Le 12 février, la Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) n'était pas parvenue à soulever la rue, mais elle a incontestablement réussi à ruiner la façade de respectabilité démocratique derrière laquelle s'abritait le pouvoir. Plus personne en effet, que ce soit en Algérie ou à l'étranger, ne se fait maintenant d'illusions sur la nature autoritariste de ce pouvoir qui, pour empêcher une marche pacifique, a sorti la grande artillerie sous la forme d'un dispositif répressif que seuls les régimes dictatoriaux exhibent en pareille circonstance. Pour autant, il ne semble pas que le discrédit que lui vaut dans le pays et à l'étranger sa démonstration de force inconsidérée et les dénonciations internationales qu'elle a entraînées le contraindront à tolérer que cette même CNCD fasse aujourd'hui la nouvelle marche à laquelle elle a appelé. En cas de récidive, ce samedi, du scénario s'étant déroulé le 12 février, la CNCD aura partie gagnée contre lui auprès des opinions nationales et internationales. Il en sera ainsi parce que démonstration sera faite que le pouvoir ne tolère pas l'expression de la contestation, fût-elle celle d'une opposition que sa propagande s'est évertuée à présenter comme minoritaire et inaudible au sein de l'opinion algérienne. La CNCD et les manifestants qu'elle mobilise ne sont certes pas représentatifs de tous les courants d'opinions qui s'expriment dans le pays sur la nature de la crise politique nationale et des solutions pour en sortir. Mais le pouvoir est parfaitement renseigné pour savoir qu'ils sont porteurs de revendications auxquelles les citoyens souscrivent en majorité. En réprimant et en empêchant leur marche pacifique, il ne fera par conséquent que démontrer à ces citoyens qu'il refuse d'entendre ses revendications dont ils approuvent le bien-fondé et la légitimité. Loin par conséquent d'isoler la CNCD, l'acharnement répressif annoncé auquel elle sera de nouveau soumise ce samedi ne fera qu'élargir son audience populaire et inciter les citoyens à être de plus en plus nombreux à répondre à ses appels à la révolte contre un système et un pouvoir autistes et en faillite. Autiste, le pouvoir l'est plus que jamais, même s'il a semblé être sorti de cet état en faisant la promesse d'une prochaine levée de l'état d'urgence et d'une ouverture de la télévision à l'expression plurielle. Dans les faits, il se cramponne au statu quo, ce qui accroît le pourrissement de la situation dans le pays, annonciateur d'une explosion autrement plus incontrôlable que les démonstrations dont la Commission nationale pour le changement et la démocratie est l'initiatrice. Abdelhamid Mehri, que le pouvoir ne peut accuser d'être partisan de la violence comme instrument d'un changement démocratique, lui a magistralement fait comprendre que ce statu quo auquel il s'accroche n'est plus possible. En s'entêtant uniquement à ruser face au mécontentement et à la colère populaire qui s'expriment dans le pays et en se refusant aux changements que la vox populi demande, le pouvoir ne finira par récolter que ce qu'il a semé, à savoir sa remise en cause de façon violente. Ils étaient 250 manifestants le 12 février, selon notre inénarrable ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia. A supposer qu'il en soit ainsi également aujourd'hui, il n'y aura aucun doute pourtant qu'ils seront l'avant-garde d'un mouvement populaire qui, à brève échéance, submergera la rue algérienne pour imposer le changement et la démocratie.