C'est aujourd'hui que comparaîtra Alima Boumediène-Thiery, la sénatrice des Verts, devant le tribunal de Pontoise. Juriste internationale, elle devra répondre, à l'instar de ses coïnculpés, de «discrimination et provocation à la haine raciale», en raison de la campagne de boycott des produits des colonies israéliennes à laquelle elle a appelé. Au total, ce sont quatre-vingts personnes en France qui sont également poursuivies pour le même chef d'inculpation, dont l'ambassadeur Stéphane Hessel, résistant rescapé de Buchenwald et corédacteur de la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ce procès s'annonce comme une tentative de la justice française de bâillonner la liberté d'expression, selon les rédacteurs d'un appel de soutien aux «accusés». Derrière ces accusations, le Bureau national de vigilance contre l'antisémitisme qui a porté une série de plaintes contre des Français participant à une campagne internationale de boycott de produits israéliens fabriqués dans les colonies. Des associations pro-palestiniennes et des politiques, intellectuels et journalistes ont rendu publique, lundi 11 octobre, une campagne de soutien aux militants «incriminés». Cette campagne internationale, nommée «BDS - Boycott, Désinvestissement, Sanctions», a été lancée par les Palestiniens le 4 juillet 2005. La sénatrice, issue de l'immigration, a reçu le soutien inconditionnel de la gauche, sous toutes ses coutures (Olivier Besancenot, porte-parole du NPA, Djamila Sonzogni, porte-parole de Europe écologie-les Verts, Marie-Christine Vergiat, porte-parole du Front de gauche, Jacques Fath, porte-parole du PCF, Monique Cerisier Ben Guigua (PS), présidente du groupe sénatorial France-Territoire palestinien ), mais paradoxalement aucune voix «arabe» n'est venue appuyer une démarche qui aurait dû être sienne. Dans leur appel, les nombreuses personnalités signataires indiquent que «par des opérations non violentes et symboliques, des élu(e)s et militant(e)s ont souhaité attirer l'attention de l'opinion publique sur le refus de l'Etat d'Israël de se conformer aux principes inscrits dans les traités européens et dans les accords d'association qu'ils ont signés, à savoir le respect des droits humains et celui de la traçabilité des produits à l'exportation». «Par la même occasion, ils dénoncent l'impunité dont bénéficient les autorités israéliennes, impunité qui cautionne ces violations répétées du droit international et l'injustice que subit au quotidien le peuple palestinien du fait de l'occupation coloniale.» Cet événement judiciaire met de nouveau le conflit israélo-palestinien au-devant de la scène européenne et repose avec insistance la légèreté des positions officielles arabes dépassées par leurs rues et confrontées au pragmatisme des enjeux régionaux à travers le double prisme politique et économique. En septembre dernier, les ministres des Affaires étrangères des pays de la Ligue arabe s'étaient réunis pour envisager d'instaurer un boycott économique d'Israël au cas où les négociations directes entre les Palestiniens et les Israéliens ne seraient pas couronnées de succès. Pour beaucoup, ces menaces ne sont que de simples effets de manche pour une consommation locale alors que la réalité tend vers une politique de partenariat bilatéral entre les capitales arabes et l'Etat hébreu. Cet épisode du boycott souligne un peu mieux le fossé déjà profond qui sépare les aspirations des peuples arabes et musulmans et le double langage instauré en dogme des gouvernements arabes, soucieux de prospérer sous les bons auspices du parapluie américain.