« Djamila ou le temps des sarments », le nouveau roman publié aux Editions EDILIVRE à Paris en février 2010 par Hadjebi Dillali constitue une œuvre originale dans le paysage littéraire algérien. Il s'agit là d'un récit qui sort des sentiers battus de la violence vécue comme fatalité. Même si le cadre demeure empli de tourments, il est décrit comme source de vitalité par un retour sur soi, aux origines du terroir et de la personnalité algérienne. Ecrit avec une touchante sensibilité, le nouveau roman de Djillali Hadjebi nous entraîne dans l'univers des senteurs d'antan, des humeurs sauvages et naturelles de l'Algérie profonde, dans les paysages panachés de ce beau pays, mêlant toute la palette des riches contrées de l'Algérie. Dlillali Hadjebi nous invite à vivre et revivre un des plus beaux terroirs de l'Algérie, la Mitidja, sa Mitidja à lui, où il naquit et vécut son enfance à travers un récit qui voyage en flash back dans les années cinquante du siècle dernier jusqu'aux évènements d'octobre 88 et la rupture des illusions. Cette invitation au voyage, c'est aussi le parcours de deux personnalités ardentes, qui évoluent au milieu de la colonisation, sur ces terres fertiles de la plaine la plus prospère d'Algérie, côtoyant la misère de l'exploitation et les exactions coloniales. On y retrouve le casque du colon, indus propriétaire ; et la chéchia du khammès, dépossédé et survivant dans un univers d'opulence pour l'un et le regard affamé de l'autre. Rédigé dans une langue simple et naturelle, au style champêtre et poétique, l'ouvrage de Djillali Hadjebi nous emporte, sans difficulté, par petites touches sensibles, à travers les évènements heureux et malheureux de cette époque. Peignant ces vies d'hommes et de femmes, témoins du passage brutal d'une société rurale dans l'opulente Mitidja, vers l'urbanité desséchée des faubourgs d'Alger et leur misère sociale qui explosera en ces tragiques journées d'octobre 88. Ce roman comporte, dans sa deuxième partie, une sorte d'énigme qui paraît présenter une ambigüité quant à la compréhension de l'histoire. Comme si «Djamila» se présentait sous la forme d'un roman dans le roman. Au risque de se retrouver quelque peu désorienté à la lecture de ce qui paraît comme une deuxième partie. Pris et subjugué par toute la première partie du texte, on se sent piégé par la seconde dans la mesure où c'est à une toute autre thématique qu'on est renvoyé. Sans aller à dire qu'il y a comme un malaise, on reste perplexe malgré tout. Pourtant, la lecture se fait toujours au même niveau, sauf que la symbolique de la Mitidja s'érige à travers la passion d'une femme qui se confond avec le destin et l'amour de son pays. Car, bien que la plupart des chapitres de la deuxième partie du roman participent autant à une meilleure découverte de la grande plaine algéroise, du monde rural, qu'à suivre l'évolution des deux héroïnes ; le lecteur est effectivement dérouté par l'intrusion inattendue de Jala. Amazone des temps modernes, cette féministe' à la passion aussi grande que généreuse, aussi faconde que la Mitidja au printemps, montre une personnalité qui tranche avec celle de Djamila, jeune militante socialiste pleine d'idéalisme, passionnée de littérature et de cinéma. Pourtant dès le premier chapitre, et l'accident de voiture, c'est bien de Jala qu'il s'agit, ou de Djamila adulte, car il ne s'agit, en réalité, que d'une seule et même personne. Jala étant le diminutif de Djamila, comme Houra celui de Houria sa sœur cadette. Le choix délibéré de cette approche dans le récit a pour résultat de faire l'impasse sur la métamorphose que subit Djamila une fois adulte comme du reste des pans entiers de la société algérienne à partir d'une certaine époque. C'est aussi la caractéristique de l'Algérie. A travers Djamila, c'est ainsi un vibrant hommage qui est rendu à toutes ces femmes, paysannes et citadines, intellectuelles et ouvrières, d'hier et d'aujourd'hui, qui malgré des fortunes diverses, ont su représenter dignement la femme algérienne. On comprend enfin que ce roman est dédié à l'une de ces femmes-là. Et c'est là le moindre de ses mérites. « Djamila ou le temps des sarments», un roman qui se laisse lire comme une intimité à découvrir dans l'espace de vie au féminin. Un féminin qui évolue dans une société balayée par des tempêtes, mais qui reste fidèle à ses traditions d'honneur, de bravoure et d'amour. «Djamila ou le temps des sarments», Djillali Hadjebi. Editions EDILIVRE APARIS, 2010. 196 pages.