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Quatre mesures pour la santé budgétaire américaine
Publié dans Le Quotidien d'Oran le 18 - 08 - 2010

Les Etats-Unis souffrent d'un grave problème de déficit budgétaire, probablement de l'ordre de 1,3 trillions de dollars cette année (10% du PIB), et les prévisions à long terme sont inquiétantes. Selon le Congressional Budget Office (CBO, commission budgétaire parlementaire, constituée des meilleurs experts non partisans), la Sécurité Sociale ainsi que les systèmes Medicare, Medicaid, et d'autres programmes de santé, devraient d'ici à 2035, engloutir la quasi totalité de l'ensemble des revenus fiscaux.
Les Etats-Unis peuvent financer ces déficits à court terme – les taux d'intérêts sur les bons du Trésor américains ont d'ailleurs récemment chuté à leur plus bas niveau. Mais si aucun effort réel n'est fait pour parvenir à une consolidation budgétaire, il faut s'attendre à de réels problèmes aux Etats-Unis comme pour le reste de l'économie mondiale. Les Etats-Unis doivent donc urgemment procéder à quatre grandes modifications.
La première est une profonde réforme fiscale visant à aligner la politique fiscale à des incitations économiques souhaitables. Les Etats-Unis devraient en particulier envisager l'introduction d'une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), déjà largement appliquée dans d'autres pays industrialisés. En appliquant une taxe sur la consommation à chaque étape de la chaine de production, l'Amérique pourrait réduire la surconsommation à l'origine de la récente bulle du crédit, et inciter plutôt à l'épargne et à l'investissement. Une simple TVA est bien sur régressive, mais elle peut être rendue progressive en la combinant avec des rabais partiels ou en exemptant les produits de première nécessité.
De plus, les Etats-Unis devraient sérieusement se pencher sur les abattements fiscaux qui constituent des programmes de dépenses dissimulés. Un bon début serait la déduction fiscale appliquée aux intérêts sur les prêts immobiliers des particuliers. Cette déduction s'applique actuellement sur les prêts jusqu'à un million de dollars, ce qui constitue une composante clé des incitations excessives américaines à l'achat d'immobilier – une politique à laquelle la plupart des pays industrialisés ont renoncé.
Le second changement concerne la fixation du prix du carbone, soit par la mise aux enchères des allocations d'émissions, soit par une taxation directe du carbone, à des taux faibles dans un premier temps, qui augmenteraient au cours des décennies à venir. Compte tenu de l'important potentiel de revenus – en 2008, le CBO estimait qu'une des propositions rapporterait 145 milliards de dollars en 2012, un montant qui devrait augmenter dans les années suivantes – il serait raisonnable de consacrer une portion de ces revenus pour amortir l'impact du prix de l'énergie, plus lourd sur les plus démunis, tout en appliquant le reste au rééquilibrage du budget.
Certains prétendent qu'une fixation du prix du carbone pénaliserait la croissance économique. Mais une étude récente du journal The Economist révélait qu'une taxe carbone contribuerait à la fois à accroître les revenus du gouvernement et le rendement économique – principalement par le remplacement de subventions existantes et inefficaces.
La troisième modification à apporter est un impôt sur le secteur financier, sous la forme d'une taxe sur les activités financières appliquée aux profits et aux rémunérations des grandes banques qui profitent de garanties gouvernementales implicites. Le Fonds Monétaire International estime que cette forme de taxation sur la valeur ajoutée pourrait rapporter de 0,5 à 1 point de PIB en revenus supplémentaires.
Une telle taxe viserait de plus à éliminer l'avantage de financement dont profite les grandes banques par rapport à leurs concurrents plus petits, tout en limitant la tentation des grandes banques à devenir encore plus importantes. Ainsi que le formule le FMI, si cette taxe sur les activités financières est appliquée dans tous les pays du G20, elle permettrait de contenir les pires caractéristiques du système financier et réduirait les distorsions concurrentielles crées par les méga-banques.
Pour finir, reste la question des prestations sociales, qui concerne principalement le coût des soins de santé. Selon le scénario budgétaire alternatif de la CBO, l'évolution de la Sécurité Sociale serait comparativement modeste, passant de 4,8% du PIB en 2010 à 6,2% en 2035. Une modification relativement minime de ce programme pourrait contribuer à limiter les coûts futurs, comme ce fut le cas dans les années 80. Dans le même temps, cependant, le coût relatif de Medicare, Medicaid, et des autres programmes de santé vont plus que doubler, passant de 4,5% à 10,9% du PIB.
Il y a deux manières de réduire les dépenses de santé publique : réduire la quantité de soins de santé financés le gouvernement, ou réduire leur coût. La solution la plus simple est de faire en sorte que le gouvernement finance moins de soins de santé – en relevant par exemple l'âge d'éligibilité à Medicare, en plafonnant les droits pour les bénéficiaires à hauts revenus, etc…
Le problème de cette approche est que Medicare n'est déjà pas si généreux que cela. Si l'âge d'éligibilité devait être relevé, la charge des soins de santé incomberait aux employeurs, et l'augmentation des coûts serait alors répartie sur l'ensemble des personnes ayant un emploi. Une meilleure solution consisterait à trouver un moyen de réduire les coûts de la santé.
La législation de la réforme de santé votée cette année, le Affordable Care Act (ACA, Loi des Soins Abordables, ndt), est un point de départ. Selon les données de la CBO (CBO data), le ACA réduirait le déficit budgétaire à long terme de 2% du PIB par an. L'une des principales priorités devrait être de préserver et de développer ces provisions de réductions de coûts. Une autre mesure évidente à envisager est d'éliminer progressivement l'exemption fiscale appliquée aux plans de santé financés par les employeurs ; cela permettrait non seulement d'augmenter les revenus de l'Etat mais mettrait aussi fin aux effets de distorsion du financement des plans de santé par les employeurs.
Mais il est toujours très délicat de s'attaquer aux questions sensibles et cette réticence généralisée est un frein au traitement du problème des coûts de la santé, comme l'a démontré le déchainement autour de la « commission de la mort » il y a un an. Réformer le système de santé américain pour se concentrer sur des résultats positifs et sur une meilleure qualité de vie, plutôt que sur l'emploi de la technologie la plus coûteuse et la plus innovante, est un défi pour lequel personne n'a encore trouvé de solution avérée. C'est pourtant, plus qu'aucun autre facteur individuel, la clé d'une viabilité budgétaire à long terme.
Traduit de l'anglais (américain) par Frédérique Destribats
* Simon Johnson est professeur à la MIT Sloan et collaborateur à l'Institut Peterson. James Kwak est entrepreneur
et étudiant à la faculté de droit de Yale.


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