Depuis mercredi soir, Alger vit au rythme des émeutes et des affrontements entre jeunes et policiers. Le coup d'envoi a été donné vers 18h30 à partir de Bab El Oued. L'effet boule de neige a fait le reste. Des émeutes ont éclaté dès jeudi matin dans plusieurs autres quartiers de la capitale. Des pneus brûlés, des édifices et des biens privés ont été saccagés à Bab El Oued, Bachdjarah, l'Appreval, Belcourt, El Biar, Chéraga et autres localités. Des poteaux électriques et des caméras de surveillance ont été arrachés, le showroom de Renault a été mis à sac à Bab El Oued. Dans la matinée de jeudi, des jeunes ont brûlé des pneus à quelques dizaines de mètres de la station d'essence de Hussein Dey donnant sur l'avenue de l'ALN. Devant le danger que cela représentait, les éléments de la Protection civile, dont le siège est situé à proximité des lieux, sont intervenus pour éteindre le feu et convaincre les jeunes des graves risques d'explosion que cela comportait. Belouizdad prend le relais jeudi en début de soirée. Des affrontements entre jeunes et forces antiémeutes ont éclaté vers 19 h. Lacrymogènes et jets d'eau au menu. Le centre de la capitale reste calme. Pour parer à toute éventualité, les services de sécurité ont renforcé leur présence, dès jeudi, autour de certaines institutions de l'Etat, comme l'APN et le Sénat, ainsi que le siège de la wilaya d'Alger, mais également le ministère de la Défense, et des mosquées les plus sensibles à Alger. Un dispositif particulier a été observé dès mercredi soir autour de la DGSN. L'hélicoptère de la police n'a pas cessé de sillonner le ciel algérois durant les deux derniers jours pour tenter de superviser l'évolution des événements. L'Est d'Alger n'a pas été à l'écart de ces événements. Des émeutes ont éclaté jeudi dans plusieurs localités de cette région, notamment à Bordj El Kiffane, El Hamiz, Bordj El Bahri, Dergana et Bab Ezzouar. A partir de la mi journée, des informations faisant état de nouvelles émeutes dans d'autres localités de l'Est de la capitale fusaient de partout. On parle aussi de Bachdjarrah, El Harrach, mais surtout El Hamiz où la circulation était bloquée à partir de la SNTP. Rideaux baissés, les commerçants n'ont pas abandonné les lieux, préférant défendre leurs biens, allant jusqu'à en venir aux mains avec des émeutiers armés d'armes blanches qui tentaient de s'attaquer aux magasins de ce plus grand quartier commerçant d'Alger. Le quartier de Bab Ezzouar a vécu une nuit de jeudi à vendredi très mouvementée. Des centaines de personnes se sont rendues devant le nouveau centre commercial et des loisirs dans le but de le saccager. Ayant eu vent, semble-t-il de cette information, des policiers antiémeutes avaient déjà pris position devant le centre commercial qui a ouvert ses portes à la mi-2010, mais aussi à proximité des deux hôtels, le Mercure et Ibis. Quelques vitres ont tout de même volé en éclats mais les policiers ont réussi à repousser la foule. Cette dernière, dans une marche compacte, s'est dirigée par la suite vers la cité universitaire derrière la cité EPLF, plus précisément du côté du chantier du tramway. Des jeunes ont érigé des barricades sur la route et brûlé des pneus. Des escarmouches ont éclaté entre les forces de l'ordre mais la situation a vite été maîtrisée. Le calme est revenu vers 23 heures. Un hélicoptère de la police continuait cependant de sillonner le ciel. Jeudi, à 14h30 à Rouiba, plus aucun autobus en direction d'Alger. Et pour cause, «la route est barrée à El Hamiz, il y a une circulation monstre, on ne pourra pas atteindre Alger avant ce soir», explique le receveur aux usagers qui tentent de monter dans le bus. Dans le sens inverse, la situation n'était pas moins complexe. Les bus en partance d'Alger en direction de Rouiba, Reghaïa et Boumerdès qui prenaient la route nationale passant par El Hamiz étaient bloqués à partir de Bab Ezzouar puis au niveau de «Cinq Maisons» où la circulation était très dense au début de l'après-midi. Au niveau de Bab Ezzouar, les tentatives de bloquer l'autoroute ont été dispersées par la police antiémeute. Les rares rescapés dans cet axe sont les usagers qui ont pris le train électrique de la banlieue Est qui continuait à circuler durant la journée de jeudi. A la gare SNTF de Rouiba, un père, ne voyant pas arriver ses deux filles étudiantes à l'Université d'Alger (Ben Aknoun), les appelle pour leur conseiller d'aller chez leur tante à Chéraga. A noter aussi que tous les trains à destination de Blida et l'Ouest du pays ont été annulés dès 14 heures. A Rouiba toujours, les résidents de Dergana, Bordj El Bahri et Aïn Taya sont obligés de parcourir un trajet de plus de 8 km à pied. Un «barrage» d'émeutiers placé au niveau du chantier de la nouvelle trémie de Bordj El Bahri a carrément bloqué la circulation. Arrivés au niveau de ce barrage, les premiers automobilistes sont obligés d'emprunter un chemin à travers les champs et vergers de mandarine, menant vers Dergana, puis Bordj El Bahri. Il y avait foule également devant les établissements scolaires. Des parents, des mamans surtout, sont venus chercher leurs enfants. «Je viens chercher ma fille», dit, affolée, une mère qui tente d'expliquer au gardien d'une école qu'une foule de manifestants est en train de brûler une fabrique de détergents située à moins de 300 mètres de l'ancien CEM de Dergana. Quelques minutes plus tard, le directeur ordonne de laisser sortir tous les élèves. L'usine de détergents a flambé pendant toute la nuit de jeudi à vendredi. Dans cette même localité, les émeutiers se sont également attaqués, vers 17 h, au dispensaire, le dépouillant de tous ses équipements comme les réfrigérateurs, les outils informatiques et autres mobiliers. Les jeunes ne prêtaient aucune attention aux appels de l'imam de la mosquée située à quelques mètres du centre. Aucune réaction des gendarmes et des éléments de la BMPJ n'a été enregistrée. Une bagarre à couteaux tirés a éclaté entre émeutiers dans la soirée de jeudi à vendredi, en raison d'une mésentente sur le partage du butin de la journée, notamment les objets subtilisés dans le dispensaire qui fait face à la mosquée. Vendredi matin, il était très difficile de se déplacer à Alger en raison de la rareté des autobus et des taxis. Très peu de transporteurs osaient s'aventurer après les événements de la veille qui ont vu la destruction de véhicules particuliers et de transports publics. Après la prière du vendredi, d'importants heurts ont éclaté à Belouizdad, à proximité du ministère du Travail et de la Sécurité Sociale. Un impressionnant dispositif de sécurité a été déplacé sur les lieux où les échanges de jets de pierres et de gaz lacrymogènes étaient en cours vers 15h30. Un autobus a été saccagé à la gare routière urbaine de la place 1er Mai (à proximité du Central téléphonique et de la Maison de la Presse).