Dans les coulisses du FMI et de la Banque mondiale, l'aide de 100 millions de dollars de l'Algérie à la Tunisie, annoncée le 15 mars dernier à l'issue de la visite à Alger du Premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi, est jugée «relativement modeste» compte tenu des excédents financiers algériens et des liens forts entre les deux pays. L'annonce, jeudi 14 avril 2011 à Washington, par le président de la Banque mondiale Robert Zoellick, d'une aide directe de son institution de 500 millions de dollars à la Tunisie, doublée d'une levée de fonds de 700 millions de dollars auprès d'autres donateurs, a déclenché des commentaires de coulisses sur l'aide proposée par l'Algérie à son voisin tunisien, le 15 mars dernier, jugée globalement «mesurée» par des spécialistes. Le passage à Alger du Premier ministre tunisien, Béji Caïd Essebsi, s'était soldé par «un geste» du président Bouteflika avec l'octroi d'une aide de 100 millions de dollars. Ce montant se décompose en 50 millions de dollars mis à la disposition de la Banque centrale tunisienne sans intérêts, 40 millions de dollars sous forme de prêt à taux bonifié de 1%, remboursable sur 15 ans avec une période de grâce de 5 ans, et, enfin, 10 millions de dollars de dons. Selon deux points de vue qui se sont exprimés à Washington en marge des rencontres du printemps de la Banque mondiale et du FMI, l'Algérie aurait pu octroyer un montant au moins deux à trois fois plus important au titre du crédit à long terme à taux avantageux. «Il aurait suffi de s'aligner sur la rémunération des bons du Trésor américain et déposer auprès de la Banque centrale tunisienne, au même taux, un chèque de 250 à 300 millions de dollars. Compte tenu des réserves de change que détient la Banque d'Algérie, cela aurait pesé plus sérieusement sur le plan politique, sans rien perturber au plan de placement des avoirs algériens», explique une source interne aux institutions de la 19e Avenue de Washington DC. Un «stabilisateur financier d'appoint» Les autorités tunisiennes avaient évité de faire le moindre commentaire après l'annonce de cette aide algérienne. Une source proche du gouvernement tunisien a affirmé à Maghreb Emergent à Washington que le Premier ministre Béji Caïd Essebsi «n'avait pas exprimé de demande précise. Il était venu parler à Alger surtout de la situation en Libye». Le président Bouteflika pouvait donc agir à sa guise pour exprimer, «enfin», une forme de solidarité avec la voisine révolution tunisienne. «L'Algérie aura sans doute une possibilité de faire mieux, en participant à l'effort de mobilisation de fonds que va engager la Banque mondiale pour venir en aide au budget tunisien en 2011, ainsi qu'aux différentes dépenses liées à la transition démocratique dans le pays», expliquait, en marge de la conférence de Robert Zoellick, un responsable à la Banque mondiale. Le président de la Banque mondiale a, d'ailleurs, réuni jeudi après-midi à Washington les ministres des Finances des pays de l'Afrique du Nord pour évoquer la situation économique dans la région à la lumière des changements majeurs en cours. « Il y a été question de la Tunisie et de l'Egypte, bien sûr, mais aussi de l'avenir économique de la Libye et de la meilleure manière de donner une stabilité à la région par des programmes générateurs d'emplois et de croissance», a expliqué une source de la Banque mondiale. Le rôle de «stabilisateur financier d'appoint» que peut jouer l'Algérie auprès de la Tunisie dans ces circonstances exceptionnelles qui font peser le poids de la guerre en Libye sur la révolution tunisienne, a été évoqué plusieurs fois dans les conversations. L'aide algérienne de 100 millions de dollars, annoncée le 15 mars dernier, n'est pas encore arrivée à la Banque centrale tunisienne, a pu apprendre Maghreb Emergent à Washington. Les prévisions de croissance du FMI pour la Tunisie en 2011 sont proches de zéro. Les investissements étrangers ont baissé de 28,8% au premier trimestre 2011.