En informant, dès le lundi dernier, l'Agence internationale de l'énergie atomique de l'existence d'une nouvelle usine d'enrichissement d'uranium à Qom, l'Iran a atténué le grand coup de «com» prévu par les Occidentaux, destiné à démontrer les «intentions malignes» de Téhéran. Les positions restent les mêmes. Les Iraniens s'en tiennent à une lecture stricte du TNP (Traité de non-prolifération nucléaire) qui n'interdit pas les activités d'enrichissement de l'uranium. L'Iran note que l'AIEA a été informée 18 mois avant l'entrée en activité de l'usine, bien plus tôt que les six mois prévus par les règles de l'agence. L'Iran entend soumettre l'installation à l'inspection de l'AIEA, voire à la mettre sous supervision. En face, les Occidentaux veulent que l'Iran et tous les autres pays «non civilisés» et «suspects» - dont le nôtre - renoncent aux droits prévus par le TNP car les travaux d'enrichissement «pourraient» servir à acquérir la bombe. Un dialogue de sourds s'est durablement installé. Le coup de com mené à Pittsburgh a eu des effets mitigés. Il fait partie de la pression politico-médiatique à la veille de la rencontre, le 1er octobre prochain à Genève, entre l'Iran et les «5+1» (membres permanents du Conseil de sécurité et l'Allemagne). Par contre - et c'est sans doute le plus important -, on assiste à un début d'alignement de Moscou sur les Etats-Unis. Le président russe, Dmitri Medvedev, a estimé, après une rencontre avec Barack Obama, «que dans certains cas, le recours aux sanctions est inévitable». C'est un avertissement clair à l'Iran. Moscou répond ainsi au geste de Barack Obama de renoncer au déploiement d'un système antimissile en Pologne et en Tchéquie en se mettant sur la même piste que les Occidentaux. Si cette tendance à l'alignement se confirme, il ne restera plus que la Chine à convaincre de renoncer à son opposition aux sanctions. Ce qu'il faut retenir est que les sanctions économiques sont bien le maximum de ce qui pourrait être fait. Elles seront durement ressenties par l'Iran, mais elles peuvent aussi servir de ferment à une nouvelle remobilisation nationaliste autour du régime. Israël, qui cherche à détourner l'attention, veut lancer une attaque. Mais les Américains savent qu'ils en seront tenus pour responsables et que cela fera exploser la région. Une telle attaque est d'autant plus risquée que son efficacité est très contestable. Le secrétaire d'Etat américain à la Défense, Robert Gates, a livré un avis de «technicien» en indiquant qu'une attaque ne ferait, au mieux, que retarder l'échéance de deux ou trois ans. Les Iraniens disent de mille et une manières que la bombe atomique est «immorale» et «criminelle» mais que toutes les nations ont le droit d'accéder à l'énergie nucléaire. Une attaque militaire amènerait les dirigeants iraniens à changer d'attitude sur les armes nucléaires. Ils pourraient tirer la conclusion que la seule manière de sanctuariser leur pays est de posséder l'arme de dissuasion. Si une attaque militaire n'est pas efficace, la seule «option» pour les Américains sera d'essayer d'occuper militairement l'Iran, comme ils l'ont fait en Irak. Une entreprise vouée à l'échec quand on voit l'embourbement des Etats-Unis et de l'Otan face aux talibans en Afghanistan. Les Occidentaux ont peu de chance d'être écoutés par Téhéran s'ils continuent à faire les sourds à ses propres exigences en matière de sécurité et de ses droits d'acquérir le savoir.