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La disparition du Bâtonnier Tayeb Nimour: Hommage à un ami et confrère décédé prématurément
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 02 - 01 - 2010

Souvent le hasard ou la destinée veulent que les prénoms choisis par les parents à la naissance de leurs progénitures reflètent le comportement futur de ces prénommés. Aussi le prénom arabe de Tayeb peut se traduire en français: pour rendre agréable, embaumer, parfumer, aromatiser, calmer ou apaiser l'esprit de quelqu'un...
Ces qualificatifs résument parfaitement la vie de celui qui fut un patriote dès son jeune âge et un juriste hors pair, en l'occurrence le Bâtonnier Tayeb Nimour, décédé le vendredi 25/12/09 à Oran à l'âge de 79 ans enterré le 26/12/09 dans son village natal Ouizert, à 30 km au sud de Mascara.
Fils d'un père fonctionnaire, Tayeb Nimour vécut dans plusieurs villes de l'Oranie au gré des mutations de ce père. C'est ainsi qu'il passa sa première enfance à Saïda, Mascara et son adolescence à Oran où il acheva ses études secondaires.
Dès la fin de la Seconde Guerre mondiale en 1945, il habite Oran et poursuit son cursus scolaire, d'abord au Collège Ardaillon (Lycée Ibn Badis actuellement) puis au Lycée Lamoricière (actuellement Lycée Pasteur). En marge de ses études, il côtoie le scoutisme, et suit les cours de la Médersa d'Oran El-Falah, de l'Association des Oulamas Algériens, dans laquelle un esprit nouveau de renaissance et de libération de l'individu se fait jour. Les jeunes de cette époque sont «happés» par la politique car la fin de la guerre (39-45) sur la nazisme et le fascisme a transformé les mentalités et poussé les peuples à secouer le joug colonialiste et à aspirer à la liberté pour laquelle certains des aînés y ont contribué, pour sa sauvegarde sur les champs de batailles d'Europe.
A la fin de ses études secondaires, il part dès le début des années 50 s'inscrire à la faculté de Droit de Dijon (France). Au déclenchement de la Révolution du 1er Novembre 1954, il débutait sur place son stage d'avocat tout en s'insérant dans les premières cellules FLN en France.
En 1958, sur instructions de l'Organisation du FLN de France et pour éviter une arrestation certaine, il rejoint le Maroc où, tout en exerçant à Casablanca sa profession, milite au sein du Département de l'information et de la propagande du G.P.R.A. Il participe régulièrement aux colloques internationaux sur la question algérienne alors en vogue à cette époque.
Dans le livre: «Avocats sans frontières» de l'avocat belge Me Serge Moureaux, préfacé par Maître Ali Haroun, ancien ministre, et édité par les éditions Casbah en 2000 à Alger, Tayeb Nimour figure, à côté des Mtres Bedjaoui et Bendi Mered dans la délégation algérienne à un colloque international tenu à Bruxelles en 1960 pour organiser la défense des patriotes algériens détenus en France ou ailleurs, et ce, en présence d'avocats venus de France, de Belgique, d'Italie, du Maroc, du Royaume-Uni et de Suisse. Il participera également à des colloques de juristes à Budapest (Hongrie) et en Chine pour le triomphe de la cause de l'Algérie en guerre.
A l'indépendance de l'Algérie en 1962, il est nommé Chef de Cabinet du 1er ministre de la Jeunesse et des Sports qui n'est autre que l'actuel président de la République Mr Abdelaziz Bouteflika. En 1964, à l'occasion d'un remaniement ministériel, il quitte la fonction publique, reprend sa profession de toujours qui est aussi sa vocation première, et s'inscrit au Barreau d'Oran. Grâce à ses compétences juridiques avérées et à son entregent, il est élu par ses pairs dans les années 1970 pour un mandat de 6 ans Bâtonnier Régional d'Oran puis Bâtonnier National.
Tayeb Nimour est un intellectuel algérien de grande culture, qui, lors des discussions ou interventions, donnait des avis et points de vue d'une haute tenue philosophique et de sagesse. C'était un humaniste à l'image des anciens.
C'est ainsi qu'il fut membre du G.R.I.C. (Groupe de Réflexion Islam Chrétienté) pour promouvoir le dialogue des cultures et le triomphe des idées d'amour, de solidarité entre les hommes.
Rigoureux dans son travail d'avocat comme dans son comportement quotidien, Tayeb Nimour, comme son prénom, était un juste dans le sens noble du terme. C'est une espèce humaine en voie de disparition.
C'est son rayonnement d'humaniste qui fait que lors de son enterrement, la présence de Mgr Teissier ex-archevêque d'Alger et d'autres prêtres à côté de ses nombreux amis de plusieurs wilayas de l'Oranie.
Tayeb est mort mais son esprit de tolérance et d'amour des autres restera à jamais au sein de ses amis comme il le restera dans la mémoire des avocats qui l'ont côtoyé ou connu.
Avec sa disparition, quoique prématurément, Tayeb, au prénom prédestiné, a contribué à la libération de l'Algérie sans en faire état et sans gloriole pour en tirer un quelconque privilège. Il est mort dans l'anonymat du Pouvoir et c'est son grand mérite car l'Histoire jugera les uns et les autres.
Adieu cher ami et confrère, tu as été un précurseur dans ton entourage pour les idées humanistes, fraternelles, et un rassembleur car tu étais généreux, ayant toujours eu en esprit dans ta conduite, la défense de la veuve et de l'orphelin la devise de ta profession.
*Avocat à Oran


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