De très violentes explosions dans le quartier sur-sécurisé de Abou Nouas, là où se situent les hôtels Méridien-Palestine et Sheraton-Ishtar, viennent rappeler à ceux qui l'ont oublié que la situation en Irak est toujours violemment instable. Il est vrai que le pays «des deux fleuves» ne fait plus la une des journaux, ayant été remplacé par l'Afghanistan comme théâtre principal de la confrontation entre l'Axe du Bien et ses ennemis civilisationnels. Pourtant, les attentats continuent à un rythme soutenu, visant des édifices gouvernementaux, y compris ceux situés dans la fameuse Zone verte, périmètre fortifié au centre de la capitale irakienne. Les explosions très puissantes ont visé hier un quartier d'hôtels fréquentés par les journalistes étrangers et les hommes d'affaires en visite à Baghdad. La médiatisation de ces actes semblant ainsi l'un des objectifs recherchés par les planificateurs de ces attaques, qui coïncident avec l'annonce de la pendaison de Ali Hassan El-Madjid, « Ali le Chimique», l'un des dignitaires du régime défunt de Saddam Hussein. Mais les Irakiens eux-mêmes préfèrent effectuer la relation avec le rejet de la candidature aux élections générales du 7 mars de plusieurs centaines de personnes soupçonnées de sympathies baathistes. Appartenant pour l'essentiel à la communauté sunnite, ces personnalités ont été retoquées par une «Commission suprême pour la responsabilité et la justice», au statut incertain, mais dépendant politiquement du gouvernement de Nouri El-Maliki, une individualité sans grande envergure dont les orientations et l'action politique sont fondamentalement sectaires. Cette commission est dirigée par une personnalité trouble, Ahmad Chalabi, ancien homme lige du proconsul néoconservateur Paul Bremer et de l'administration Bush, avant d'être renvoyé pour collusion avec des intérêts étrangers et accusé surtout de travailler de manière trop voyante à son enrichissement personnel. Le retrait américain, qui devrait être finalisé en 2011, est ainsi compromis par ceux-là mêmes que les envahisseurs civilisés ont successivement portés au pouvoir. Les initiatives d'Ahmad Chalabi et de Nouri El-Maliki, qui bénéficie du soutien de plusieurs groupes chiites, interviennent au grand dam des stratèges de l'armée US qui souhaiteraient reporter l'effort militaire sur l'Afghanistan. Les dirigeants américains se souviennent parfaitement que la guerre civile, dont ils portent directement la sanglante responsabilité, a été largement nourrie par les conditions dans lesquelles se sont déroulées les premières élections en 2003. Des discussions avec les dirigeants baathistes réfugiés en Jordanie et en Turquie sont d'ailleurs menées par des représentants de l'administration Obama pour éviter un boycott sunnite des élections. L'intensification des actions violentes aurait des conséquences non seulement sur la validité du processus politique mais pourrait, en précipitant le démembrement de facto du pays, retarder le départ des troupes d'occupation, hypothèse que les occupants américains se refusent à admettre. Le chef de l'Etat, Jalal Talabani, personnalité «neutre» - il est Kurde -, a saisi jeudi dernier la Cour suprême du pays à la demande de Washington afin d'établir la légalité de la Commission responsabilité et justice. Comme les trois coups qui signalent le début d'une pièce de théâtre, ces trois attentats annonceraient-ils un nouvel acte dans le processus de dislocation violente en Irak ?