Les journalistes étrangers que les autorités ont autorisé à couvrir la marche de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie n'ont pas eu l'attention focalisée sur la faible affluence citoyenne drainée en la circonstance, mais sur l'impressionnant dispositif répressif déployé pour faire avorter cette marche. Le pouvoir a beau prétendre que les manifestants s'étant regroupés place de la Concorde (ex-place du 1er Mai) ont exprimé des revendications que ne partagerait nullement la population algérienne, ces journalistes étrangers se sont faits à la conviction que la contestation dans le pays fait peur au régime, car, s'il en était autrement, il n'aurait pas mobilisé autant de moyens humains et matériels pour contrer une démonstration sans péril pour lui. En accréditant, contrairement à son habitude en de telles circonstances, les médias étrangers qui ont voulu couvrir la marche, le pouvoir a voulu convaincre de la sérénité qui serait la sienne face à une opposition dont l'agitation est jugée par lui comme étant de nul danger pour la stabilité du pays. Sauf qu'en la même occurrence, il a étalé sans ambiguïté sa nature autoritariste en déployant sous les yeux de ces médias un terrifiant arsenal répressif. C'est ce côté de la réaction du pouvoir, décrié par les médias étrangers, qui a fait l'objet de déclarations de certaines puissances et institutions internationales après la marche avortée du samedi 12 février. Toutes ont convergé pour mettre en garde les autorités algériennes contre la tentation d'user de la répression brutale au cas éventuel où d'autres manifestations populaires viendraient à avoir lieu dans le pays. La perspective d'une poursuite de la contestation en Algérie, voire de son extension par l'entrée en jeu d'autres acteurs que ceux ayant été à l'origine de la marche de samedi dernier, n'est pas en effet exclue par ces milieux étrangers. Instruits du discrédit qui les a entachés du fait de la passivité dont ils ont fait montre à l'égard des régimes de Ben Ali en Tunisie et de Moubarak en Egypte quand ils se sont avisés d'user de la violence pour réprimer les révolutions qui allaient les emporter, ils ont, dans le cas de l'Algérie, voulu faire preuve d'anticipation en exerçant de fortes pressions sur les autorités pour les dissuader d'en faire de même. Bouteflika et le pouvoir algérien sont désormais sous haute observation à l'international. Le contexte créé par les révolutions en Tunisie et en Egypte ne leur permettra pas d'escompter la mansuétude de ces milieux officiels étrangers, comme en ont bénéficié un moment les deux dictateurs précités. La Coordination nationale pour le changement et la démocratie (CNCD) est parfaitement renseignée sur la vigilance internationale qui s'exerce concernant la situation dans le pays et ses possibles évolutions. D'où sa décision de poursuivre son mouvement de contestation et de revendications sous la forme de l'organisation d'une nouvelle marche pour samedi prochain et le principe d'un appel à la grève générale. C'est dire qu'au final, malgré l'impressionnant arsenal répressif déployé par le pouvoir, la peur n'est pas dans le camp de la CNCD mais dans celui qui n'a d'autre rempart que cet arsenal.