Ce vendredi, la circulation était très fluide sur les routes de notre ville. En une heure de balade, on ne pouvait croiser en tout et pour tout qu'une dizaine de voitures sur les routes qu'on a pu emprunter. Quant aux piétons, ils étaient encore plus rares. A croire qu'on était un jour de vote, il y a vingt ans. Et tous ceux qu'on rencontrait, bravant les éléments, étaient emmitouflés dans des habits chauds, avec des bonnets et des gants, ou carrément des djellabas. Et on ne pouvait pas entrevoir leurs visages : ils marchaient courbés en avant, essayant d'adopter une forme aérodynamique pour lutter contre les vents violents, la pluie, la grêle et la neige. Beaucoup avaient «sauté» la prière du vendredi, préférant l'accomplir bien au chaud, sous une tonne de couvertures. Enfin, surtout pour ceux qui n'ont pas le chauffage. Quant aux menus dans les chaumières, il n'était pas sorcier de les deviner : loubia à l'osbane, bercoukès, h'rira ou chorba bien épicée : tous les plats bien de chez nous qui font transpirer et aident donc à lutter contre le froid cuisant de ces dernières 48 heures. Kader, gros et gras, n'était pas un amateur de balades dans le froid, encore moins quand il fait chaud, car il transpire comme un phoque. Ce jour-là, le thermomètre n'était jamais descendu aussi bas. A son réveil et après une visite aux sanitaires, il décida de rester au lit durant toute la journée, quoi qu'il arrive. Il prit son petit déjeuner au lit, se goinfrant jusqu'au cou. Au déjeuner, il avala une dizaine de bols de bercoukès très épicés, quelques plats de loubia avec ou sans osbane, utilisant pour ce faire une bonne demi-douzaine de baguettes, arrosant le tout de quelques litres de l'ben. La température monta ostensiblement sous les couvertures où il s'était réfugié. En fait, elle monta tellement et le pauvre sua tellement qu'il finit par s'évanouir et personne ne put le réveiller. On l'emmena à l'hôpital où il frôla le coma et on a dû, pour le réveiller - et lui sauver la vie - lui faire un lavage d'estomac. Ils se sont mis à plusieurs pour le purger. Quand il se réveilla, il avait froid, mais il avait, surtout, faim ! Comme quoi, le froid peut tuer !