L'Europe vote de plus en plus pour les partis politiques conservateurs, voire populistes et extrémistes. L'Europe crie à «l'invasion» étrangère alors qu'elle n'a jamais bâti autant de forteresses autour d'elle. L'Europe a «peur» des lendemains incertains, alors qu'elle n'a jamais été aussi riche et libre. Symptôme d'un malade imaginaire ? Sale temps politique en Europe. Jamais ses citoyens n'ont été si pessimistes jamais aussi libres et riches ! Après avoir réussi dans l'euphorie sa réunification en intégrant ses frères des pays de l'Est, l'Union européenne se déchire sur tout et rien de l'intérieur. La solidarité, force et principe fondateur de sa construction, perd de son sens et laisse place aux alliances par intérêts entre groupes d'Etats. La compétition électorale pousse les gouvernements nationaux autant que les oppositions politiques à une surenchère démagogique dans le discours politique. A défaut de vérités, les leaders politiques chevauchent les peurs, angoisses et fantasmes de leurs électeurs. Dans ce jeu de «frissons» bâti sur les interrogations, légitimes des populations, sur des lendemains que les médias rendent encore plus incertains, qui est mieux placé que les partis nationalistes, populistes et extrémistes pour l'emporter ? Ou du moins peser sur les actes des gouvernements en place ? En Italie, Au Danemark, Aux Pays -Bas, En Autriche, les partis politiques xénophobes, voire racistes négocient avec la droite traditionnelle des pactes politiques. Au Royaume-Uni, David Cameron, chef du parti conservateur a remporté les législatives de mai dernier en reprenant des thèmes chers au British National Party (BNP), parti d'extrême droite. Nicolas Sarkozy a gagné la présidentielle de 2007 en «pêchant» dans les eaux nauséabondes du Front national. Et que dire des pays de l'ex- Europe de l'Est qui ont rejoint l'UE ? En Hongrie le parti d'extrême droite « Jobbik»a réussi en avril dernier à se placer sur l'échiquier politique avec 16, 7 % des voix. En Pologne, l'extrême droite a participé au gouvernement conservateur de 2006, avant de céder du terrain en 2007 devant le parti libéral de Donald Dusk. On pourrait multiplier les exemples à satiété. Aussi, la question s'impose d'elle-même : Pourquoi l'extrême droite gagna-t-elle en audience électorale ces dernières années ? La question est d'autant plus troublante lorsqu'on constate qu'économiquement, l'Europe n'a jamais été aussi riche. Oui, au risque de choquer les esprits alarmistes enfantés par la crise financière de 2008-09, l'Europe n'est pas un continent guetté par la misère et la pauvreté. La semaine dernière, l'Office des statistiques européennes annonçait que le patrimoine financier des Belges s'élevait au premier semestre de l'année 2010 à 916 milliards d'euros. Frôler les 1.000 milliards d'euros en épargne pour un pays de 10 millions d'habitants, dont 75 % sont par ailleurs propriétaires de leurs logements est un exemple qui parle de lui-même. La question du contexte de crise économique n'est donc pas l'explication par essence de la montée de l'extrême droite. Quoi d'autre alors ? L'immigration ? Elle représente moins de 3 % de la population de l'UE qui vient de dépasser les 500 millions d'habitants. En outre, législations obligent, les flux migratoires vers l'UE n'ont jamais été aussi insignifiants que ces dernières années. En revanche, jamais les immigrés n'ont été aussi stigmatisés, montrés du doigt et accusés d'être à l'origine de tous les maux de la société européenne. Et pas seulement les immigrés d'origine africaine, arabe (musulmane) ou asiatique. Ceux issus des ex-pays de l'Europe communiste, des Balkans ou d'Asie mineure (kurdes, turcs, moldaves, ukrainiens ) ne sont pas épargnés. Cependant, les immigrés à confession musulmane sont, de part leur visibilité culturelle et cultuelle, mis plus souvent à l'index que les autres nationalités. Cette stigmatisation particulière des communautés musulmanes s'est particulièrement aggravée après les attentats terroristes du 11 septembre 2001 contre les USA et les guerres livrées contre l'Irak et l'Afghanistan. La «proximité» de ces guerres avec le conflit du Moyen-Orient et la question palestinienne ont fini par transformer la guerre contre le terrorisme en une véritable «croisade» contre les musulmans. Il faut reconnaître que les activités criminelles de l'organisation terroriste El Qaëda, qui surfe jusqu'à ce jour sur cette idée de «croisade» contre les musulmans, sont une aubaine et cadeau offert à tous les tenants de «l'affrontement des civilisations». L'exemple de la Suisse, pays ne faisant pas partie de l'UE, mais pas moins européen, qui a organisé un vote populaire sur l'interdiction des minarets des mosquées est symptomatique de la peur, générée par les médias lourds, de l'islam et des musulmans. En Hollande, le parti populiste de Geert Wilders (PVV) est arrivé en 3ème position aux élections européennes de juin dernier en concentrant sa campagne contre la présence musulmane dans le pays. Au final, qu'est-ce qui explique cette tendance au repli sur soi, au réveil des nationalismes et leurs conséquences que sont la xénophobie, l'intolérance et le racisme ? Le contexte de crise économique internationale ? L'immigration ? Les religions ? La mondialisation ? L'ensemble de ces facteurs ? Qu'importe. Le fait est que l'Europe vit une sorte de schizophrénie existentielle. Ses peuples réclament de plus en plus de libertés (légitimes) de tous genres, jouissent de plus de liberté de circulation en supprimant les frontières, voyagent de plus en plus, vivent dans l'abondance (surproductions agricole et industrielle), communiquent grâce aux nouvelles technologies avec les contrées les plus reculées du monde, se mobilisent pour les causes humanitaires, défendent les causes justes d'autres peuples, dénoncent les guerres (Irak, Afghanistan, Palestine) et pourtant votent en majorité pour les partis conservateurs, nationalistes et populistes ! Ce qui inquiète, ce sont les discours politiques développés par les partis traditionnels de droite et les lignes éditoriales des médias, en particulier, ceux des télévisions. Une collusion pour le moins suspecte. Les médias trient les sujets et mettent en avant les faits de sociétés (faits divers, scandales) qu'ils imputent insidieusement à la marque «d'origine» des supposés coupables. Ils ajoutent dans la hiérarchie des sujets les guerres et conflits que vivent les pays musulmans ou africains. Ils accentuent les angoisses sur des lendemains incertains dans leurs pays, pourtant combien riches et aisés. Les politiques empruntent ces thèmes et promettent la «protection» de l'électeur de tous ces «dangers». Et vice versa. L'un se nourrissant de l'autre. Jusqu'à arriver aux dérives les plus radicales qui, par le passé récent, ont démontré leur issue : la violence, voire des guerres atroces et inutiles.