Une mentalité RHP existerait-elle, qu'elle prendrait sous nos chaudes latitudes la forme d'un homme à mi-chemin entre quelqu'un qui joue avec une lame de rasoir juste pour voir si ça fait mal et un autre quidam qui veut marcher sur la neige sans jamais laisser de traces. Une mentalité RHP, c'est un peu comme cet homme, moyenne pondérée de la société dans son ensemble, qui veut tout résorber au lieu de résoudre le mystère de la vie compliquée d'ici-bas. La mentalité RHP, c'est aussi ce que des esprits abscons appellent les procrastinateurs, c'est-à-dire, en plus lisible dans le texte, ceux qui reportent à demain ce qu'ils peuvent faire aujourd'hui. Conclusion avant l'intro : combien de temps le pays a-t-il perdu pour se retrouver là où il est aujourd'hui, c'est-à-dire une immense machine mais en panne ? Dans les années quatre-vingt, l'on nous raconte, la main sur la tempe, que l'Algérie avait un niveau à peu près équivalent à celui de l'Espagne, sauf que nous, nous n'avons jamais remporté de Coupe du monde mais juste rempli notre coupe à ras bord de soucis en tous genres. Le temps étant chez nous autres une notion tout ce qu'il y a de plus élastique, une heure peut dans la caboche de certains prendre «sans coup férir» une journée entière et une journée peut même s'étirer pour aller jusqu'à une semaine sans souci aucun, etc., etc. C'est un peu l'histoire désopilante arrivée à Chalachou, lancé dans l'aventure herculéenne de réunir en deux jours les pièces d'un dossier pour aller laver ses os aux Lieux Saints de l'islam. A l'hôtel de ville, il mettra une journée entière pour décrocher un extrait prouvant sa naissance dans le douar, mais il se révèle bourré de fautes : au lieu de Kaddour, l'étourdie préposée à l'état civil transcrit en caractère griffonné Sattour, le tout aggravé par l'énorme sacrilège fait au nom de sa défunte mère, qui devient Taffia au lieu de Dhaouïa . Après une semaine passée à courir après un misérable document en forme de «S» prouvant qu'il est bien né au douar de Sidi Bouzhour et non à Aïn-Peut-être, Chalachou, analphabète polyglotte, s'embourbe à la daïra pour déposer son dossier pour l'obtention d'un document écolo, lui permettant de quitter le pays sans être interrogé sur la couleur des cheveux et le signe particulier du plus vieux de ses amis denfance. Du passeport bio, Chalachou ne comprit jamais rien et mit six mois à biffer un formulaire exigé pour son sésame qu'il n'obtint jamais. Arrivé à l'âge où il doit changer de fusil d'épaule, Chalachou décida (la mort dans le ventre) de fermer les yeux à jamais en cachant dans son potager une lettre dont personne ne put jamais percer le mystère : «Arrivé au crépuscule de ma vie, j'aurais tant voulu partir laver mes os sur la terre sainte du dernier des prophètes. Mais la volonté de l'homme a cassé tous mes os et transcendé celle de l'immanent, me jetant en pâture dans les griffes trop acérées des homopapivores. Une race qui se multiplie à une vitesse prodigieuse, qui a sur vous un droit de vie et de mort. De mort surtout puisqu'un homopapivore, ça vous bouffe la cervelle, puis les yeux, les poches et ensuite le corps en entier pour faire de vos restes de la pâte à papier, comme d'autres ont fait de la chair humaine du savon à laver les mauvaises âmes » Ainsi aimait parler Chalachou à l'inquiétante engeance des papivores