Dans l'espoir de désamorcer le conflit mettant aux prises l'Union nationale des barreaux (UNB) avec les deux plus hautes instances du système judiciaire, qui a pris une grave tournure avec l'action de boycott, pour une semaine, des audiences de la Cour suprême et le Conseil d'Etat entamée par les avocats dès dimanche dernier, une rencontre est prévue le dimanche 12 décembre, au siège de la Cour suprême. Objectif de cette réunion «extraordinaire» : essayer de trouver une issue à cette situation de désaccord. Avant-hier, lundi, les treize bâtonniers du pays ont été destinataires d'un fax émanant du président du conseil de l'UNB, Me Menad Bachir, joint à une copie de l'invitation officielle du premier président de la Cour suprême, les convoquant à la réunion du 12 décembre, à 10 heures. Cette rencontre de «pourparlers» sera précédée par une assemblée générale de l'UNB, le vendredi 10 à Alger, qui devra permettre aux représentants des robes noires d'accorder leurs violons en perspective de leur réunion avec les magistrats des deux hautes juridictions. Il s'agira, lors du briefing du vendredi, de s'aligner sur une même et seule plateforme de revendications et de mettre de côté les points non inscrits à l'ordre du jour, voire accessoires par rapport à la question principale. Celle-ci se résume en onze points, selon Me Menad Bachir, et «parfaitement connue de la part du premier président de la Cour suprême par le biais de trois lettres que nous lui avons adressées en date du 2 février 2009, du 7 mars 2010 et du 2 octobre 2010, restées malheureusement sans réponse». «S'ils ont daigné nous recevoir pour nous écouter, nous n'en serions pas là», regrette le «bâtonnier des bâtonniers» comme on le surnomme. L'action du boycott, Me Menad Bachir dit l'avoir prise, de concert avec les membres de l'Union, «en dernier lieu, après que toutes les portes du dialogue nous aient été fermées, malgré la légitimité et le caractère élémentaire de nos réclamations.» En fait, c'est à l'issue d'une réunion de son conseil tenue le 6 novembre dernier que l'Union nationale des barreaux a décidé de boycotter les audiences de la Cour suprême et du Conseil d'Etat pour dénoncer ce qu'elle qualifie d'«entraves» à l'exercice du droit à la défense, tient à rappeler le même bâtonnier. Un rappel dont le but est surtout de couper court à l'argument de «l'incidence d'un tel boycott sur les dossiers des justiciables» évoqué par certains avocats qui ont refusé d'adhérer à la démarche de l'UNB tout en la discréditant et en la dépréciant aux yeux de la corporation et même vis-à-vis de l'opinion publique. «Tout le monde a été mis au courant de cette action de boycott un mois à l'avance. L'avocat avait largement le temps pour prendre ses dispositions bien avant, alors qu'on ne vienne pas aujourd'hui dire que ce boycott d'une semaine va nous poser des problèmes par rapport aux délais et aux procédures inhérents aux dossiers de nos clients», martèle Me Menad Bachir. Par le biais d'un communiqué, le président du conseil avait noté qu'«en dépit du statut de premier partenaire de la justice, réaffirmé par le président de la République, des recommandations du ministre de la Justice relatives à la nécessité de faciliter la mission des avocats à toutes les instances judiciaires» l'Union « enregistre encore des entraves quotidiennes auxquelles font face les avocats à la Cour suprême au point de l'empêcher d'exercer sa mission de défense des droits du justiciable.» En clair, il est plus une question de certains dispositifs jugés contraignants, voire aberrants, par les avocats, qui sont mis en place par l'administration de la Cour suprême pour réglementer l'accès de cette profession à ses différents services, qu'une réelle volonté de mettre des barrières à l'exercice de la profession d'avocat et de resserrer l'étau autour du droit sacré de la défense. Le contrôle très rigoureux à l'entrée du bâtiment auquel sont soumis les avocats au même titre que les justiciables, la réduction du nombre des jours de réception réservés aux avocats en deux journées par semaine, l'exiguïté du parking, les difficultés dans le retrait des arrêts autant de difficultés déplorées par les avocats et qui sont source d'un malaise diffus dans ce milieu. Dans ce contexte, la non invitation de l'UNB à la cérémonie d'ouverture de l'année judiciaire 2010-2011 a eu effet d'incident diplomatique entre les deux institutions. Le président de l'UNB n'a pas du tout apprécié que la Cour suprême lui envoie une invitation 24 heures avant l'évènement. «Dans un passé qui n'est pas loin, les bâtonniers étaient conviés à cette cérémonie par le biais du même courrier envoyé aux chefs de cours, avec en sus le billet d'avion pour se rendre à Alger. Alors pourquoi ce changement d'attitude envers les avocats ces derniers temps ?», s'interroge le président de l'UNB.