Deux ans après la décision de Sonatrach de dénoncer le contrat sur Gassi Touil avec le consortium espagnol constitué par les entreprises Repsol et Gas Natural, le tribunal international d'arbitrage, basé à Genève en Suisse, a tranché vendredi: le contrat est annulé et il ne donnera lieu à aucune indemnisation. Ni de la part de Sonatrach à qui les deux entreprises espagnoles réclamaient la bagatelle de 1,6 milliard d'euros, ni de la part de Respsol et Gas Natural à qui l'entreprise publique algérienne demandait 800 millions de dollars à titre de compensation pour les retards de réalisation du projet. Le tribunal d'arbitrage a déclaré «terminé le contrat en question conformément à ses clauses, sans obliger aucune des parties à indemniser l'autre comme conséquence de la fin de ce contrat», selon un communiqué de Gas Natural et Repsol qui ont informé la Commission nationale espagnole du marché des valeurs (CNMV). Sur le fond, Sonatrach trouve une confirmation du bien-fondé de sa décision de rompre le contrat après l'accumulation des retards dans la réalisation du projet par les entreprises espagnoles. La rupture du contrat a été décidée à la suite d'un «fiasco industriel», selon Sonatrach. Le consortium espagnol et une partie de la presse ibérique avaient tendance à l'attribuer à des considérations politiques. Même le journal français «les Echos» avait évoqué à l'époque, trop facilement, une «forte odeur politique» de la décision de Sonatrach. La droite espagnole avait laissé entendre que l'annulation du contrat était liée au changement de la politique du gouvernement espagnol sur la question du Sahara Occidental et l'accusait de «mollesse» dans la défense des intérêts des entreprises espagnoles et aussi de mener une politique étrangère désastreuse. «Jugement de Salomon» Le gouvernement espagnol rejetait l'idée que le contentieux entre Sonatrach et les entreprises Repsol - Gas Natural soit de nature politique. Le ministre espagnol de l'Industrie, Joan Clos, faisait valoir qu'il n'était pas question de remettre en cause les «bonnes relations» entre Alger et Madrid pour un «différend entre entreprises» en soulignant que l'investissement espagnol en Algérie est «important» et qu'il n'est pas limité au secteur de l'énergie. La décision d'arbitrage solde très clairement cette prétendue «dimension politique» à l'affaire du contrat de Gassi Touil. Si Sonatrach gagne sur ce point, important en termes d'image, elle n'a pas eu gain de cause sur toute la ligne. Sa demande de compensation de 800 millions de dollars au titre du préjudice subi du fait du retard de la réalisation du projet de Gassi Touil n'a pas été avalisée par la cour arbitrale. Le projet de la liquéfaction de Gassi Touil, lancé en 2004, devait entrer en production en 2009 avec un investissement de 2,3 milliards de dollars. L'échéance de 2009 devenant impossible à réaliser, Sonatrach a décidé de rompre le contrat et de mener le projet par ses propres moyens. Il faut ajouter que le contrat accordé aux Espagnols en 2004 était dans l'esprit de l'ouverture du secteur des hydrocarbures prôné par la fameuse loi sur les hydrocarbures qui avait été par la suite ré-amendée. Le consortium espagnol disposait en effet de la majorité, chose désormais impossible. En échouant à réaliser le projet, le consortium espagnol n'a pas profité de la largesse octroyée à l'époque et a poussé Sonatrach à reprendre la main. L'entreprise nationale d'hydrocarbures qui comptait sur le projet intégré de Gassi Touil pour porter ses capacités d'exportation à 85 milliards de m3 en 2010 a été obligée de décaler ses prévisions. L'entrée en production de Gassi Touil n'aura pas lieu avant 2012 voire 2013... Un autre contentieux au tribunal d'arbitrage de Paris C'est donc un «ni-ni» qui a été décidé, ce qui a poussé un journal espagnol à conclure que le tribunal arbitral a prononcé un «jugement de Salomon». La cour a, en effet, rejeté les demandes des parties tout en prononçant leur divorce définitif sur le projet de Gassi Touil. Il reviendra à Sonatrach, selon la décision, de racheter les parts des deux compagnies espagnoles dans le projet pour un montant non précisé. Repsol devra passer par pertes et profits quelque 105 millions d'euros investis, ceux de Gas Natural seraient de 60 millions d'euros. Un autre contentieux entre Sonatrach et Gas Natural sur le prix du gaz est soumis au tribunal d'arbitrage de Paris. Les deux parties interprètent de manière différente la «clause de flexibilité» des prix du gaz algérien exporté vers l'Espagne via le Maroc et contenue dans les contrats signés en 1995.