Rien ne semble pouvoir empêcher le vieux parti de dicter les règles du jeu. L'amendement de la Constitution, cheval de bataille du FLN, parti majoritaire au Parlement reste le sujet central qui focalise le débat politique dans les travées des états-majors des partis et les microcosmes politiques de la place d'Alger. Chacun y va de sa propre analyse. Maintenant que Belkhadem est intronisé à la tête de l'Exécutif rien ne semble pouvoir empêcher ce parti de dérouler sa stratégie au grand jour. Maîtres du jeu, les partisans du président mettent le cap sur la prochaine échéance n'en déplaise aux détracteurs. La position ferme du nouveau chef de l'Exécutif et de son parti pour l'instauration d'un régime présidentiel fort ne fléchit pas. Malgré les avis contradictoires des membres de la coalition en charge des affaires du pays, la période de lune de miel entre le trio qui a porté à bras-le-corps le projet de réconciliation nationale est véritablement consommée. Reste à sauver les apparences comme tente de le faire le chef de file du RND Ahmed Ouyahia, qui n'a soufflé mot sur les raisons de son éviction et a pris avec philosophie sa mise à l'écart. Rompu à l'exercice difficile de commis de l'Etat, il dit qu'il a appris à connaître la voie menant au sommet des institutions étatiques dans les deux sens. Laissant ainsi planer le spectre d'un éventuel retour aux affaires. La politique n'est-elle pas l'art du possible? La Constitution est donc la pomme de discorde entre les alliés qui ont porté très haut l'étendard du projet de sortie de crise du président. Le MSP voit, déjà, d'un mauvais oeil la mainmise du FLN sur la nouvelle Constitution. Son leader a même mis en garde son frère (ennemi?) en exprimant publiquement son opposition à une Constitution version FLN, emboîtant le pas au RND qui a déjà payé le prix de sa résistance. Le parti de Belkhadem retrouve une énergie qu'on croyait tarie à jamais. La redoutable machine politique et électorale a déjà préparé une mouture du projet de la nouvelle Constitution qu'elle entend soumettre à l'approbation de son instance exécutive avant la fin du mois. Faisant fi des mises en garde des uns et des réticences des autres, le FLN prend le jeu à son compte et commence à en dicter les règles. Comme au bon vieux temps. Mais en encourant un grand risque: faire le vide autour de lui et se mettre l'ensemble de la classe politique sur le dos. Un risque qui peut mettre en péril les équilibres encore fragiles du pays. Car il n'est pas évident que la classe politique dans sa diversité puisse passer sous silence cette «initiative» qui pousse le pays vers des horizons inconnus. Entre un régime présidentiel fort, balisé par plus de prérogatives accordées au Parlement en termes de pouvoir de contrôle et un pouvoir sans limites, aussi constitutionnel soit-il, la ligne de démarcation est infiniment rétrécie. Cette alternative politique a peu de chances de pouvoir se concrétiser aux yeux mêmes des architectes de la ligne politique du FLN sans causer des dommages collatéraux dont le pays ne peut faire les frais . Les partisans du président qui ont réussi jusque-là à mettre en pratique leurs projets en préparant le terrain à une Constitution à la mesure des ambitions du FLN manquent vraisemblablement d'arguments pour convaincre les uns et les autres des bonnes intentions prêtées à la nouvelle Constitution. Si les amendements apportés au premier texte législatif du pays en 1999 répondent à l'impératif changement de régime politique, violemment exprimé par la vox-populi, une année auparavant, et ceux de 1996 aux exigences de la réalité politique du pays, menacé par l'effondrement dans sa structure républicaine, ceux de 2007 qui ne sont d'ailleurs pas encore connus ne peuvent prêter à un quelconque consensus. Même du côté de l'état-major du FLN, on compte sur un éventuel appui des politiques de l'ex-FIS qui semblent déjà décidés à rompre leur exil et plus essentiellement sur une base convoitée aussi bien par le FLN que par les autres partis islamistes en activité. Ce scénario qui n'a rien de surréaliste est possible dans la mesure où le RND n'a pas encore dit son dernier mot. Lui et tous ceux qui voient d'un mauvais oeil la résurgence d'un parti qui a à son actif une longue «expérience» dans l'exercice du pouvoir. Quant aux partis dits démocrates, c'est sûr qu'ils battront le rappel des troupes pour stopper ce nouveau redéploiement qui menacerait directement leur projet de faire de l'Algérie moderniste une réalité réalisable. De quoi leur redonner ce second souffle tant attendu. Et surtout de saisir au vol cette chance de revenir au devant de la scène politique qu'ils ont désertée par la force de leur impuissance à suivre le rythme imposé par le FLN que bien des experts, en matière de prospective politique n'ont pas hésité, à un moment donné, à lui prédire une place de choix dans un musée. Pour toutes ces raisons, le Front est décidé à monter au créneau pour prendre sa petite revanche.