne des hydrocarbures (Sonatrach) participe à la production de pétrole avec son homologue du Venezuela», avant de lancer l'idée d'un vaste chantier : la production collective de GNL et son exportation vers le marché européen, très consommateur et demandeur de ce type d'énergie propre, facile à recycler et présentant l'avantage de leur coûts bas et son exploitation autant industriel que domestique. L'idée de Chavez est que l'Algérie, un des premiers pays producteurs de GNL dans le monde, s'associe avec Caracas pour constituer une sorte de monopole régional pour la production, le transport et la commercialisation du GNL. Sonatrach, en vertu d'accords antérieurs avec PDVSA, la société pétrolière venezuelienne, a déjà un pied dans ce pays, et un autre en Amérique latine. La proposition de Chavez de renforcer la coopération énergétique entre AlgerCaracas a des profondeurs politiques très lointaines, et donnent un aperçu de la stratégie du président du Venezuela : fédérer plusieurs pays producteurs de pétrole et de gaz du Sud et des pays non alignés, avec l'appui de Moscou, un des plus grands producteurs mondiaux de pétrole, pour constituer un front politique dur pouvant rivaliser, sinon négocier d'égal à égal, avec les Etats-Unis dans les dossiers lourds de la politique internationale. Le choix de l'escale de Téhéran, pays membre de l'OPEP, puissance militaire régionale et accablé par les attaques en tout genre des Etats-Unis qui cherchent à l'affaiblir depuis des dizaines d'années, depuis la chute du Chah, notamment avec un drastique embargo économique, n'est pas fortuit. Car entre l'Iran, et les Etats-Unis, via Israël, le temps n'est pas au beau-fixe. Avec l'appui de l'Europe communautaire et sous l'insistance d'Israël, les Etats-Unis, notamment sous le règne des démocrates, accusent ouvertement Téhéran de vouloir construire une bombe atomique. Chavez, un militaire, est par ailleurs favorable à un véritable rapprochement entre l'Afrique à travers l'Union africaine et les pays d'Amérique latine, et le sommet de la fin du mois de septembre au Venezuela est une réponse aux questionnements quant à la volonté de Chavez de provoquer un autre chamboulement politique interrégional pour faire contrepoids à l'hégémonisme américain dans le monde. Est-ce donc une surprise si Chavez fera de l'escale moscovite le point fort de sa tournée, ainsi qu'en Biélorussie, deux pays forts militairement et dotés d'un puissant complexe militaro-industriel. Et l'arrivée de 'la bête noire'' en Amérique latine des Etats-Unis à Moscou n'est pas forcément vu d'un bon oeil à Washington. «Cette visite a pour but de resserrer les liens énergétiques et militaires avec ces pays», avait-il déclaré dimanche avant son départ de Caracas pour une tournée de 11 jours. Outre la coopération énergétique, la coopération militaire russo-vénézuélienne «se fondait sur des principes foncièrement différents de ceux qui président à la coopération entre la Colombie et les Etats-Unis», affirme Chavez, dans un message clair à Washington et son souhait d'établir des bases en Colombie, près du Venezuela. «Ces derniers temps, on a tenté de mettre sur le même plan le déploiement de bases américaines en Colombie et notre coopération avec Moscou. Or, il s'agit de choses tout à fait différentes. Est-ce que la Russie a des velléités hégémoniques sur le continent latino-américain ?», s'est-il interrogé, comme pour rappeler aux stratégistes militaires US de bien mauvais souvenirs dans cette partie du monde. Quant à l'Algérie, elle n'est guère opposée, bien au contraire, à ce dynamisme politique de l'actuel représentant et défenseur de la révolution bolivarienne, devenu aujourd'hui un cauchemar politique pour les Etats-Unis, puisqu'il a réussi à faire rallier à sa cause plusieurs petits pays latino-américains riches en ressources minières, des friandises économiques qui ont toujours fait tourner la tête aux Américains.