Ouverture de l'année judiciaire dans les wilayas du centre: réformer pour accompagner les mutations sociales    Education : "L'utilisation des technologies modernes dans l'enseignement de l'histoire de l'Algérie", thème d'une conférence à Alger    Le recteur de Djamaâ El-Djazaïr appelle à tirer des enseignements de la Révolution de libération pour relever les défis actuels    La "Science ouverte", thème d'un atelier à Alger    Fédération algérienne des sports mécaniques: l'AGO le 1 décembre, l'AGE le 8 décembre    Belmehdi donne le coup d'envoi de la 2e session de formation des membres du jury des concours coraniques    Clôture de la campagne nationale de sensibilisation au dépistage précoce du cancer de la prostate    Cancer du poumon : ouverture d'une consultation d'aide au sevrage tabagique au CHU de Beni-Messous    CHAN-2025 : la Tunisie renonce à sa participation (FTF)    L'Algérie attachée au renforcement du partenariat et de l'intégration en Afrique    Mouloudji reçoit le président de l'ONSC    Sport/Jeux Africains militaires-2024: l'Algérie ajoute à sa moisson trois médailles d'or en judo et une en volleyball    Tenue de la 3e édition du salon Sinaa Expo et de la 6e édition de Secura North Africa du 3 au 5 décembre à Alger    Ghaza: 2.500 enfants palestiniens ont besoin d'une évacuation médicale    "Dar Essanâa", un nouvel espace culturel dédié aux arts et l'artisanat inauguré à Alger    Opep+: la prochaine réunion ministérielle reportée au 5 décembre    La communauté internationale appelée à assumer ses responsabilités envers le peuple palestinien    Le Vietnam réaffirme son soutien à la Palestine dans sa lutte pour l'indépendance et la liberté    Place de l'Europe et de l'Algérie au sein de l'économie mondiale    Le Général d'Armée Chanegriha se rend à l'exposition des hydrocarbures et du gaz et à la 15e Brigade blindée au Koweït    Le nouveau wali rencontre la presse nationale    L'UNPA distingue le président de la République    «La situation est catastrophique à Gaza»    Le wali inspecte les chantiers de logements    Un infatigable défenseur du droit international et de la cause palestinienne    Attaf appelle à des actions « osées » pour sauver le multilatéralisme mondial    Les prix du litre d'huile d'olive flambent    Trois membres d'une même famille sauvés d'une mort par asphyxie à Oued Rhiou    Journée d'étude organisée pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes    Ligue 1 Mobilis : un match à huis clos pour l'ES Mostaganem    ASMO-USMBA et WAM-RR, têtes d'affiches du dernier tour régional    Le MCA réussit sa sortie contrairement au CRB    Ouverture de la 4e édition en hommage à Noureddine Saoudi    Le MET numérise ses publications    Le 8e Festival international de l'art contemporain s'ouvre à Alger    Vers le renforcement des relations militaires entre l'Algérie et le Koweït    L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    Pôle urbain Ahmed Zabana: Ouverture prochaine d'une classe pour enfants trisomiques    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



La guerre vue de l'hôtel Palestine
Les six derniers jours de bagdad (IV)
Publié dans Liberté le 17 - 04 - 2003

En investissant notre chambre, nous nous engouffrons dans un noir opaque. La direction de l'hôtel a mis juste une petite lanterne dans chaque chambre pour un éclairage minimum.
Un taxi ou plutôt un clando — comme il en pullule en temps de guerre — nous dépose au centre international de presse aménagé à l'hôtel Palestine. L'hôtel grouille de journalistes, une vraie fourmilière qui parle toutes les langues. Nous sommes d'emblée fascinés par l'impressionnante armada médiatique déployée pour couvrir l'événement.
Des tonnes et des tonnes de matériel ont été mobilisées par les chaînes de télévision de par le monde, tant et si bien que vous ne pouvez pas faire un pas sans marcher sur un câble ou avoir un projo en plein dans la figure.
Nous gagnons les bureaux du ministère de l'Information. Une permanence ouverte h 24 a été installée dans le hall de l'hôtel. Les responsables irakiens nous signifient que l'on devait de toute urgence nous faire accréditer.
“Repassez demain avec une photo et 10 dollars chacun”, nous dit-on.
Nous quittons l'hôtel Palestine pour nous trouver un endroit à la portée de nos moyens.
En longeant la rue Al-Saâdoune, au centre de Bagdad, nous réalisons au bout de quelques mètres à quel point il est difficile de se mouvoir dans cette ville-goulag.
Nous n'avions pas fait cent mètres qu'un pick-up de la police freine sec à notre hauteur. Des flics en civil en jaillissent et foncent sur nous. “Aâtini houiatak !” (donnez-moi vos papiers d'identité), nous intime l'un d'eux, sur un ton sévère. Nous nous répandons en salamalecs et explications et l'officier finit par nous rendre nos papiers. Une vingtaine de mètres plus loin, nous passons devant une escouade de miliciens du parti Baâth : “Vous êtes d'où ? Qu'est-ce qui vous prend à traîner comme ça ? Où est-ce que vous allez ?” Nous leur expliquons de nouveau la situation. “Marhaba bi ahl El-Djazayer !”, disent-ils avant de nous relâcher.
“Vous ne devez pas quitter le Palestine”
Au troisième barrage, les choses se gâtent. Une voiture de police, de marque américaine (les sirènes de la police à Bagdad sont d'ailleurs pareilles à celles des films américains), nous intercepte. Un gaillard en uniforme, armé jusqu'aux dents, surgit du noir et nous soumet à un véritable interrogatoire. Nous avions beau lui expliquer que nous venions de faire vingt-deux heures de route, que nous avions passé une nuit blanche, que nous étions juste à la recherche d'un petit hôtel où passer la nuit, l'homme se braque. “Nous sommes en guerre, monsieur, vous n'avez pas le droit de circuler à votre guise. Les instructions sont claires. Vous ne devez pas quitter l'hôtel Palestine !” Il nous embarque dans la voiture non sans nous encombrer avec son énorme kalachnikov. L'homme nous conduit manu militari à l'hôtel Palestine et donne notre signalement à qui de droit. Les Irakiens finissent par nous trouver une chambre au moment où la direction de l'hôtel nous assurait qu'il n'y avait pas un seul lit de disponible tant l'établissement était accaparé par les journalistes et les familles de certaines pontes du régime. En somme, dans tout Bagdad, les seuls espaces sécurisés étaient l'hôtel Palestine et un autre 5 étoiles qui lui fait face, le Sheraton-Ishtar. Les deux palaces abritent tout le personnel journalistique et autres ONG humanitaires. Tout est concentré ici : officiels, boucliers humains, MSF, CICR… Une aubaine pour nous, puisque nous n'avons pas à nous perdre dans les dédales de Bagdad pour trouver tel ou tel interlocuteur. A notre tour donc de nous fondre dans ce microcosme. Le hall de l'hôtel Palestine ne désemplit pas de visiteurs de tout acabit. Il ne se passe pas une seconde sans que quelqu'un ou quelque chose n'arrive. Sur quatre mètres carrés sont concentrés plusieurs services. Pour cause, le ministère irakien de l'Information a misé lourd sur les médias. Aussi, a-t-il tout mis à la disposition des journalistes : téléphones, fax, salles Internet, une salle pour des conférences de presse “à domicile”, un télex de l'agence officielle INA, etc. Hélas, à notre déception, nous apprendrons vite que tout ce beau dispositif est inopérant, l'aviation américaine ayant détruit toutes les infrastructures de télécommunication du pays.
En investissant notre chambre, nous nous engouffrons dans un noir opaque. La direction de l'hôtel a mis juste une petite lanterne dans chaque chambre pour un éclairage minimum. Un boucan d'enfer est produit d'ailleurs par les groupes électrogènes. C'est grâce à eux que l'ascenseur fonctionne. La tour fait 18 étages, et c'est un vrai calvaire d'y vivre sans électricité. De notre chambre, au 8e étage, nous avons une belle vue sur le Tigre. La rive Est du fleuve est à une cinquantaine de mètres de l'hôtel. Sur l'autre rive, on peut voir toute une succession de bâtiments officiels dominés par l'un des plus somptueux palais de Saddam, Al Qasr El-Djoumhouri.
Pour cette raison, nous serons aux premières loges quand l'aviation américaine se remettra à l'œuvre.
Chambre 835
Dès les premières heures de cette première nuit à Bagdad, nous nous ferons une idée plus que sommaire de l'intensité et de l'atrocité des bombardements que subit la capitale irakienne depuis voilà seize jours. Toute la ville est plongée dans le noir, le courant électrique étant coupé.
Cela explique le silence des sirènes qui retentissaient sans discontinuer aux premiers jours de l'agression. Une épaisse brume de pétrole, de poussière, des débris de bombes et de chair humaine recouvrent Bagdad. De là où nous sommes, nous surplombons une bonne partie de cette mégapole tentaculaire et à perte de vue, à perte de “vie”. La désolation est souveraine. Il est minuit passé, il n'est point de Schéhérazade pour distraire l'esprit maléfique de ce sniper du ciel qui s'apprête à larguer son chargement de bêtises humaines appelés sans vergogne “missiles intelligents”. Une succession de déflagrations qui tonnent comme une montagne de dynamites fend le ciel de Bagdad et Schéhérazade perd ses mots. Dans ses yeux perlent des larmes. Un collier de larmes passé autour du cou de Nabuchodonosor dans l'espoir de l'attendrir. Peine perdue…
Notre sommeil sera toute la nuit ponctué d'explosions. A chaque explosion, on court au balcon voir ce que l'on peut voir. Il n'y a que des orages de bombes, des colonnes de fumée noire et de la poussière d'enfants qui monte au ciel. Sur un immeuble situé à quelques encablures de l'hôtel, une banderole avec ces mots : “War kills innocents”, (la guerre ne tue que des innocents), et sur chaque balcon on peut voir des portraits d'enfants fauchés par les dommages collatéraux. Une autre banderole rappelle à qui veut l'entendre : “Life is sacred” (la vie est sacrée). Dans une aile de l'hôtel Palestine, une succession de photos insoutenables montrant des civils déchiquetés.
Au petit matin, notre réveil est brutal. Une salve de tirs de la DCA, des rafales de kalachnikov, des détonations terribles viennent nous rappeler que nous sommes en plein dans la gueule du loup. Nous courons vers le balcon voir ce qui se passe : les Américains pilonnent rageusement les positions de la garde républicaine. Plus tard, nous apprendrons que les combats font rage à l'aéroport international de Saddam. Des rumeurs triomphalistes circulent. “Ils ont égorgé 105 marines”, dit-on.
L'autre événement du jour est le bain de foule que s'était offert Saddam Hussein dans la région d'Al-Karkh. Nous sommes le samedi 5 avril. La veille, Saddam était sorti saluer son glorieux peuple et le rassurer qu'il maîtrisait la situation. Nous comprenons maintenant pourquoi à notre arrivée à l'hôtel Palestine, il y avait un attroupement en face de l'unique poste de télévision qui se trouve dans le hall et qui ne montre habituellement que les images de la chaîne irakienne. Les titres de quelques feuilles de journaux qui forment la presse irakienne, Al Iraq en arabe et Irak News en langue anglaise, ont consacré de longs pavés à cette sortie médiatique. Les commentaires parmi les journalistes étrangers vont bon train. “Ce n'est pas lui, c'est un sosie”, susurrent-ils sous cape, incrédules. Jusqu'à ce samedi 5 avril donc, ce n'est guère un peuple capitulard que nous avons en face, mais un peuple qui entend en découdre avec les colonnes des GI's dans les batailles de rue. Aussi, attendions-nous cette bataille de Bagdad, non sans une certaine assurance et une issue honorable pour les Irakiens. D'ailleurs, en sondant l'opinion des Bagdadiens, nous ne pouvions que prédire de glorieuses pages de résistance. “Les lâches ! Ils nous bombardent du ciel. Ils n'osent pas nous affronter comme des hommes. Ils savent que s'ils entrent dans la ville, nous allons les dévorer”, fulmine un jeune Irakien rencontré au quartier Al-Karada. Un homme d'un certain âge renchérit : “Nous sommes tous mobilisés. Si nous ne tenons qu'un mois, nous aurons vaincu. Ils n'ont pas honte de comptabiliser les points qu'ils ont remportés. Deux super-puissances se liguent contre un peuple désarmé et ils se vantent de leur pseudo-victoire. Ils vont voir de quel bois se chauffe l'Irakien !” Des discours de cette teneur, l'on n'entendra que cela tout au long de notre séjour. On ne peut pas faire deux mètres sans être interceptés, fouillés, interrogés. Tout le monde s'est érigé en flic. Tout le monde se sent le devoir d'interpeller toute personne suspecte. Les gens sont très orgueilleux, très fiers et ne se plaignent jamais. Certains nous surprendront pas leur générosité et leur courtoisie. Ceux dont les moyens de survie sont irrémédiablement laminés nous proposent à chaque tournant le gîte et le couvert. Il faut voir à quel point notre pays est apprécié par ici. Hormis les embêtements tant compréhensibles de la flicaille, l'Algérien est vraiment roi en Irak. “Vous êtes comme nous, vous êtes des durs, vous êtes nerveux, vous vous emportez facilement, mais vous êtes braves et profondément bons !”, fait remarquer un ingénieur mué en milicien.
Si Bagdad est une métropole la nuit, un immense tombeau ouvert tant la pluie de bombes qu'elle subit est insoutenable, c'est une tout autre ville que l'on découvre au petit matin. Et ce n'est pas le seul paradoxe de cet Orient si déroutant. Il est vrai que le rythme des Bagdadiens a été foncièrement chamboulé, mais la vie reprend ses droits dès les premières lueurs du jour. La plupart des commerces sont fermés. Mais pourquoi ouvriraient-ils ? Encore que les marchés fonctionnent normalement dans la plupart des quartiers. La place Alaouite où se trouve une grande station d'autobus connaît une fébrilité extraordinaire, même au plus fort des combats. C'est dire à quel point ce peuple martyr a appris à vivre avec la guerre.
Pourtant, c'est un peu tôt pour se laisser aller à un optimisme béat. Nous ne pourrions que souhaiter, à voir le moral de fer des Irakiens, une issue honorable pour eux quand la guerre tournera à la guérilla urbaine. Mais les plus avisés savaient déjà que ce formidable élan de résistance allait se briser sur l'autel de la désorganisation et des tractations secrètes…
M. B.
Rectificatif
Une fâcheuse manipulation des feuillets des différentes parties du reportage de notre collaborateur Mustapha Benfodil a altéré malheureusement l'ordre des évènements relatés dans son récit. Nous republions les parties de cette série dans leur version originale. Toutes nos excuses à nos lecteurs.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.