Le projet de loi régissant l'activité de promotion immobilière, approuvé mercredi dernier par le Conseil des ministres, est au centre d'un débat entre promoteurs immobiliers et entrepreneurs. Les professionnels du bâtiment, bien que soutenant ce nouveau texte de loi, restent sceptiques quant à son contenu et notamment les sanctions prévues qui peuvent aller jusqu'à deux ans de prison en cas d'abus ou fraude. Instaurer une nouvelle organisation, protéger l'acquéreur contre une éventuelle escroquerie lors de vente sur plan et définir clairement les prérogatives du promoteur immobilier et de l'entrepreneur sont considérés comme des points positifs pour les professionnels mais qui ne cernent pas tous les problèmes qui peuvent surgir sur le terrain, « indépendamment » de la volonté des gestionnaires de projets de logements ou autres. L'activité de promotion immobilière est appelée à être renforcée davantage depuis la promulgation du décret législatif de mars 1993 qui la régit, vu le développement et les mutations importants qu'a connus le secteur de l'habitat mais, pour les professionnels du bâtiment, tout changement doit prendre en compte les préoccupations des uns et des autres, les clients et les réalisateurs de projets, afin de protéger les intérêts des deux parties. Qu'est-ce qui est prévu dans ce projet de loi ? Un encadrement plus précis de l'activité de promotion immobilière y compris en introduisant et en codifiant le système universel de vente sur plan, une régulation plus claire de la profession de promoteur immobilier, y compris des conditions requises pour l'exercer, ainsi que de son organisation au sein d'un conseil supérieur chargé de concourir au respect du professionnalisme et de l'éthique attendus de ses membres, et un renforcement de la protection des clients des promoteurs immobiliers, notamment en précisant davantage le statut et la vocation du fonds de garantie de la promotion immobilière pour l'achèvement des projets en souffrance et en énonçant, enfin, des sanctions contre les promoteurs immobiliers qui se seraient rendus coupables de déviations, abus ou fraude. L'Union Générale des Entrepreneurs Algériens (UGEA) tout comme l'Union des Promoteurs Immobiliers (UNPI) voient en la promulgation de ce projet de loi un moyen de mettre de l'ordre dans le secteur et écarter tous les intrus qui ont envahi le secteur ces dernières années et nui à la profession. Mais, en parallèle, les deux parties ne se sentent pas assez protégées par cette loi contre toutes les entraves et contraintes que l'expérience du LSP a mises à nu et qui ont pénalisé l'avancement de la majorité des projets de logements. Pour l'UGEA, la séparation entre promoteur immobilier et entrepreneur n'a pas lieu d'être du moment que la majorité des promoteurs sont d'ex-entrepreneurs et, durant le programme quinquennal de 2005/2009, les projets de logements ont été réalisés à 99% par des entrepreneurs. Mieux encore, estime le responsable de l'UGEA, section d'Oran, pour avoir l'agrément, il est bien demandé une qualification, un niveau universitaire et une référence. Des critères qui montrent clairement que ne peut pas être entrepreneur qui veut. En tant qu'organisation patronale, le représentant de l'UGEA estime que ce projet de loi peut constituer une protection de l'acquéreur sans pour autant que le même traitement soit réservé à l'entrepreneur. « Nous ne sommes pas protégés contre toutes les entraves administratives que nous avons vécues lors de notre expérience avec le LSP. Pour avoir le certificat de conformité, il faut des mois. Idem pour avoir l'aval de la CNL. Au niveau de la DLEP, la situation n'est pas meilleure puisqu'il faut attendre longtemps la signature du document de l'avancement des travaux. Toute cette paperasse se répercute sur les délais de réalisation, et l'entrepreneur ou le promoteur est seul à être sanctionné ». D'autre part, l'UGEA regrette que les professionnels ne soient pas associés à l'élaboration de ce texte de loi puisque, explique le représentant de l'Union Générale des Entrepreneurs, « nous avons déjà réalisé le programme du LSP et nous sommes bien placés pour connaître tous les problèmes du terrain ». Pour sa part, le président de l'UNPI estime que pour lever toute confusion entre les deux activités, il vaut mieux définir les prérogatives de chacune car le promoteur immobilier est appelé à faire de l'investissement. Cependant, le projet de loi « laisse tout de même des zones d'ombre » qu'il faut éclaircir. Parmi ces points à éclairer, l'application de la loi qui doit concerner, selon le président de l'UNPI, la personne morale et non physique. « La loi doit s'appliquer à des sociétés qui ont été agréées et non pas à des personnes morales, et, de cette façon, les responsabilités seront mieux définies ». L'Union des promoteurs œuvre aussi pour qu'un climat de justice soit instauré mettant sur le même pied d'égalité le promoteur privé et public. L'UNPI estime que, dans ce texte de loi, c'est le citoyen qui est le mieux protégé. Rien n'est prévu pour le promoteur par rapport aux dysfonctionnements qui apparaissent au cours de la réalisation d'un projet et pour lesquels le promoteur est pénalisé bien qu'il ne soit pas la cause directe de ces anomalies. La pénurie du ciment, les aménagements, le monopole de la Sonelgaz, les services techniques, les retards accusés dans la délivrance des certificats de conformité et la liste est longue. Pour tous ces problèmes déjà vécus, la loi ne dit rien, explique le président de l'UNPI qui estime que la mission de tous les acteurs intervenant dans la réalisation d'un projet doit être définie dans ce texte de loi. « De cette façon, les responsabilités en cas de défaillance seront mieux définies et la sanction ne doit pas concerner uniquement le gestionnaire du projet ». Le président de l'UNPI attire aussi l'attention sur les sanctions prévues en cas d'abus ou fraude, soulignant que cette loi ne doit pas représenter un code pénal pour les professionnels. Si ce projet de loi n'a pas répondu à toutes les préoccupations des professionnels, le retard accusé dans l'attribution des quotas du programme de logements prévus dans le plan quinquennal 2010/2014 a mis la corporation en « chômage technique ». Les professionnels s'interrogent sur les raisons de cette lenteur alors qu'il s'agit d'un million de logements à réaliser. Les spéculations vont bon train sur le sujet. Certains entrepreneurs, ne voyant rien venir, se demandent si ce programme n'a pas été réservé uniquement pour les promoteurs publics sans les promoteurs privés. « Nous avons des listes d'attente déjà prêtes et qui n'attendent que les projets. Des citoyens viennent tous les jours pour déposer leurs dossiers et retournent bredouilles pour la simple raison que nous n'avons rien à leur proposer. Nous sommes bloqués et au chômage, et nous prenons notre mal en patience », indique cet entrepreneur qui a achevé tout son quota de logements LSP qui lui a été attribué. Pour un autre promoteur immobilier, les seules explications qu'ils ont reçues sur ce retard est la procédure de régularisation des terrains qui a pris un temps considérable et qui est sur le point d'être finalisée. « Une fois achevée, les quotas seront distribués aux promoteurs ». Interrogé si le privé est écarté de cette opération, le même promoteur souligne que le programme est assez important et ne peut être réalisé que par les promoteurs publics.