La centrale thermo-solaire de Lebrija, réalisée en grande partie avec des équipements de Siemens, sera inaugurée au début 2011. Une visite de presse sur le site permet de comprendre les ambitions du grand groupe allemand dans cette filière d'avenir. Et les nombreux atouts qu'il détient. Il fait gris et le vent de l'Atlantique voisin souffle fort. «On aurait peut être mieux fait de mettre des éoliennes ici», la réflexion aigre-douce, est d'un RP de Siemens AG. Fair-play. Nous sommes là, à Lebrija à 65 Km au sud de Séville, en Andalousie, pour visiter la centrale thermo-solaire où Siemens déploie pour la première fois en Europe du Sud l'étendue de son portefeuille «d'acteur majeur» dans le CSP, la technologie qui concentre l'énergie solaire pour produire de l'électricité. La veille, à Séville, le DG de la division énergie renouvelable du grand groupe allemand, René Umlauft, avait prévenu lors d'un évènement presse internationale : «nous avons étendu nos compétences dans le domaine du solaire et nous pouvons livrer en EPC (conception, fournitures, construction) des centrales solaires complètes. A Lebrija vous verrez demain un champ solaire et une turbine à vapeur Siemens». Leader mondial des turbines à vapeur, le groupe allemand a intégré depuis quelques années les savoir-faire de l'amont solaire. Sa vitrine technologique de Lebrija, développée en joint venture avec un opérateur local, n'est cependant pas au dessus de tout reproche : 14 hectares de terre végétale arrachés à la culture du coton pour produire 50 mégawatts et fournir 40 000 foyers en électricité. «Nous n'avons pas choisi cette implantation. Elle est d'ailleurs désavantageuse. Il y a beaucoup d'eau, nous sommes dans l'embouchure du Guadalquivir. Les fondations pour porter les miroirs paraboliques sont plus profondes qu'ailleurs» explique le chef de projet. Au premier coup d'œil, la suggestion d'un tel champ solaire au Sahara envahit l'esprit. Ensolleimment, emprise au sol, rendement thermique : l'implantation dans le désert est une évidence. Le Docteur Bernd Ulz a exposé, la veille à Séville, les ambitions de Desertec, ce projet visionnaire qui vise à produire 100 gigawatts d'électricité propre dans la zone Afrique du Nord - Moyen-Orient et d'en exporter l'équivalent de 15% de la demande domestique européenne en 2050. «Voilà ce que nous nous proposons de faire dans vos pays ensoleillés» peut-on entendre en subliminal à Lebrija. La délégation des médias maghrébins est tout ouïe. Des miroirs géants épais de 4 mm. Le chef de projet de Lebrija a répété tout au long de la visite que Siemens avait les solutions clés pour optimiser le rendement du champ solaire. «Ces centrales peuvent atteindre 250 mégawatts avec un champ solaire plus grand. Si nous nous contentons de 50 mégawatts, c'est parce que la législation espagnole plafonne la subvention du kilowatt-heure solaire à la tranche des 50 mégawatts», au-delà la centrale thermosolaire vendrait son électricité à perte. «Les coûts de production de l'électricité solaire sont en baisse constante. Et la multiplication de centrales comme celles-ci vont accélérer la compétitivité de la filière solaire concentrée dans la génération de l'électricité» A la clé du dispositif, les miroirs paraboliques et le récepteur solaire. Les premiers, épais de 4 mm et hauts de 12 mètres, suivent la course du soleil, «la salle numérique qui commande le mouvement du champ est également intégrée par Siemens» rappelle un des ingénieurs du site. Ils concentrent le rayonnement solaire sur un tube axial où circule un liquide caloporteur, une huile qui monte à 400 degrés. C'est le récepteur solaire. Sa performance est essentielle dans la combinaison. C'est cette huile qui chauffe l'eau dans la zone d'échange, l'usine en elle-même, permettant de produire de la vapeur en circuit fermé, une unité de condensation permet de récupérer la vapeur en eau. Siemens AG qui a déjà déployé 220 000 récepteurs solaires dans des centrales thermosolaires en Espagne et aux Etats-Unis affirme s'être positionné favorablement sur ce segment très prometteur de l'industrie du solaire CSP. Notamment grâce à des prises de part chez Solel, développeur historique des capteurs solaires, mais aussi grâce à l'acquisition de Archimède Solar qui «apporte une technologie révolutionnaire dans les récepteurs à sels fondus au rendement encore plus élevé». «Nous disposons également de nos propres bancs d'essai dans le désert du Néguev, où nous travaillons à l'optimisation de nos capteurs» a expliqué le Dr Ulz.Siemens AG espère aussi faire chuter les coûts du thermosolaire en standardisant la production de ses turbines à vapeur pour les centrales CSP. L'intégration industrielle du solaire comme enjeu La bataille industrielle autour des composants du solaire CSP est lancée. Même l'Espagne, un pays pionnier en la matière, est loin d'avoir réalisé l'intégration de cette filière sur ses bassins de productions. A Lebrija, les miroirs paraboliques et les capteurs solaires viennent d'Israël. La turbine à vapeur d'Allemagne. «Les miroirs seront bientôt fabriqués en Espagne» assure un ingénieur de chez Siemens. Vu d'Espagne, sous le vent d'Andalousie, le préalable posé par le ministre algérien de l'Energie et des Mines Chakib Khelil, «intégrer localement une industrie des composants du solaire» comme condition du partenariat en Algérie pour le solaire CSP, paraît un peu trop ambitieux. La course est lancée et l'Algérie aussi aura bientôt sa vitrine de production de l'électricité solaire, la centrale hybride (gaz solaire, 150 mégawatts) de Hassi R'mel, réalisée en EPC par l'espagnol Abengoa. Siemens AG a manqué un marché important sur le territoire cible de Desertec ? «Je crois savoir que c'est nous qui livrons la turbine à vapeur sur ce projet» a rétorqué René Umlauft. Il sera difficile de faire de l'ombre à Siemens AG dans le solaire.