La première semaine de la révolte populaire ayant éclaté contre lui et son régime, le colonel Kadhafi apparaissait abattu, désemparé, au bord de l'effondrement. Il s'est depuis ressaisi et a contre-attaqué aussi bien sur le plan militaire, pour tenter de reprendre aux insurgés les régions qu'ils ont affranchies de son autorité, que diplomatique et médiatique en vue de contrer les pressions internationales le poussant à abandonner le pouvoir. Ces deux contre-offensives lancées en parallèle par le dictateur libyen visent à faire comprendre qu'il a les moyens de faire avorter l'insurrection populaire et que de ce fait la communauté internationale doit se faire à la raison et admettre qu'il est toujours le représentant du «pouvoir légal» en Libye. Si Kadhafi l'emporte militairement sur les insurgés, ça en sera fini de la révolte populaire en Libye mais aussi du printemps arabe libertaire né avec la révolution du jasmin. C'est dire que la contre-révolution qu'il tente de mener est suivie avec une attention secrètement approbatrice par les régimes arabes que le vent de ce printemps menace. D'où leur silence et le peu d'empressement qu'ils mettent à se prononcer sur les sanglants événements qui se déroulent en Libye, Etat membre de la Ligue arabe. Leur attitude contribue irrécusablement à ce que la communauté internationale tergiverse à s'entendre sur une position commune et nette à l'égard du dictateur libyen et de ses agissements criminels contre son peuple. Ce que cette communauté internationale doit néanmoins impérativement faire valoir en dépit des arrière-pensées de ces régimes arabes de sinistre morale, c'est que Kadhafi a fait son temps et que son régime n'est plus en aucune façon légitime. Déclarer par conséquent qu'il n'est pas question pour elle d'entériner le fait accompli de l'éventuel écrasement de l'insurrection populaire libyenne si cela devrait être le résultat de l'offensive de ses troupes fidèles et des mercenaires qui leur prêtent main-forte. Il faut par conséquent que le message de cette communauté internationale en direction du dictateur libyen et de son clan soit catégoriquement fort et sans ambiguïté. A savoir qu'ils doivent céder le pouvoir et rendre des comptes au peuple libyen s'entend. Au prétexte d'éviter le bain de sang provoqué par Kadhafi et ses partisans, Amr Moussa, le secrétaire général de la Ligue arabe, a émis l'inacceptable proposition que s'engage entre le dictateur et les insurgés «un processus de réconciliation». Dans le cas libyen, au point où en sont arrivées les choses, il n'y a plus de place à un tel scénario. Le peuple libyen n'en veut pas et le pousser à l'accepter reviendrait à lui voler la révolution qu'il est en train de mener dans la douleur et le sang. C'est aussi le signal le plus démoralisant qui serait adressé aux autres peuples tentés de se révolter contre leurs potentats nationaux respectifs. Sans recourir à l'intervention militaire directe, la communauté internationale dispose d'arguments pour contraindre Kadhafi à mettre fin à son agression contre son peuple. Mais en tout état de cause, il faut que soit entendu que le dictateur ne puisse bénéficier d'aucun compromis et surtout pas celui qui lui garantirait l'impunité. Un sort pour lui à la Ben Ali ou Moubarak n'est plus envisageable pour le peuple libyen et pour tous les autres peuples arabes. Kadhafi a été trop loin, il doit en payer le prix qu'un tribunal libyen lui fixera dans le respect d'une justice équitable et sereine que la révolution en cours aura à cœur d'instaurer.