La baisse des prix des céréales sur les marchés internationaux a créé une situation inédite et fort préjudiciable pour l'économie nationale. L'Office national interprofessionnel des céréales OAIC, un organisme public de régulation du marché, ne trouve pas preneur pour écouler ses 5,7 millions de quintaux de blé dur issus de la production nationale. Les transformateurs de blé préfèrent recourir à l'importation que d'acheter chez ce fournisseur public dont les stocks en blé (l'équivalent de 5 mois de consommation des Algériens) sont menacés de moisir dans les silos. Un paradoxe que dénonce l'OAIC. «Il n'est pas normal d'aller importer des céréales à coups de devises alors que la production nationale peut assurer les besoins de tous les transformateurs», s'est plaint, jeudi, sur les ondes de la chaîne 3, Noureddine Kahal, directeur général de l'OAIC. En réaction à cette situation compromettante à l'économie nationale, l'OAIC a adressé un ultimatum aux transformateurs afin que ces derniers reprennent leurs approvisionnements en blé dur auprès de cet office public, d'ici le 1er juin, sous peine de n'être plus fournis, en cas de renchérissement des prix mondiaux. L'OAIC justifie cette mesure par «la nécessité de gérer d'une manière rationnelle les devises du pays». Pour tenter de désamorcer cette crise, le ministre de l'Agriculture et du Développement rural, M. Rachid Benaïssa, a appelé, jeudi, les transformateurs à exprimer d'ici fin mars leurs besoins en matière de blé dur auprès de l'OAIC, en vue d'écouler les stocks de blé avant l'arrivée de la nouvelle production. Cette procédure «permettra de gérer les stocks existants et de se préparer pour la prochaine campagne de collecte», a indiqué le ministre, lors d'une réunion regroupant tous les acteurs de la filière. Le ministre, qui prédit une nouvelle production qui s'annonce plutôt «bonne», a souhaité qu'une quantité de 1 à 1,2 million de q soit enlevée mensuellement par les transformateurs pour arriver à absorber ces stocks. L'office a subi de ce fait un «dramatique tassement» de ses ventes qui ont chuté à moins de 600.000 q, contre 1,7 million q auparavant. La production nationale et les besoins du pays en matière de consommation devraient être connus en septembre-octobre. D'ici là, les différents acteurs se sont mis d'accord sur la réactivation du comité interprofessionnel des céréales (CIC) regroupant les producteurs, les transformateurs et l'OAIC pour trouver une solution au problème des stocks. M. Benaïssa fond beaucoup d'espoirs sur ce conseil qui existait déjà en 2002, censé assurer le rôle de «conciliation des intérêts de chaque acteur de la filière». Le ministre a cité l'exemple du Canada où l'interprofession décide même de l'importation ou de l'exportation des céréales. De leur côté, les transformateurs de blé affiliés au Forum des chefs d'entreprise (FCE) ont dénoncé l'ultimatum de l'OAIC et ont évoqué «les problèmes de sous-approvisionnement récurrents» auprès de l'Office. Les quantités fournies par l'OAIC aux meuniers, qui représentent 50% de leurs besoins, ne couvrent que 5 jours de production alors que les derniers ont besoin des quantités suffisantes pour faire fonctionner leurs usines 7/7. Le président du Forum des chefs d'entreprise (FCE), M. Réda Hamiani, s'est voulu encore plus rassurant en estimant, jeudi, que «les transformateurs sont prêts à reprendre les stocks excédentaires de blé de l'OAIC si ce dernier améliore le traitement de ces produits». «Il n'est pas question de jeter ce blé à la mer, il n'est pas question aussi de bouder la production nationale», a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse, animée à l'issue d'une réunion qui a regroupé le FCE, représentant des meuniers, l'OAIC et le ministre de l'Agriculture et du Développement rural. «Nous sommes prêts à négocier pour essayer de voir des deux côtés (OAIC et transformateurs) quels types d'efforts il faut faire. Nous allons arriver à une issue avec l'OAIC qui lui aussi doit faire des efforts sur le plan qualité», a déclaré M. Hamiani. Abordant la mesure de l'interdiction d'exportation des produits de blé transformés, prise en juillet 2009, M. Hamiani a estimé qu'elle «a tué toutes les tentatives d'exportation qui ont mis des années pour aboutir dans ce secteur», d'autant plus que l'Algérie dispose de capacités excédentaires de transformation, estimées actuellement à 300%. Selon Noureddine Kahal, la facture d'importation de blé a baissé entre 2008 et 2009 grâce à l'amélioration de la production nationale. «En 2008, la facture alimentaire a été de 3,2 milliards de dollars. En 2009, le niveau des importations des céréales a été réduit de 62 %. La facture des importations de l'Office n'a pas dépassé les 1,1 milliard de dollars, soit une économie de 2,1 milliards de dollars sur la facture alimentaire du pays», a-t-il précisé.