S'il n'y a pas de crise politique en Algérie comme Ouyahia le prétend imperturbablement, pourquoi le président de la République a-t-il annoncé que des réformes politiques vont voir le jour dans le pays ? Le Premier ministre et chef du RND, tout en persistant dans la dénégation sur la crise politique, nous a expliqué que des réformes politiques doivent être opérées parce qu'elles «font partie du développement et de l'évolution naturelle d'un Etat». Sauf que cet Etat et le pouvoir ne se sont rendu compte qu'il y a «corrélation» entre réformes politiques et développement et l'évolution naturelle de l'Etat que quand le pays a été secoué par une vague d'émeutes en janvier dernier et que la tempête du changement démocratique s'est mise à souffler sur le Maghreb et le Moyen-Orient. De cela, Ouyahia refuse de convenir. Entre le début de la semaine dernière et le week-end écoulé, il a néanmoins clairement changé son fusil d'épaule. Après avoir en effet prétendu que l'Algérie n'étant pas en crise politique, il n'y a donc pas lieu de réformes de cette nature, il a nuancé sa position en annonçant que son parti, le RND, « s'associera à toute révision même profonde de la Constitution ainsi qu'à tout chantier d'amendement des lois régissant l'exercice politique pluriel ». Son acquiescement en faveur de réformes politiques s'accompagne toutefois d'une conditionnalité, qui est que le RND «demeurera opposé à toute démarche qui aboutirait à la négation du parcours de l'Algérie depuis le recouvrement de son indépendance ou qui sèmerait de nouveau la division de la société en remettant en cause les fondements de notre identité nationale ou les principes de notre système démocratique républicain». Cette conditionnalité exprimée par Ouyahia et le conseil national de son parti pose question. Est-ce à dire que le RND, dont Ouyahia a révélé qu'il n'a pas été consulté (comme les autres partis de l'Alliance présidentielle) par le président de la République sur les réformes qu'il compte entreprendre, soupçonne qu'un tel projet serait du domaine du possible avec Bouteflika à El-Mouradia ? Apparemment, pour Ouyahia et sa formation, ce danger existe. A leurs yeux, il pourrait se matérialiser si Bouteflika opte pour la démarche incluant une constituante ayant pour prérogative de conduire le pays vers l'instauration d'une seconde république. D'autant que les personnalités nationales et formations politiques ayant plaidé pour cette démarche sont celles qu'ils accusent de nourrir le projet auquel le RND déclare «demeurer opposé». Ouyahia s'est gardé de révéler la nature de « la révision même profonde » de la constitution à laquelle sa formation s'associerait et n'a pipé mot sur le «processus de réformes politiques visant à conforter la démocratie», pour lequel il s'est dit prêt à apporter une contribution active. De l'aveu d'Ouyahia, il ressort que le Président est en train de préparer son projet de réformes politiques sans consulter les formations de l'Alliance présidentielle. L'on comprend pour cette raison la fébrilité qui agite ces partis sur cette affaire. Il faut espérer que c'est pour dépasser le conservatisme dont lequel ils sont figés que Bouteflika s'est passé de leurs lumières. Des réformes politiques sur lesquelles il devrait prendre leurs avis et conseils ne peuvent être qu'illusoires car elles évacueraient inévitablement l'essentiel de la revendication qu'exprime l'opinion publique dans sa très large majorité, à savoir le changement du système en place, dont les trois partis de l'Alliance présidentielle sont la symbolique politique honnie par cette opinion publique.