Le rapport de force entre les insurgés et les forces loyalistes au régime de Kadhafi est en train de tourner sur le terrain en faveur des militaires, bien entraînés et surarmés, alors que la Libye est entrée dans une longue période de guerre civile. Sur la route côtière reliant les principales villes de Libye, l'aviation loyaliste continuait vendredi de pilonner les positions rebelles. Selon des correspondants de presse, les soldats de Kadhafi arrivent par air, mer et terre et, après trois semaines d'un conflit indécis, font rapidement reculer les insurgés, à la puissance de feu bien inférieure. De violents combats se déroulaient, hier, vendredi, dans plusieurs régions de Libye, notamment à Ras Lanouf où les forces loyalistes au régime de Kadhafi ont réussi à reprendre le contrôle de cette ville pétrolière, à 650 km à l'est de la capitale libyenne. De violents combats se déroulaient dans cette ville, que l'aviation pilonne sans cesse depuis jeudi pour en reprendre le contrôle et chasser les insurgés. Une attaque aérienne d'envergure a été lancée vendredi en début d'après-midi sur un poste de contrôle de la rébellion à une dizaine de kilomètres à l'est de Ras Lanouf, où les combats se poursuivaient. Pluie d'obus sur Ras Lanouf C'est dans cette ville que les combats de ces dernières 48 heures sont les plus violents, avec des raids aériens et des tirs d'obus et de roquettes des forces pro-Kadhafi contre les positions tenues par les insurgés. La violence de la riposte des forces pro-Kadhafi a forcé les insurgés à évacuer Ras Lanouf, soumise à une pluie de roquettes et d'obus. Au moins quatre personnes y ont été tuées et trente-cinq blessées, selon une source hospitalière. La télévision libyenne a annoncé que cette ville avait été «purgée» des insurgés et que les forces pro-Kadhafi se dirigeaient vers Benghazi, fief de l'insurrection plus à l'Est. «Nous sommes vaincus. Ils bombardent à coups d'obus et nous fuyons. Cela signifie qu'ils sont en train de reprendre Ras Lanouf», a reconnu un insurgé. A quelques dizaines de kilomètres de là, Ben Jawad a été «complètement» nettoyée selon un officiel libyen. A 40 kilomètres à l'ouest de Tripoli, Zawiyah était sous contrôle des pro-Kadhafi, après de violents combats, selon des témoins. Cette ville, qui abrite la principale raffinerie de pétrole alimentant la capitale et l'ouest du pays, était jusque-là le bastion des insurgés le plus proche de Tripoli. Misrata, près de Tripoli et troisième ville du pays, est toujours sous le contrôle des insurgés, mais elle est encerclée par les forces militaires loyalistes, selon un réfugié soudanais tout juste arrivé en Tunisie, décrivant une situation «catastrophique». Par ailleurs, une violente bataille se joue à Zawiyah, ville stratégique à l'ouest de Tripoli et théâtre d'un carnage, selon des témoignages d'habitants. Parallèlement, le régime tentait d'empêcher de nouvelles manifestations vendredi. La sécurité a été renforcée dans le quartier de Tajoura à Tripoli, épicentre de la contestation dans la capitale libyenne. «Il y a eu des arrestations la nuit dernière», selon un expatrié libyen ayant joint des proches à Tajoura. La télévision officielle a demandé aux habitants des villes tenues par les insurgés de ne pas se rassembler pour la prière dans les lieux publics, affirmant que «des mercenaires et des bandes criminelles» menaçaient leur sécurité. A Benghazi, devenue l'épicentre de la rébellion, une manifestation a été organisée après la prière du vendredi, et les manifestants ont réclamé le départ de Kadhafi. Mais, face à l'avancée des troupes de Kadhafi, qui gagnent du terrain et commencent à reprendre les villes tenues par les insurgés, les désillusions commencent à se faire jour. Hommes politiques et combattants commencent à désespérer d'obtenir une aide étrangère. «Où sont les Occidentaux ? En quoi nous aident-ils ? Que font-ils ?», s'énerve un combattant. Moustafa Abdeljalil, président du Conseil national libyen (CNL), a exhorté la communauté internationale «à prendre ses responsabilités». «Les Libyens sont en train d'être balayés par l'aviation de Kadhafi. Nous demandons depuis le début une zone d'exclusion aérienne, nous voulons un embargo maritime», a-t-il dit à la BBC, réclamant également des armes et une aide humanitaire. Moustafa Abdeljalil, dont la capture a été mise à prix par le régime, a affirmé que sans une aide internationale, «Kadhafi anéantira» le pays. Seïf El-Islam menace d'un bain de sang Multipliant les interviews, Seïf El-Islam, un des fils de Kadhafi, a affirmé jeudi que la victoire était «en vue» en Libye. «J'adresse un message à nos frères et nos proches à l'Est qui nous envoient chaque jour des appels à l'aide (...) : nous arrivons !» S'adressant aux insurgés, il a assuré que l'Otan, Washington, Paris ou Londres n'allaient «leur servir à rien», martelant: «Je jure devant Dieu que nous allons gagner (...). La victoire est en vue». Sur le front diplomatique, la France a décidé de reconnaître le Conseil national de transition comme le seul représentant légitime du peuple libyen et appelé même à des frappes ciblées contre les troupes de Kadhafi pour aider les insurgés, alors que l'Otan devait se prononcer au cours d'une réunion sur cette question. Le président français Nicolas Sarkozy et le Premier ministre britannique David Cameron ont demandé dans un courrier commun à l'Union européenne de considérer le CNT comme «un interlocuteur politique valable», estimant que «Kadhafi et sa clique doivent partir». Ils se sont par ailleurs dits «prêts à apporter un soutien dans toutes les éventualités» qui «pourrait inclure une zone d'exclusion aérienne». La France et la Grande-Bretagne sont également disposées à participer à des frappes «ciblées» contre les forces du régime de Mouammar Kadhafi si ces dernières font notamment usage «d'armes chimiques» contre la population, a déclaré vendredi le président Nicolas Sarkozy depuis Bruxelles. Les Etats-Unis ont décidé, quant à eux, de «suspendre» les liens avec l'ambassade de Libye à Washington et annoncé l'envoi d'équipes humanitaires dans l'est du pays. A Addis-Abeba, l'UA, réunie en mini-sommet, a rejeté vendredi toute forme d'intervention militaire étrangère. «Le Conseil réaffirme son ferme engagement en faveur du respect de l'unité et de l'intégrité territoriale de la Libye, ainsi que son rejet de toute forme d'intervention militaire étrangère» dans ce pays, a déclaré le commissaire à la Paix et à la Sécurité de l'organisation, Ramtane Lamamra.