La fusion entre le russo-norvégien VimpelCom est suspendue au sort de Djezzy. Les grands responsables de Telenor, détenteur de 36% de parts dans VimpleCom estiment que l'absence de la filiale algérienne rendrait la fusion peu attrayante. En tout cas, payer 6,6 milliards sans le Djezzy paraît exclu. A Alger, on persiste et on signe : l'affaire Djezzy ne concerne pas VimpelCom. Sawiris avec lequel les comptes ne sont pas encore finis est le seul interlocuteur agréé. « Si vous achetez une maison avec un jardin et que vous découvrez tout à coup que le jardin appartient au voisin. Je suppose que cela a une conséquence sur votre façon de voir l'accord». Le propos est de Jon Fredrik Baksaas, directeur général de Telenor, compagnie norvégienne qui détient 36% de VimpleCom. Le jardin, on l'a deviné, c'est Djezzy (OTA), la filiale algérienne d'Orascom Telecom Holding (OTH). Le patron de Telenor a créé un fort doute sur la réalisation effective de la fusion annoncée entre le groupe de Naguib Sawiris et VimpleCom. Jon Frerik Baksaas aura ajouté à la fébrilité des marchés où l'action d'Orascom Telecom qui avait bondi à l'annonce de l'accord a repris le chemin de la baisse avec une forte incidence sur la bourse égyptienne. Les «problèmes algériens» de Naguib Sawiris ont été, à l'évidence sous-estimés, par le patron de VimpelCom, Alexander Izosimov. Les amitiés russo-algériennes, pas plus que les amitiés algéro-sud-africaines n'ont eu d'effet sur la «ligne» du gouvernement algérien. Ligne réaffirmée par le ministre des Finances, M.Karim Djoudi, jeudi dernier. L'Algérie négocie avec la «maison-mère», OTH, et seulement avec elle. «Nous avons une relation avec OTH qui est le détenteur de la licence GSM et qui est détenteur des actions de Djezzy. OTH a émis son intention de vendre à l'Algérie OTA. Nous avons engagé une opération de rachat OTA. OTH a marqué sa disponibilité à nous la vendre...»,. La volonté du patron de VimpleCom, appuyée publiquement par Naguib Sawiris, de se poser en interlocuteur du gouvernement algérien est clairement rejetée. Le fait qu'il ait surenchéri légèrement par rapport au chiffre de 7,8 milliards de dollars mis en avant par le milliardaire égyptien n'a pas dû le rendre plus «agréable» à Alger. Des norvégiens dubitatifs Du coup, le partenaire norvégien de VimpleCom se fait dubitatif. Même dans l'hypothèse où l'accord est réalisé, il faudra retrancher de la somme prévue initialement la perte du «jardin Djezzy». VimpleCom est certes intéressé par les actifs en Europe occidentale d'Orascom Telecom Holding mais il ne peut feindre d'ignorer que Djezzy est en la filiale la plus rentable. A défaut de pouvoir contraindre l'Algérie à discuter avec VimpleCom, le Dg de Telenor prône une renégociation du contrat, estimé à 6,6 milliards de dollars et qui devait permettre à VimpleCom de prendre 51,7% des parts d'OTH. Dans ce projet Orascom Telecom Holding devrait recevoir la somme de 1,8 milliard de dollars et disposer de 20% du capital de VimpleCom, estimé à 4,8 milliards de dollars. Lundi dernier et en marge d'une rencontre avec Vladimir Poutine à Moscou, le président de Telenor, Ole Bjorn Sjulstad s'est prononcé à son tour sur la question en indiquant qu'un examen complet du projet de fusion avec Weather Investments et Orascom Telecom Holding sera fait avant une décision finale. «Nous allons faire un examen complet sur la totalité des investissements au moment opportun. L'Algérie en est juste une partie». Ole Bjorn Sjulstad a refusé de se prononcer sur les chances de réalisation de l'entente annoncée et encore moins de se prononcer sur un calendrier. La Bourse égyptienne a accueilli avec pessimisme les propos du président de Telenor. L'action d'OTH a baissé entraînant dans son sillage l'indice de la Bourse égyptienne. «Gain spéculatif» Les doutes sur le sort du «jardin Djezzy» pèsent lourdement sur les démarches de Naguib Sawiris et ses «ennuis» algériens ne sont pas en tout cas finis. Le dernier redressement fiscal, de 230 millions de dollars selon OTH, est «normal» a indiqué le ministre algérien des Finances. «Il y a eu un premier montant qui n'est pas définitif, il y aura une vérification approfondie. Il y a une notification qui a été faite à la société, celle-ci présentera son plan justificatif jusqu'à ce que l'on arrive au bon montant. Je préfère attendre encore pour donner le bon montant». Il est clair que le gouvernement ne demandera pas à l'administration fiscale d'accorder une quelconque largesse à Orascom Telecom, pas plus qu'il ne l'a accordé, à une échelle plus modeste, à la société saoudienne Red Sea Housing dont l'amende de 10,9 millions de dollars vient d'être confirmée en appel. L'épisode de la vente de la filière Orascom Cement au français Lafarge, dénoncée en 2008, par le président Abdelaziz Bouteflika, reste plus que jamais présente. Jeudi, à l'Assemblée populaire nationale, dans une justification de la politique du gouvernement à l'égard de l'investissement étranger, le Premier ministre Ahmed Ouyahia a évoqué, sans le nommer, les raisons du désamour avec Naguib Sawiris. «Certains investisseurs étrangers, qui ont prospéré sur le marché local, ont d'abord été guidés par le gain spéculatif quitte à ignorer les autorités et la souveraineté de ce pays, ou à tenter d'en violer les lois impunément».