L'onde de choc de la déroute des «pharaons» à Omdurman n'en est qu'à ses débuts sur les rives du Nil. Pour l'immédiat, les autorités et médias égyptiens en contiennent les premières secousses en orientant la frustration et le ressentiment populaire provoqué par cette défaite sur «l'ennemi algérien», peuple et gouvernement. La crise diplomatique ouverte avec notre pays par Moubarak et ses exécutants sous de fallacieux et mensongers prétextes sert à cette fin. Mais leur tentative de détourner la colère de la rue égyptienne ne fonctionnera pas indéfiniment. D'autant que Bouteflika et la diplomatie algérienne ne tomberont pas dans la naïveté qui consisterait à réagir à l'agitation officielle égyptienne contre notre pays par une surenchère dans les décisions et déclarations inconsidérées. Ce serait rendre service au dictateur du Caire en le suivant sur ce terrain. Avec la crise diplomatique qu'elles ont créée de toutes pièces, les autorités égyptiennes cherchent à retarder le moment inéluctable et lourd de menaces pour le régime, quand la rue égyptienne, fatiguée de vitupérer contre les Algériens, se mettra à décrypter avec d'autres grilles son comportement et celui du pouvoir égyptien durant ces semaines qui ont précédé la déroute de ses «pharaons». Nul doute que la prise de conscience populaire qui en découlera sera froidement dévastatrice pour Moubarak et ceux qui ont été les instruments de son machiavélisme. C'est une tout autre onde de choc qui est en train de déferler sur notre pays depuis les ignobles évènements qui sont intervenus à l'occasion du match du Caire. Onde amplifiée par l'humiliation infligée à Omdurman au onze égyptien par notre héroïque équipe nationale. Jamais depuis longtemps l'Algérie n'a en effet été dans la ferveur patriotique et l'union sacrée telle celle dont elle fait la démonstration aujourd'hui. Quelque part, il nous faut être reconnaissants à Moubarak, aux Egyptiens et à leurs médias d'avoir provoqué notre fierté nationale et de nous avoir ainsi obligés à revenir à ce qui a toujours fait la grandeur et la spécificité de notre peuple et de notre nation. Osons et disons-le : notre équipe nationale de football est à l'origine de la véritable réconciliation des Algériens avec eux-mêmes, ce que la politique ne parvenait pas à réaliser en dix ans de temps. La seule question qui se pose dans le pays, c'est celle de savoir comment et à quelle fin le pouvoir politique va canaliser et exploiter cette dynamique. Tout est possible, le meilleur et le pire avec cette union patriotique dont nos «fennecs» ont été les catalyseurs. Est-il désormais possible, imaginable, après les campagnes du Caire et de Khartoum, de continuer à gouverner le peuple algérien en le maintenant à la marge et en persistant à le confiner dans un statut de minorat par lequel lui est dénié son rôle souverain ? Ce serait la pire des tentations parce que au bout se produirait alors l'irréparable.