Trop de boulangeries ont baissé leur rideau en ce mois de ramadhan. Dans des villes et villages du pays, ces fermetures ont eu lieu sous des prétextes auxquels l'on ne peut adhérer, comme la prise de congé annuel ou de rénovation des locaux en une période de forte augmentation de la demande en pain. D'autres sont ouvertes mais ne proposent à leurs clientèles que des pâtisseries prisées durant le ramadhan. Il en résulte, en certains endroits, de réelles tensions sur la disponibilité du pain et par voie de conséquence le désagrément pour les citoyens d'un énervant parcours du combattant pour se procurer l'indispensable aliment. Ces fermetures ont un air d'action concertée que ne dissipent pas les dénégations des patrons boulangers qui les ont décidées. D'autant qu'elles sont intervenues après la montée au créneau de la corporation avant le début du mois de ramadhan pour revendiquer auprès des pouvoirs publics, sinon l'augmentation du prix de la baguette, du moins la révision de la marge bénéficiaire qui revient aux boulangers. L'on peut par conséquent y voir une sorte de grève partielle engagée par les plus déterminés de la profession en réplique au refus des autorités à donner satisfaction à leurs doléances. Face à cette situation qui pénalise le citoyen, les pouvoirs concernés n'ont pas réagi avec la fermeté contre le non-respect de la notion de service public qui s'attache à la profession et que ces baisses de rideaux ont bafouée sous de fallacieux prétextes. Le ministre du Commerce Mustapha Benbada n'est pas dupe des raisons avancées pour ces fermetures, sauf qu'au lieu d'agir, il s'est contenté d'estimer que certaines des revendications de la corporation «sont raisonnables mais, que pour d'autres, le moment n'est pas propice». Alors si telle est l'appréciation officielle, pourquoi n'avoir pas engagé le dialogue avec les représentants des boulangers sur ce qui est «raisonnable» quand ceux-ci ont fait connaître leurs doléances bien avant le début du mois de ramadhan. Certes, baisser de rideau auquel ont procédé certains patrons boulangers en ce mois de ramadhan n'est pas acceptable car il procède d'une conception anarchique de la défense de l'intérêt corporatiste et de la prise d'otage du citoyen consommateur. Pour autant, sur le fond qui motive leur action, ils n'ont pas tort. Tout a augmenté dans le pays et par voie de conséquence tous les ingrédients entrant dans la fabrication de pain ont subi cette augmentation. Sauf que concernant le prix du pain, les autorités ne peuvent consentir à son augmentation tant une mesure dans ce sens risque d'enclencher une fronde population aux conséquences imprévisibles. Elles ferment les yeux sur l'augmentation informelle que la plupart des boulangers ont unilatéralement pratiquée en venant la baguette à 10 DA au lieu du prix de 8 DA officiellement arrêté. Mais elles ne peuvent aucunement aller au-delà. Un dialogue avec les boulangers s'impose par conséquent pour rechercher la solution qui, sans remettre en cause le prix actuel de la baguette de pain, satisfasse ceux-ci par d'autres biais. De l'aveu de Benbada, des solutions alternatives à l'augmentation du prix de la baguette existent et qu'elles sont envisageables. Telles par exemple l'allègement des charges fiscales, l'application des prix préférentiels pour l'électricité, etc. Les boulangers sont autant convaincus du bon droit de leurs revendications que, pour les mêmes raisons, les autorités ont récemment accordé l'autorisation aux entreprises publiques de transports urbains à augmenter le prix des tickets. La politique de la gestion par le «pourrissement» est la pire que l'on puisse appliquer.